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"On est en plein cœur d'un métier pénible": Nicolas, déménageur, ne comprend pas pourquoi son métier n'est pas considéré comme lourd

Nicolas, 36 ans, est déménageur depuis qu'il a 23 ans. Il nous a contactés car il ne comprend pas pourquoi son métier n'est pas considéré comme un "métier lourd", au même titre que les policiers ou les facteurs par exemple. Mais, comment sont déterminés les métiers lourds ? Sur quels critères la loi se base-t-elle ? Et enfin, pourquoi les déménageurs ne sont-ils pas considérés comme tel ? Explications.

Déménageur depuis ses 23 ans, Nicolas, aujourd’hui âgé de 36 ans, se demande pourquoi son métier n’est pas considéré comme étant un métier lourd ou pénible. Son frère a poussé le bouton orange Alertez-nous pour mettre en lumière cette situation : "Mon frère est déménageur et ce métier n’est pas considéré comme métier lourd... Il en bave pourtant tous les jours. Un postier est considéré comme métier lourd. Où est la logique ?", s’interroge-t-il.

Métier lourd, c’est quoi exactement ?

Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, une petite explication s’impose : qu’est-ce qu’un métier dit lourd ou pénible ?

Il s’agit, en fait, d’un statut spécial permettant d’anticiper la retraite, aujourd’hui fixée à 67 ans pour les autres catégories de métiers. Les travailleurs faisant partie de ce régime spécial peuvent donc soit bénéficier d'une pension plus élevée, soit anticiper leur départ à la retraite de 2 à 6 ans, mais jamais avant l'âge de 60 ans, nous explique Eric Slagmuylder, conseiller général au département droit de pensions du Service Fédéral des Pensions.

Au total, 4 critères ont été retenus, lors de la réforme des pensions en 2018, pour définir une fonction pénible, peut-on lire sur un site spécialisé :

Les contraintes physiques ;
L’organisation du travail ;
Les risques de sécurité ;
Et enfin, la pénibilité mentale ou émotionnelle.
Plus le coefficient de pénibilité est élevé, plus grandes seront les possibilités de départ anticipé. En théorie, le métier de déménageur répond à ces critères. Nicolas, qui est déménageur depuis 13 ans, porte en moyenne 1 tonne de meubles par jour, estime-t-il. "Quand on fait des livraisons de meubles, on a parfois 50 armoires de 120 kg chacune à porter ! Ça va très vite", nous dit-il. 

Déménageur, un métier pénible en pratique, mais pas dans la loi 

Pour lui, le métier de déménageur devrait donc être considéré comme un métier lourd ou pénible. "Je pense qu’on est en plein cœur d’un métier pénible, on porte des tonnes de meubles à longueur de journée, on travaille quand il fait froid, quand il fait chaud, quand il neige ou qu’il pleut, dans les courants d’air… On est obligés de travailler tout le temps".

Si on pouvait avoir plus de reconnaissances ce serait bien

Et à cause de son métier, Nicolas a déjà quelques soucis de santé. "On a des bobos tous les jours, on se lève très tôt le matin, à 5h je suis debout. On a constamment mal au dos… On n’a pas le temps de se reposer", déplore-t-il. Pourtant, il adore son métier et ne changerait pour rien au monde : "C’est un métier que j’adore, on rencontre tout le temps des gens, c'est gai. Mais jusqu’à 67 ans, porter des meubles… ça va être compliqué, voire impossible même. On n’a pas d’autres opportunités dans le déménagement que de porter". 

Avec 20 jours de congé par an, Nicolas nous assure que "c’est impossible de récupérer par rapport au travail qui est fait". Il demande plus de jours de repos, mais aussi plus de reconnaissance pour son secteur. "On remplit pas mal de critères pénibles : le temps, le poids, les horaires… Si on pouvait avoir plus de reconnaissances ce serait bien", estime-t-il.

 

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Quelles fonctions sont concernées par ce statut ?

Mais alors pourquoi les déménageurs ne font-ils pas partie des métiers considérés comme lourds ou pénibles ? Qui est concerné par ce statut spécial ? "En matière de pensions, seules quelques catégories de la fonction publique peuvent être considérées comme métiers pénibles ou lourds. Mais dans le régime des travailleurs salariés ou des indépendants, ça n’existe tout simplement pas", nous explique Eric Slagmuylder.

Autrement dit, seuls certains fonctionnaires bénéficient d’un statut de pension spécial lié au régime des métiers dits lourds ou pénibles. Sont concernés les militaires actifs, les facteurs, les enseignants, les pompiers, les policiers, et les conducteurs de train, détaille-t-il.

Pourquoi ni les salariés ni les indépendants ne peuvent bénéficier d’un tel statut ?

Eric Slagmuylder nous explique qu’il y a eu un blocage au niveau du gouvernement précédent pour trouver un accord sur le secteur privé : "C’est un sujet qui a été évoqué, bien sûr, mais le gouvernement précédent n’a pas trouvé d’accord entre toutes les parties"

Aujourd’hui, le débat est donc remis entre les mains des partenaires sociaux, qui sont chargés de trouver un accord à ce sujet quasiment 9 ans après les premières discussions. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Selena Carbonero du syndicat FGTB, qui est en charge du dossier.

Un blocage sur le secteur privé au niveau du gouvernement précédent

Et pour comprendre l’ampleur du sujet, il faut remonter au gouvernement précédent, qui a œuvré entre 2014 et 2019, et qui a notamment acté la réforme des pensions vers la fin du mandat. "À l’époque où le gouvernement Michel décide d’augmenter l’âge de la pension à 67 ans, un système de pénibilité devait être mis en place. Les discussions ont capoté, notamment par un manque de budget. Le gouvernement est ensuite tombé quelque temps après", résume Selena Carbonero. Les premières discussions sur le sujet remontent à 2014. 

Depuis lors, les partenaires sociaux mettent tout en œuvre pour qu’une discussion ait lieu autour de ces questions, nous dit-elle. Puis développe : "On sait qu’en Belgique, l’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans. Les durées de carrière sont trop longues, 45 ans, c'est trop. On le voit, le taux de malades longue durée est en augmentation, notamment parce que ces personnes sont confrontées à des circonstances de pénibilité. Leur travail a un impact sur leur santé", estime-t-elle.
 

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Pas une priorité pour le gouvernement actuel

Pour la FGTB, si les discussions prennent du temps, c’est parce que "ce n’est pas une priorité pour les autorités". "Or pour nous, ça reste une priorité. Les travailleurs et travailleuses que nous représentons ne veulent pas crever au travail !", s'indigne-t-elle, puis poursuit : "Ils veulent pouvoir, à un moment donné, quand les circonstances de travail pèsent trop lourd sur leur santé, pouvoir quitter plus tôt et profiter un minimum de leur vie en bonne santé".

La FGTB propose donc de mettre en place un système qui tiendrait compte des contraintes posturales, de flexibilité comme le travail de nuit, et aussi, de la charge psycho-sociale, détaille Selena Carbonero. Le but étant de reproduire le même schéma que dans certains métiers lourds de la fonction publique, ajoute-t-elle.

Les partenaires sociaux chargés de faire une proposition commune au gouvernement

Aujourd’hui, la FGTB travaille donc avec les autres partenaires sociaux sur une proposition commune à faire au gouvernement actuel, nous explique-t-elle. Les discussions sont en cours et devraient prochainement aboutir vers un potentiel accord entre toutes les parties, à savoir patronales, syndicales et gouvernementales.

 

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