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Médecins "embarrassés", maires désemparés, députés "révoltés", écologistes "étonnés": le premier comité pour la transparence sur l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen a laissé vendredi nombre de questions sans réponse.
"De nombreux habitants nous demandent ce qu'ils doivent faire de leurs déchets verts avec des retombées d'hydrocarbure, des eaux utilisées pour nettoyer les retombées des suies ? Pourquoi à 150 mètres du site les habitants n'avaient aucune consigne pour se protéger alors que les policiers portaient des masques ?", égrène Charlotte Goujon, maire de Petit-Quevilly, commune qui jouxte l'usine Seveso seuil haut.
"La question de l'eau peut se poser dans les mois, voire les années qui viennent", renchérit Dominique Gambier, maire de Déville-lès-Rouen, devant les quelque 80 personnes présentes.
Et "qu'est-ce que cette fumée blanche qui persiste sur le site à l'emplacement des 160 fûts ? C'est lié au refroidissement ou c'est une émanation des produits contenus dans ces fûts ?", reprend l'élue de Petit-Quevilly, qui a porté plainte au nom de sa ville.
Parmi les "priorités" de l’État figure "l'élimination de 160 fûts" endommagés et présentant un "risque d'émanations de gaz mercaptan, très incommodant, et de sulfure d'hydrogène, extrêmement dangereux", avait rappelé auparavant Patrick Berg, le directeur régional de l'environnement.
Le désarroi des professionnels de la santé n'est pas moindre. "La population est traumatisée et on n'a pas de réponse très carrée à leur donner. Franchement on ne sait pas où on va. On a l'impression d'être entré dans un tunnel et de ne pas en voir le bout", explique Antoine Leveneur, président de l'union régionale des médecins libéraux.
"Une jeune maman enceinte m'a demandé si elle pouvait envoyer son fils jouer dans un stade où il y avait de la suie sur la pelouse. Je ne savais pas quoi répondre", ajoute le médecin dans "l'embarras".
- "Organisation du pays" -
Pour l'ancien ministre et président du conseil régional Hervé Morin ,"il faudra que la France toute entière s'interroge sur sa capacité à gérer une catastrophe industrielle comme celle-ci. On a vu toutes les défaillances, les carences et les lacunes. C'est l'organisation du pays qui n'est pas adaptée à une catastrophe industrielle".
Gilbert Renard, maire de Bois-Guillaume, commune de l'agglomération de Rouen, demande lui que soit sursis à l'exécution du plan local d'urbanisme "arrêté par la métropole en juin dernier" et qui "diminue la prise en compte des risques technologiques".
"On aura à tirer toutes les conséquences, y compris pour renforcer la prévention des risques technologiques", admet la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne qui participait au comité au côté de la ministre de la Santé Agnès Buzyn et de celui de l'Agriculture Didier Guillaume.
Les associations écologistes, elles, ne croient pas aux données présentées comme "rassurantes" par l’État. "Étonné", Jacky Bonnemains de Robin des bois dénonce les "numéros de prestidigitation" de M. Berg sur l'amiante et les dioxines.
L’État n'est pas le seul à subir les foudres des participants. Le PDG de Lubrizol France Frédéric Henry a beau promettre "d'accompagner" habitants, commerçants et agriculteurs impactés par la catastrophe, son entreprise détenue par Warren Buffett est aussi dans le viseur.
"Je trouve renversant de ne rien entendre de votre bouche qui renvoie à des éléments chiffrés, ne serait-ce que par rapport à vos responsabilités morales. Vous savez à quel groupe vous appartenez. Vous êtes en capacité de prendre des engagements financiers", a tonné le député PCF Hubert Wulfranc, "révolté".
"Transparence, principe de précaution, suivi sanitaire et environnemental: je l’avais annoncé, le comité pour la transparence et le dialogue sur #Lubrizol est désormais installé. À tous ceux qui ont été impactés, aux Rouennais: l'engagement de l’État à vos côtés reste total", s'est félicité dans un tweet vendredi le Premier ministre Edouard Philippe.