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Discrète et technicienne, la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal traverse sa première épreuve politique en défendant sa loi sur l'accès à l'université, une réforme ultra-sensible au coeur du mouvement de grogne dans plusieurs facs.
Jusqu'ici, son homologue de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, avait plutôt mobilisé l'attention médiatique, à coups de mesures en cascade.
Mais depuis quelques jours, Mme Vidal, 53 ans, est à son tour "très demandée", souligne son entourage. Depuis que la contestation contre sa loi réformant les conditions d'accès à l'université a pris de l'ampleur, avec des facs totalement bloquées et des examens reportés.
Privilégiant la pédagogie, la ministre affirme que sa loi baptisée ORE (Orientation et réussite des étudiants) mettra fin à la "sélection par l'échec", quand ses détracteurs dénoncent l'introduction d'une "sélection" pure et simple.
Récemment, elle a toutefois durci le ton face au mouvement de protestation, dénonçant "une instrumentalisation" par "les extrêmes".
"Au début, elle a su s'appuyer sur des éléments de langage particulièrement forts, comme la fin du tirage au sort (en cours dans l'ancien système d'accès à l'université, ndlr) ou le taux de réussite en première année de fac, mais maintenant, la rhétorique s'essouffle", tacle Hervé Christofol, secrétaire général du Snesup-FSU, syndicat opposé à la réforme.
Si certains la trouvent "rigide", d'autres louent sa "détermination". Les professionnels qui la côtoient s'accordent à reconnaître sa très bonne connaissance du secteur et ses compétences de technicienne.
"Extrêmement franche", parfois même "un peu cassante", elle s'est montrée "très ouverte au dialogue social", apprécie Jimmy Losfeld, président du premier syndicat étudiants, la Fage, favorable à la loi. Il s'étonne encore de l'avoir vue plusieurs fois défendre son texte devant le Conseil national de l'enseignement supérieur (Cneser), une instance consultative habituellement boudée par les ministres et dont une partie était hostile à la réforme.
Cette spécialiste de la génétique moléculaire dirigeait l'Université Nice-Sophia-Antipolis depuis mai 2012 quand Emmanuel Macron l'a fait entrer au gouvernement en mai 2017.
"Une surprise", car "elle n'avait jamais montré d'engagement politique fort", souligne René Lozi, professeur émérite, qui s'était présenté contre elle pour prendre la tête de l'établissement niçois en 2016. Mais elle avait une "vision libérale" de l'université, proche de celle du président Macron, analyse-t-il.
- Convaincre les sceptiques -
A Nice, Frédérique Vidal avait été réélue pour un second mandat après avoir contribué à décrocher un label d'excellence (Idex) pour l'université et à renforcer sa réputation sur la scène internationale.
"Elle a réussi là où personne ne l'attendait", salue Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université.
Née à Monaco, Frédérique Vidal a obtenu une maîtrise de biochimie à l'Université Nice Sophia Antipolis, un DEA à l'Institut Pasteur (option virologie fondamentale) et un doctorat en sciences de la vie à l'Université de Nice.
Recrutée en 1995 par l'université niçoise comme maître de conférences, elle en a ensuite gravi tous les échelons.
"Quand elle est arrivée, l'université était dans une situation financière très délicate", se souvient Alain Tassel, doyen de la faculté des Lettres. "Il a fallu accepter des conditions de travail plus difficiles pour ne pas être contraints de fermer des formations".
Mariée et mère de deux enfants, cette passionnée de voyages s'attache désormais à convaincre les sceptiques en mettant l'accent sur l'"investissement massif" qui aurait été consenti pour la réussite étudiante.
Son prédécesseur au gouvernement, Thierry Mandon, pointe à l'inverse un "sous-investissement évident": "Les bons choix sont faits, mais ils risquent de produire de mauvais résultats si les moyens financiers ne suivent pas", dit-il.
"Ce n'est pas de sa faute, mais à l'évidence Mme Vidal a du mal à s'imposer vis-à-vis de Bercy", affirme-t-il, pointant une autre interrogation sur sa successeur: "Comment une ministre +non politique+ peut-elle se comporter en période de crise ?"