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Franck Thilliez, le champion français du roman noir, très noir, est aussi enraciné dans sa région du Nord que d'âme vagabonde. Et avec son dernier polar, "1991", le voilà parti 30 ans en arrière.
"La première enquête de Sharko", annonce la couverture de ce volume publié jeudi par Fleuve noir. Franck Sharko, le héros, est né dans le premier livre de celui qui n'était alors qu'ingénieur, "Train d'enfer pour ange rouge" (2004).
Aujourd'hui, l'écrivain (à temps plein) est le quatrième le plus lu en France, derrière l'indéboulonnable Guillaume Musso, puis Virginie Grimaldi et Michel Bussi. Tous ont des univers plus lumineux, c'est le moins qu'on puisse dire.
Entre violences sexuelles, vaudou, tortures, perversions et morts violentes, "1991" n'est pas pour plaire à tous les publics. Tout cela sort pourtant de la tête d'un homme équilibré, discret, réservé. Extrêmement gentil même, sa personnalité ne suscitant qu'éloges: il est décrit comme humble et d'humeur égale, et pas du tout torturé, contrairement aux intrigues criminelles qui ont fait son succès.
Une série de TF1 adaptée de son roman "Le Syndrome E", dont le tournage débute, devrait le faire encore mieux connaître. Vincent Elbaz incarnera le héros, et Jennifer Decker sa partenaire Lucie Hennebelle.
Franck Thilliez parle facilement de Sharko, et moins de lui-même. "J'avais envie de retrouver un Sharko dans l'énergie de la jeunesse, qui en veut, qui est aussi un peu naïf, parce qu'il pense que le 36 quai des Orfèvres [siège de la police judiciaire parisienne], c'est tout ce qu'il souhaite, alors qu'il va être confronté à une violence très crue dès le début. Et il va se dire: est-ce que je suis fait pour ce métier? Parce qu'il est confronté à ce qu'il y a de pire en l'être humain".
- "Quelque chose de génétique" -
Cet enquêteur, donc, vient comme lui du bassin minier du Pas-de-Calais, pays de travailleurs.
Celui aussi de l'affaire de Bruay-en-Artois, le meurtre très médiatisé d'une adolescente en 1972. Franck Sharko, dans la fiction, était aux premières loges en tant qu'enfant, comme le raconte "1991". Et Franck Thilliez, né en 1973, se souvient que dans la réalité, l'histoire avait marqué les consciences dans la région: l'assassin n'a jamais été retrouvé.
"Mon grand-père était boulanger parmi les mineurs. Il habitait les corons, près de Liévin. Quand je parle du milieu de Sharko, c'est un peu le mien que je décris. Le passé de Sharko, c'est peut-être là où il y a le plus de points communs entre lui et moi", explique le romancier.
Le jeune policier ne cesse de se demander s'il pourra rester longtemps dans la capitale, et si elle ne va pas le "dévorer".
Quant au romancier, il s'est toujours tenu à l'écart du monde littéraire parisien. L'Ile-de-France est un décor de roman qu'il connaît bien, et le lieu où il rencontre sa maison d'édition, des journalistes et des lecteurs. Pas plus.
"Je suis resté dans mon Nord parce que les racines comptent pour moi. Toute ma famille, tous mes proches sont là-bas, et j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de presque génétique. Depuis 1700, le plus loin où j'ai pu remonter, tous les Thilliez ont vécu dans un rayon de 30 kilomètres", souligne-t-il. "Ça m'a permis de me consacrer à l'écriture, dans ma campagne. C'est une vie qui me convient, et je le fais ressortir chez Sharko".
Mais attention, grand changement: le romancier déménage, et va quitter sa ville de Mazingarbe (Pas-de-Calais). Pour partir vers... la campagne des environs de Lille.