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Votre dernier roman s'intitule "Il était deux fois". C'est l'histoire d'un gendarme, Gabriel Moscato. Il recherche sa fille Julie, qui a mystérieusement disparu depuis 15 jour dans une petite ville de montagne. Ce gendarme s'écroule de fatigue dans un hôtel en 2008. Quand il se réveille, il est en 2020 et ne se souvient de rien. Qu'est-ce qui vous intéressait dans cette histoire d'ellipse temporelle et de trou de mémoire ?
"Depuis plusieurs livres, je suis fasciné par la mémoire, le fonctionnement du cerveau, l’amnésie, ce dont on se souvient, ce dont on ne se souvient pas. Et surtout c’est une idée très forte pour un début de roman, ce personnage qui s’endort dans une chambre en 2008 et il se réveille dans ce qu’il croit être le lendemain et on est en 2020. C’est quelque chose de terrible. Il va se rendre compte que cela fait 12 ans que sa fille a disparu et qu’on ne l’a jamais retrouvée. Pourquoi cette amnésie, qu’est devenue sa fille, qu’est-ce qu’il est devenu pendant ces 12 années ? Tout un tas de questions le submergent."
L’autre thème, qui vous est cher, c'est celui de l’enlèvement. On voit dans l'actualité combien les affaires d'enlèvement sont très suivies. L'affaire Maddie McCann est revenu sur le devant de la scène. Vous suivez ces affaires réelles pour vous inspirer ?
"Oui, je suis consommateur de faits divers parce que c’est source d’inspiration, d’actualité qui me nourrissent en tant que romancier. Les affaires de disparition, c’est toujours fascinant dans les romans parce que contrairement au meurtre, c’est terrible à dire, mais il y a un doute. Qu’est-ce qui s’est passé et est-ce que la personne est toujours en vie ? Et là, 12 ans après, ce père est face à cette inconnue. Et son amnésie c’est quelque part une seconde chance parce qu’elle va lui permettre de redémarrer l’enquête quasiment à zéro."
Je le disais en quelques années, vous êtes devenu un des roi du thriller. Vous prenez plaisir vous à manipuler les lecteurs, à leur faire peur, à leur faire tomber dans votre piège ?
"Oui, j’adore ça. C’est lié à mes lectures d’enfance. Quand j’avais 14-15 ans, je trouvais tellement extraordinaire qu’un romancier ou un cinéaste puisse nous effrayer à ce point-là sans nous connaître, nous terroriser et quelque part entrer dans notre intimité. J’avais ce souvenir-là et aujourd’hui je sais que je procure ça aux lecteurs. C’est ce que j’aime et ce que les lecteurs aiment."
Mais en vous lisant, on se dit parfois, comme quand on regarde un film d’horreur que ceux qui imagine cela, doivent être de grands malades. Comment devient-on le pro de l’horreur et des scénarios diaboliques ? Qu’est-ce qui s’est passé dans votre vie ?
"Merci, c’est un grand compliment pour moi. Non, alors j’ai une vie tout à fait équilibrée mais l’émotion de la peur c’est quelque chose qui me fascine, j’ai envie de la transmettre et de procurer du plaisir. Vous savez pendant le confinement le genre du polar a été extrêmement lu. C’est très étrange car on a tendance à dire que c’est plutôt angoissant, mais quelque part c’est une évasion, c’est un voyage. Et les lecteurs se disent, en lisant les aventures de ces personnages qui traversent quand même des épreuves très complexes, que finalement ce qu’ils vivent dans leur vie, dans leur canapé, ça va. Ils sont en sécurité."
En tout cas, avec votre imagination fertile vous avez carrément devancé la réalité. En 2015, vous publiez le thriller Pandemia dans lequel vous décrivez les événements que nous vivons aujourd’hui: un virus d'origine animale, une contagion rapide et mondiale, des autorités dépassées, des services hospitaliers saturés, des populations confinées. Au début de la crise, les ventes de ce livre ont à nouveau décollées. Comment avez-vous pu imaginer, il y a 5 ans, un scénario aussi proche de ce que l’on vit d'aujourd'hui ?
"J’aurais préféré ne pas le vivre mais quelque part on se rend compte qu’on a bien fait le travail. Le polar c’est le genre qui décrit la société dans laquelle on vit, qui essaie d’être au plus proche de la réalité. Et les pandémies font partie des scénarios possibles du monde actuel. J’avais travaillé beaucoup avec l’Institut Pasteur où il y a des spécialistes des microbes. J’avais eu accès à des documents, des plans de prévention. Et à partir de ces documents techniques, j’ai inventé une histoire policière dans laquelle les gens vont se plonger. A l’époque c’était de la fiction."