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Le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé jeudi, lors d'un déplacement en Hongrie, d'"ouvrir les portes" de l'Europe aux réfugiés syriens installés en Turquie, exhortant la communauté internationale à soutenir son projet d'en rapatrier une partie en Syrie. "Avec ou sans soutien nous allons continuer à accueillir nos hôtes, mais seulement jusqu'à un certain point (...) Si nous constatons que cela ne fonctionne pas, nous n'aurons pas d'autre choix que d'ouvrir les portes" vers l'Europe, a déclaré M. Erdogan lors d'une conférence de presse à Budapest.
A ses côtés, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, l'un des rares interlocuteurs réguliers du président turc en Europe, a plaidé la cause de son hôte: "sans la Turquie, l'UE ne peut gérer" la question migratoire, a insisté le dirigeant nationaliste.
Des millions de Syriens se trouvent en Turquie
La Turquie accueille plus de quatre millions de réfugiés, dont quelque 3,6 millions de Syriens ayant fui le conflit qui déchire leur pays depuis 2011. "Il est possible qu'un grand nombre d'entre eux migrent en Europe", a insisté M. Erdogan.
Le flux de passages vers l'Europe s'est tari à la faveur d'un accord conclu en 2016 entre Ankara et l'UE. Mais le président turc menace depuis plusieurs semaines d'"ouvrir les portes" aux candidats à l'exil. Pour l'éviter, il exhorte les pays européens à soutenir ses projets de rapatriement des Syriens vers leur pays.
Reconstruire dans la zone syrienne envahie par la Turquie
La Turquie a lancé le mois dernier une offensive dans le nord-est de la Syrie pour en chasser une milice kurde et mettre en place une "zone de sécurité" qui pourrait accueillir une grande partie des Syriens réfugiés en Turquie.
Concrètement, le président turc appelle la communauté internationale à participer au financement de la construction d'une ou plusieurs nouvelles villes dans la zone où Ankara a lancé son opération en Syrie.
Viktor Orban, chef de file des pays hostiles à tout accueil de réfugiés au sein de l'UE, s'est présenté jeudi comme "un partenaire stratégique" d'Ankara pour éviter l'arrivée de "masses de migrants" en Europe.
A la différence de ses pairs dans l'UE, il avait soutenu l'opération militaire turc en Syrie, estiment qu'elle était dans l'intérêt de la Hongrie.
Trois dirigeants qui se rapprochent
La visite du président turc est intervenue une semaine après un déplacement à Budapest du Russe Vladimir Poutine, alimentant les critiques sur l'inclination de Viktor Orban pour les pouvoirs autoritaires.
Les trois dirigeants sont souvent présentés comme les visages d'une nouvelle catégorie de responsables politiques démocratiquement élus mais agissant contre les libertés individuelles et l'Etat de droit.
C'est en Hongrie déjà que Recep Tayyip Erdogan avait effectué il y a un an sa dernière visite bilatérale dans un pays de l'UE.
Environ un millier de manifestants ont défilé jeudi dans la capitale hongroise en "solidarité avec le peuple kurde et contre l'accueil de dictateurs" en Hongrie.
La Hongrie tente de se positionner
"Le gouvernement hongrois semble percevoir la Turquie comme un acteur géopolitique émergent et décisif (...)", selon Daniel Hegedus, analyste au groupe de réflexion German Marshall Fund of the United States. "Il semble prêt à assumer des divergences importantes au sein de l'UE pour plaire à Ankara et agit en fonction des intérêts de la Turquie et de la Russie plutôt que des alliances occidentales auxquelles Budapest appartient", comme l'UE et l'OTAN, souligne M. Hegedus.
Aux côtés de Vladimir Poutine, Viktor Orban avait estimé que Budapest était au centre d'un "triangle Berlin-Moscou-Istanbul".
Même si les 150 ans d'occupation ottomane de la Hongrie (1541-1699) n'ont pas laissé que de bons souvenirs, le gouvernement de Viktor Orban promeut les thèses dites touranistes, très controversées par les historiens et linguistes, qui voudraient que les peuples de langues turques et finno-ougriennes (dont le hongrois) partagent une origine commune.
Selon la presse, l'armée hongroise envisage d'acheter des véhicules blindés turcs. Le hongrois MOL, principal groupe pétrolier partiellement détenu par l'Etat, a également annoncé cette semaine une participation dans l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, qui achemine du pétrole brut vers la Méditerranée via la Turquie.
Viktor Orban a déclaré jeudi que la Hongrie comptait, d'ici fin 2021, être connectée au gazoduc TurkStream, qui fournira du gaz russe à la Turquie via la mer Noire.