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Il y a quelques jours, le laboratoire danois Novo Nordisk a annoncé le lancement commercial en France de son médicament vedette contre l’obésité, le Wevogy. Mais les conditions pour se le procurer sont strictes. Et il n’y a pas de remboursement. Ce nouveau traitement est-il révolutionnaire ? Et sera-t-il bientôt commercialisé dans notre pays ? En Belgique, seul l’Ozempic, qui utilise la même molécule, est actuellement en vente.
L’obésité est devenue un véritable fléau de santé publique dans nos sociétés. Cette maladie chronique complexe touche un nombre croissant de personnes à travers le monde. D’après les dernières estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 39 % des adultes sont en surpoids et 13 % obèses, soit plus d’un milliard de personnes. Chez nous, un Belge sur deux est en surpoids et un sur cinq environ est obèse (18%).
Les causes multifactorielles de cette maladie sont liées notamment au comportement, à la génétique et à l’environnement. Cet excès de poids se définit par un indice de masse corporelle (IMC) égal ou supérieur à 30. "L’obésité n’est pas uniquement liée à la qualité de l’alimentation ou à un problème de quantité, mais également à d’autres mécanismes plus compliqués, notamment le circuit de récompense au niveau cérébral", explique le docteur Xavier Vandemergel, diabétologue et endocrinologue.
Des médicaments qui imitent une hormone
Pour tenter d’endiguer ce problème majeur de santé publique, des firmes pharmaceutiques ont développé des médicaments, basés sur les recherches de scientifiques. Le laboratoire danois Novo Nordisk a d’abord produit un médicament désormais célèbre : l’Ozempic. Autorisé en 2017 contre le diabète de type 2 aux Etats-Unis, il fait rapidement un carton, promu sur les réseaux sociaux pour ses propriétés amaigrissantes. Son pendant contre l'obésité apparaît en 2021 sous le nom de Wegovy.
Ces médicaments imitent une hormone secrétée naturellement par les intestins, la GLP-1. Elle joue un rôle important dans la régulation de la glycémie et de l’appétit. "Ces médicaments utilisent une molécule qui agit sur le centre de satiété au niveau cérébral. Ils imitent donc un mécanisme physiologique essentiellement au niveau du cerveau", indique le diabétologue.
Ils agissent donc notamment en favorisant la sécrétion d'insuline, qui fait baisser le taux de glucose en ralentissant la vidange de l'estomac et en envoyant au cerveau un signal de satiété. Ces médicaments sont administrés par injection une fois par semaine.
Quelles différences entre l'Ozempic et le Wegovy ?
"L’Ozempic est aujourd’hui disponible en Belgique, mais les conditions d’utilisation sont restreintes : en cas de diabète bien particulier avec un IMC supérieur à 30. Mais comme la population diabétique est importante dans notre pays, cela représente quand même un nombre élevé de prescriptions", souligne Xavier Vandemergel.
Le principe actif de l’Ozempic et du Wegovy est identique. Une première différence réside dans le dosage. "Comme le Wegovy est plus dosé, cela augmente son efficacité", précise le diabétologue. Et les indications ne sont pas les mêmes. L’Ozempic était, au départ, destiné à traiter le diabète de type 2 tandis que le Wegovy a été spécialement développé pour traiter les personnes souffrant d’obésité ou de surpoids (IMC entre 27 et 30) qui présentent au moins un autre facteur de risque pour la santé, comme l’hypertension, l’apnée du sommeil ou un excés de cholestérol. "Le nombre de patients potentiels est très élevé, surtout dans les pays industrialisés. Le marché potentiel est donc énorme", indique le diabétologue.
Pas étonnant dès lors que ces médicaments affolent le secteur pharmaceutique et nourrissent les espoirs de millions de malades souffrant de diabète ou d’obésité. Mais ces traitements de nouvelle génération, popularisés par des stars comme Elon Musk et Kim Kardashian, sont-ils vraiment efficaces ? Peut-on parler d’une révolution thérapeutique ?
C’est une révolution
"Il y a déjà eu beaucoup d’autres médicaments qui ont été retirés du marché en raison d’effets secondaires inquiétants. Mais ces médicaments sont les premiers qui utilisent une molécule qui démontre son efficacité. C’est une révolution", assure Xavier Vandemergel.
Les résultats du Wegovy sont en effet assez impressionnants : à savoir une perte de poids moyenne de 15% au bout de 68 semaines. Les effets secondaires éventuels sont des nausées, des vomissements ou des troubles gastro-intestinaux. "Jusqu’à 30 à 40% des patients souffrent de ces effets qui ne sont pas graves. On peut les diminuer en baissant la dose par exemple. Par contre, 15% des patients ne peuvent plus continuer, car ils sont intolérants", précise l’endocrinologue.
Après la France, la Belgique ?
L’Autorité européenne du médicament (EMA) a autorisé la commercialisation du Wegovy début 2022 pour la gestion de l’obésité chez les adultes et depuis 2023 pour les enfants de plus de 12 ans. Il est commercialisé dans de nombreux pays, comme les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Espagne, la Grande-Bretagne ou encore la Suisse. Début octobre, le médicament anti-obésité a été lancé sur le marché en France, mais dans un cadre très strict. Une prescription d’un médecin spécialiste est nécessaire et les conditions d’accès sont strictes. Les patients doivent notamment avoir un IMC supérieur ou égal à 35 et être âgés de moins de 65 ans. Par ailleurs, il n’y a aucun remboursement. Le prix du traitement est estimé entre 9 et 12 euros par jour.
Et en Belgique ? Ce médicament va-t-il apparaître dans nos pharmacies ? D’après l’ Agence fédérale des médicaments et produits de santé (AFMPS), c’est à la firme danoise d’entreprendre les démarches. "Wegovy a obtenu une autorisation de mise sur le marché au niveau européen. Mais avant la commercialisation, un prix et/ou des modalités de remboursement doivent être accordés au niveau national. En Belgique, c’est le SPF Economie qui est compétent pour le prix des médicaments et l’INAMI pour les modalités de remboursement de ceux-ci. C’est la société qui doit introduire un dossier auprès de ces instances compétentes”, détaille la porte-parole Ann Eeckhoudt.
C’est à la société danoise de demander une mise sur le marché
Selon le porte-parole du SPF Finances, Novo Nordisk a introduit un dossier pour fixer un prix en 2022, mais il n’est pas encore commercialisé. "On sait juste qu’il sera non remboursable et délivré sur prescription. Mais c’est à la société danoise de demander une mise sur le marché", explique Etienne Mignolet.
"La Belgique n’est peut-être pas un marché intéressant pour le fabricant danois. Surtout que les demandes mondiales sont croissantes et qu’il doit tenter d’assumer la production", souligne Xavier Vandemergel.. "En tout cas, s’il est commercialisé chez nous, il faudrait que cela soit encadré avec des conditions strictes", estime-t-il.
Il y a des dérives sous l’effet d’Elon Musk et Kim Kardashian
Pour éviter un détournement à des fins esthétiques, l’Agence nationale pour la sécurité du médicament (ANSM) en France exige que la prise de ce médicament soit encadrée par des professionnels et qu'il soit utilisé en association à un régime hypocalorique et à une activité physique.
"C’est évidemment destiné à certains diabétiques ou obèses, mais il y a des dérives sous l’effet d’Elon Musk et Kim Kardashian. On voit déjà des patients qui ont 3 kilos de trop qui viennent nous voir pour obtenir de l’Ozempic. Avec l’arrivée potentielle du Wegovy, cela va amplifier le phénomène", craint Xavier Vandemergel.
Beaucoup de médecins s’inquiètent d’ailleurs d’un usage sauvage de ces traitements présentés comme des médicaments magiques."Il y a déjà des contrefaçons qui sont vendues sur internet. C’est comme un trafic de drogue, c’est hallucinant", déplore le spécialiste. Selon lui, prendre un tel médicament sans suivi médical peut être problématique.
Dès que le patient arrête le médicament, il y a une reprise de poids
Pour les spécialistes, le traitement seul ne suffit pas. Une prise en charge globale de l’obésité est indispensable."Cette molécule permet de perdre facilement du poids sans frustration, mais il faut aussi changer son comportement, son mode de vie et notamment adopter une activité physique régulière. Dès que le patient arrête le médicament, il y a une reprise de poids", souligne le spécialiste. Des études montrent en effet que si le traitement est interrompu, les patients reprennent du poids.
Et les recherches continuent dans les laboratoires. D’après Xavier Vandemergel, de nouveaux médicaments vont bientôt arriver sur le marché."Wegovy sera vite dépassé. Dans deux ans, c’est fini. De nouvelles molécules encore plus performantes vont arriver", indique le diabétologue.
Aux Etats-Unis, le laboratoire Eli Lilly a développé récemment la molécule tirzépatide. Et deux nouveaux noms de médicaments sont déjà apparus: le Mounjaro et le Zepbound. Il faut dire que ces traitements onéreux sont devenus de véritables poules aux oeufs d'or pour les sociétés pharmaceutiques les commercialisant.