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La numérisation (le terme est plus approprié que l'anglicisme digitalisation, qui fait référence en français au doigt) des banques semble inévitable. Chaque année apporte son lot de modifications de la manière dont des clients interagissent avec leur banque.
Il y a 25 ans, il fallait faire la file plusieurs fois par semaine dans des banques où, malgré 4 ou 5 guichets ouverts, la patience était de mise.
En 2020, la plus grande banque du pays, BNP Paribas Fortis, accélère sa transformation numérique. Elle a envoyé un courrier expliquant que même les guichets automatiques, sur lesquels les clients pouvaient effectuer des virements et imprimer leurs extraits, allaient progressivement disparaître.
Cette banque 'belge', dont les origines remontent à la CGER et à la Générale de Banque, n'est certes pas la seule à effectuer ce virage numérique, mais comme c'est l'une des plus populaires, elle a beaucoup de clients mécontents. Christophe en fait partie, et il a contacté la rédaction de RTL INFO via le bouton orange Alertez-nous pour une histoire d'extraits de compte facturés 200 euros, "des frais cachés d'un montant scandaleux", estime-t-il.
La mère de Christophe décède, une somme pose question
Tout a commencé l'an dernier, avec le décès de la maman de Christophe, un habitant de Suarlée (Namur). "Elle est morte le 6 août 2019". Viennent rapidement les démarches administratives concernant la succession. "Elle avait touché un héritage pour une partie de la maison de sa mère à elle, donc quand ma grand-mère est décédée. Les fonds n'étaient plus sur ses comptes, donc on se demandait s'il n'y avait pas eu un virement, soit vers l'extérieur, soit vers un autre compte à son nom, quelque part".
On parle d'un somme "de plus de 50.000 euros" dont la famille ne parvenait pas à trouver la trace. "On voulait donc avoir l'historique complet".
Christophe n'a pas procuration sur le compte de sa défunte mère, il n'a donc légalement aucun droit de regard et après un décès, les comptes sont souvent gelés par les banques. "Nous n'avions plus accès aux comptes via son PC Banking, c'est donc notre notaire, en charge de la succession, qui a dû s'en occuper. Il a pris contact directement avec la banque", en l'occurrence la BNP Paribas Fortis.
12€ par mois recherché !
Christophe reçoit alors un courrier de l'étude notariale, qui transmet un email de la banque évoquant les tarifs. "Elle nous demande l'autorisation de payer des frais de 200 euros pour accéder aux extraits de compte allant de 2017 à 2019". Dans les emails reçus par Christophe, on peut lire que la banque, méfiante, effectuera la recherche "dès réception du paiement", et pas avant:
Vue l'importance de la somme en jeu, le tarif est accepté par la famille.
"Il a fallu attendre quatre jours, et j'ai reçu les extraits de compte. Et par email, en plus", ironise notre témoin, qui juge le tarif "scandaleux". "En parcourant la liste des tarifs bancaires, on constate bien que des frais de 12€/mois recherché (avec un plafond a 200€, ce qui est le cas ici) seront facturés".
Il ne comprend pas comment on peut en arriver à cette somme. "Ça leur a pris royalement trois minutes dans le système pour faire une recherche sur un compte. Donc autant de temps que pour envoyer cet email au notaire et lui dire que ça couterait 200 euros".
L'agacement est d'autant plus grand que la famille n'a pas appris grand-chose de cette recherche effectuée par la banque. "Il s'avérait qu'au final, (la somme perdue de vue) était plutôt due à des petits retraits réguliers, mais pas à un gros transfert, donc finalement ça ne nous a pas aidés".
Pour lui, cette pratique reste injuste: "Il faut savoir que si la banque n'avait pas cessé d'envoyer des extraits papier, nous n'aurions pas eu besoin de demander cet historique. Encore une fois, on nous a enlevé quelque chose que nous avons toujours eu pour ensuite nous les faire payer".
La BNP se défend: "Nous devons effectuer des choix"
La banque de la mère de Christophe a joué le jeu, en répondant à toutes nos questions. On a d'abord relayé le dernier constat de notre témoin de la région namuroise: la banque rend payant des services qui étaient gratuits, rend accessibles les guichets physiques uniquement sur rendez-vous, et va même jusqu'à annoncer la fermeture des guichets électroniques pour les virements et les extraits de compte.
"Dans un monde de plus en plus digital, nous devons nous transformer pour répondre à l'évolution des besoins de nos clients. Le but reste de proposer à nos clients le meilleur des solutions digitales et un accompagnement performant par nos experts. Pour cela, nous devons effectuer des choix qui combinent pertinence pour le client et profitabilité pour la banque", résume Hilde Junius, porte-parole de BNP Paribas Fortis.
Pour expliquer la fermeture des guichets électroniques, la banque évoque "une diminution des opérations (virements et cash) de 30% par an", tandis que "7% des clients optent pour l'envoi (payant…) des extraits de compte par la poste". Dès lors, ce qu'il faut comprendre, c'est que maintenir, entretenir et faire évoluer ces systèmes informatiques représentent un coût qui en vaut de moins en moins la peine pour les banques.
En 2020, certains tarifs d'opérations dites "manuelles" vont même augmenter, prévient BNP, mais uniquement pour les clients qui n'ont pas souscrit à un pack mensuel (3 ou 7 euros par mois). "9 clients sur 10 détiennent un pack et ne sont pas concernés par ces changements. Et le prix des packs ne changera pas en 2020".
Vient ensuite la question de la somme demandée pour rechercher des extraits de compte, soit 200€ pour quelques années. "La tarifications des recherches dans les dossiers successions sont de 12 euros par mois, avec un maximum de 200 euros. Le client (la mère de Christophe, donc, NDLR) a choisi (mais a-t-elle vraiment eu le choix?) à un certain moment de passer des extraits papier au digital via le Easy Banking Web. Les recherches doivent être effectuées manuellement par un service si elles portent sur des opérations effectuées plus de 6 mois auparavant".
Laisser les extraits à disposition des clients, via l'espace self-service, pendant 10 ans, est un strict minimum
Pour Test-Achats, les banques devraient faire un effort
L'association belge de protection des consommateurs Test-Achats fait pression depuis longtemps sur les banques pour que la numérisation de leurs services ne porte pas préjudice aux clients. Pour la mise à disposition des extraits de compte, elle estime que les banques ne sont pas très logiques, ni précises… L'association n'est pas parvenue, pour la confection d'un récent dossier, à rassembler les détails des règles, banque par banque.
"Certaines permettent de retrouver tous les extraits de compte" via l'application bancaire (j'ai vérifié et c'est le cas de Hello Bank, ma banque gratuite, une filiale de BNP Paribas Fortis). D'autres "limitent cette consultation à 18 mois", par exemple, laps de temps durant lequel vous devrez les imprimer pour continuer à y avoir accès gratuitement.
Pour ceux qui n'ont pas accès à un historique assez lointain, il faudra alors "passer par une demande de duplicata, ce qui s'avère à chaque fois payant" (on en revient aux fameuses 'opérations manuelles'), et les prix varient fortement.
Test-Achats rappelle que, même si on a rarement besoin de prouver une transaction datant de plusieurs mois/années, ça peut arriver: "vieille facture réclamée par un opérateur, pension alimentaire dans le cadre d'un divorce, etc". De plus, certaines banques ne communiquent officiellement avec leurs clients qu'à travers ces extraits (informations, changements de tarifs, etc).
L'association estime que "les banques font la promotion des services bancaires électroniques, mais elles se gardent bien de signaler à leurs clients qu'elles reportent sur eux la tâche de conserver les extraits qui contiennent des informations importantes". Test-Achats rejoint notre témoin Christophe et juge que les banques "doivent s'acquitter de ce devoir d'information concernant les transactions avec le même sérieux qu'avant, quand les extraits papier étaient encore la règle". Dès lors, "laisser les extraits à disposition des clients, via l'espace self-service, pendant 10 ans, est un strict minimum", conclut l'association, qui va continuer de faire pression sur le secteur.