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Depuis quelques années, la course aux énergies renouvelables a pris des allures de compétitions. Pour limiter le réchauffement climatique et réduire notre impact sur l'environnement, des solutions alternatives aux combustibles et au nucléaire ne cessent d'être améliorées, inventées. Une entreprise liégeoise est active dans le domaine. CMI Solar: ce nom ne vous dit probablement rien. Mais si on vous dit qu'il s'agit du C de Cockerill, tout parait plus clair, non ?
CMI (Cockerill Maintenance et Ingénierie) Solar est un département assez récent du CMI Groupe, qui n'est autre que le dernier nom de l'entreprise créée par John Cockerill à Seraing en 1817 (les dates-clés sont à retrouver sur le site du groupe).
Des tours solaires bien équipées
Si nous nous penchons sur les activités de CMI Solar, c'est parce que l'entreprise a mis au point un système assez innovant ces dernières années, permettant de capter, stocker puis distribuer l'énergie solaire (pour faire très simple). C'est une des dernières technologies innovantes en matière de production d'énergie renouvelable.
"CMI Solar, c'est encore très petit par rapport au groupe. C'est une entité qui travaille dans un marché de niche. Nous ne sommes pas dans le photovoltaïque, qu'on voit un peu partout dans le monde, mais dans une technologie thermo-solaire de pointe. On est une équipe d'une cinquantaine de personnes, mais qui s'appuie sur les bureaux d'études que nous en avons en commun avec les autres départements du secteur énergie du groupe, qui travaillent à côté de nous".
Mais qu'a donc fait CMI Solar dernièrement pour attirer l'attention des chantiers les plus innovants en termes d'énergie renouvelable ? "Nos centrales thermo-solaires sont des centrales dans lesquelles des milliers de miroirs, mesurant entre 50 et 150 mètres carrés chacun, reflètent les rayons du soleil vers le sommet d'une tour, qui fait à peu près 250 mètres de haut".
Un tour recevant un maximum de rayons du soleil grâce aux miroirs (©CMIGROUPE)
"C'est au sommet de cette tour que CMI installe ses récepteurs, qui captent les rayons du soleil pour, via des échangeurs, chauffer un liquide caloporteur. Au début, c'était de l'eau, qui donc générait directement de la vapeur. Dans les centrales récentes, nous utilisons du sel fondu, qui a cette capacité de stocker l'énergie, et donc qui permet, plus tard, de prendre cette énergie pour fabriquer de la vapeur, et ce même quand il n'y a pas de soleil, donc".
Vapeur qui est convertie en électricité, c'est le principe de nombreuses centrales de production d'électricité, nucléaires notamment.
Quel est l'avantage par rapport au photovoltaïque ?
Transformer les rayons du soleil en électricité, les panneaux photovoltaïques le font depuis quelques décennies. Pourquoi donc s'ennuyer avec un système qui, aussi ingénieux soit-il, est nettement plus complexe et donc coûteux à mettre en place ?
"L'avantage des centrales thermo-solaires, c'est de pouvoir produire de l'électricité à n'importe quel moment du jour et de la nuit, même sans soleil grâce à ce sel fondu qui stocke l'énergie".
Eric Absil prend un cas concret, propres aux pays très ensoleillé où CMI Solar installe sa technologie. "En début de soirée, quand tout le monde rentre à la maison et allume sa climatisation, il y a un gros pic de consommation. Si on a des panneaux photovoltaïques et que le soleil est couché, impossible de fournir l'électricité nécessaire. Tandis qu'avec les centrales thermo-solaires, il y a une production 24h/24, puisqu'on monte jusqu'à 17 heures de stockage, donc 17 heures de production d'électricité sans soleil".
Les échangeurs "sel fondu" qui transforment les rayons solaires en électricité (®CMIGROUPE)
Voilà donc le principal avantage de la technologie mise en place par l'entreprise basée à Seraing: fournir de l'énergie en permanence, là où les panneaux photovoltaïques ont besoin d'un très cher système de batterie pour stocker l'énergie solaire du jour et la rendre disponible la nuit.
De quoi justifier "l'ingénierie, le génie civile, les échangeurs, donc la complexité plus avancée", qui sont finalement "le prix à payer pour utiliser de l'énergie renouvelable quand il n'y a pas de soleil, ou si on compare par rapport à l'éolien, quand il n'y a pas de vent".
Un avantage d'autant plus crucial qu'actuellement "l'utilisation de renouvelable non stockable crée aussi des problèmes sur les réseaux électriques", à tel point que cela fera bientôt l'objet d'une taxe pour les propriétaires de panneaux photovoltaïques en Wallonie.
Quel rôle a joué CMI Solar dans le développement de cette technologie ?
CMI Solar n'a pas inventé toute la technologie permettant le fonctionnement des centrales thermo-solaires au sommet d'une tour. "C'est un concept qui est testé depuis des années, et dans lequel on s'est inscrit début 2008. Jusqu'à ce moment-là, il n'existait que des petits prototypes. Certains développeurs devaient faire appel à des spécialistes des échangeurs. CMI étant depuis 200 ans dans le traitement de la vapeur et donc des échangeurs thermiques, on a été contactés pour développer des échangeurs capables de faire monter ces centrales en capacité."
Le fait d'utiliser du sel à la place de l'eau dans ces échangeurs, et donc de permettre le stockage de l'énergie solaire, est une innovation de CMI Solar. Et elle fait toute la différence. D'ailleurs, les carnets de commande de l'entreprise liégeoise sont pleins.
"On a rapidement eu plusieurs commandes en sel fondu pour des tours dans la meilleure région du monde pour cette technologie: le désert d'Atacama au Chili. Parmi ces réalisations, la première va être mise en service très prochainement. En 2017, on a enchaîné avec une centrale en Chine, qui va être mise en service cette année. Et plus récemment, nous avons obtenu la centrale à Dubaï, dans le fameux parc solaire du cheikh, dans lequel toute une série de technologies solaires sont regroupées. On y installera nos technologies sur la plus haute tour solaire du monde, qui fait 260 mètres de haut".
Un tel projet est-il imaginable en Belgique ?
Si les panneaux photovoltaïques (bien orientés) sont utiles partout dans le monde, une installation aussi ambitieuse que les centrales solaires qu'équipe CMI Solar pourrait-elle voir le jour en Europe, voire en Belgique ?
"C'est imaginable en Europe, mais il faudrait aller vraiment au sud", plaisante notre interlocuteur. "Il y a des prototypes, des petites installations, dans le sud de l'Espagne, c'est tout à fait faisable".
Mais "on en aura pas tout de suite une en Belgique, je pense". Pour une raison simple: le coût d'une telle installation. Pour qu'elle soit "rentable", il faut un maximum de soleil, ce qui ne colle pas trop à notre climat.
En termes de coût par rapport à la production d'électricité, des hectares de panneaux solaires coutent nettement moins cher, "entre 2 et 3 cents du kilowatt heure". Une centrale thermo-solaire tourne actuellement autour des "7,3 cents le kW/h" dans les excellentes conditions d'ensoleillement du Chili. Un coût en baisse mais qui reste nettement plus élevé. Mais "on compare des pommes et des poires, car les panneaux ne permettent pas le stockage de l'énergie".
Et ces 7,3 cents par kWh, par rapport aux énergies fossiles, "ça commence à être concurrentiel", estime Eric Absil. D'après des chiffres glanés à gauche et à droite, le nucléaire tourne autour des 2 cents par kW/h, mais pour les centrales électriques fonctionnant aux énergies fossiles (gaz, charbon, pétrole), cela dépend fortement de la disponibilité du combustible initial, et ça va de 1,5 à 15 cents par kW/h.
Une tour et sa centrale en activité, même en fin de journée (©CMIGROUPE)