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Aujourd'hui, 130 emplois sont menacés chez Decathlon, plusieurs centaines il y a 15 jours chez le constructeur de bus Van Hool en Flandre, 150 emplois menacés dans quelques semaines par la fusion de la banque AXA et de la banque Crelan. Ce sont 2500 postes de travail qui ont été supprimés depuis le début de l'année en Belgique. Pourquoi et surtout, pourquoi maintenant, nos entreprises sont-elles plus fragiles ? Pour répondre à ce questions, l'économiste ING Charlotte de Montpellier est l'invitée de Frédéric Delfosse.
Pourquoi nos entreprises sont-elles plus fragiles aujourd'hui, en ce début d'année 2024 ?
En fait, l'emploi c'est toujours quelque chose qui réagit avec retard. Et donc ces derniers mois ça a été assez compliqué pour certains secteurs d'activité, notamment dans l'industrie où on a vu une perte d'activité, donc une baisse de l'activité dans l'industrie. Et finalement on a le marché du travail qui réagit maintenant après ces mois difficiles. On voit en effet un affaiblissement du marché du travail, une baisse de l'activité dans l'intérim, une hausse du nombre de demandeurs d'emploi et on voit que moins d'entreprises sont en manque de main-d'oeuvre.
Mais il faut relativiser quand même le fait qu'il y ait des pertes d'emploi à l'heure actuelle. En fait on sort de deux années extrêmement dynamiques pour l'emploi. On a créé plus de 100 000 emplois en 2022 et plus de 40 000 emplois en 2023 en net. Donc, finalement, ça reste une petite évolution compte tenu de tout ce qu'on a eu comme création positive d'emploi au cours des dernières années.
Est-ce que ça veut dire qu'on rattrape un petit peu ce qui s'est passé après la crise Covid où on a protégé, peut-être surprotégé certaines entreprises qui aujourd'hui souffrent ?
On rattrape en effet un peu l'après crise Covid et surtout le fait qu'il y ait eu tellement de créations d'emplois, un vrai dynamisme économique, il n'y a rien à faire, a un moment ça se calme. C'est en train de se calmer maintenant.
La façon dont ça se calme reste très limitée, le taux de chômage reste historiquement faible et donc malgré certaines difficultés dans certains secteurs, on ne peut pas dire que le marché de l'emploi soit un grand risque, une grande crainte à ce stade pour l'économie.
Il y a quand même des évolutions plus structurelles qui sont là. Par exemple on sait que le commerce est en plus grande difficulté qu'il y a quelques années avec l'essor de l'e-commerce. On sait que l'industrie souffre de la concurrence avec la Chine. Ces évolutions-là existent mais elles ne conduisent pas à penser que le taux de chômage va exploser dans les prochains mois.
Quels secteurs vont continuer à souffrir ?
Alors globalement on sait que les services se portent très bien par exemple. On sait que l'industrie c'est plus difficile à cause notamment du fait qu'ils ont une grande concurrence asiatique. On sait que le commerce ça reste difficile compte tenu de l'essor de l'e-commerce. Mais ça ne veut pas dire que ces secteurs ne vont pas créer de l'emploi. Probablement qu'il y a plutôt une mutation en termes de type d'emploi qui sont demandés. Je rappelle aussi qu'il y a beaucoup d'indépendants aussi.
Donc globalement il y a des créations d'emplois qui restent. Elles sont certes bien moins dynamiques qu'au cours des années exceptionnelles que nous avons vécues. Mais ce n'est pas quelque chose d'alarmant qui risque d'affaiblir l'économie belge de manière dramatique.
Ça veut dire que ceux qui perdent leur emploi, qui sont encore jeunes sur le marché du travail ou ceux qui vont y arriver, quel conseil vous leur donnez aujourd'hui? D'être créatifs, de créer peut-être leur entreprise ?
Alors c'est une des choses auxquelles on peut penser. Et surtout il faut se rappeler qu'il y a quand même toujours un vrai manque de main d'oeuvre dans beaucoup d'entreprises, dans beaucoup de secteurs. Et donc ce n'est pas parce que dans certains secteurs c'est plus difficile que c'est plus difficile de manière générale. En fait globalement les perspectives d'emploi, notamment pour les jeunes diplômés qualifiés, sont quand même encore très bonnes et plus bonnes qu'il y a un certain nombre d'années.
Donc globalement il n'y a pas de pessimisme trop important à avoir, même si on n'est plus dans l'essor assez fou des deux dernières années où c'était devenu extrêmement difficile de trouver les travailleurs qualifiés. Et donc ça donnait un pouvoir de négociation fort pour les jeunes qui entraient sur le marché du travail.