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L'Enquête: 4.000 demandes d’euthanasie par an en Belgique, est-ce normal ?

112.100 personnes sont décédées en 2024 en Belgique. Parmi elles, 3,5% sont mortes par euthanasie. Selon nos informations (chiffres officiels publiés mi-février), l’an dernier, on comptabilise près de 4.000 déclarations d’euthanasie. Faut-il s'en inquiéter ? Ces euthanasies sont-elles toutes légales et contrôlées ? 

Il adorait lire, se déplacer et le travail manuel. Désormais, Janos n’a plus que la musique pour s’évader. Victime d’un AVC l’été dernier, ce passionné d’ébénisterie de 79 ans souffre de plusieurs pathologies. Il demande l’euthanasie : "Je n'ai aucune raison de continuer à vivre dans cet état. Qu'est-ce qu'il me reste à vivre ? Rien". 

Corinne Van Oost est une médecin spécialisée dans ces démarches. Elle est chargée de vérifier que toute demande est justifiée. La loi est stricte : le patient doit être capable et conscient. La souffrance doit être physiquement ou psychiquement insupportable, sans issue et persistante. La demande de Janos semble entrer dans le cadre de la loi.

La médecin nous confie que c’est ce genre de cas qui fait gonfler les chiffres : "C'est souvent le même discours. Ce sont des gens souvent très âgés qui disent que la vie, dans ces conditions, on en a plus le sens. Ces gens ont l'impression qu'ils ne sont plus dignes parce qu'ils deviennent dépendants physiquement". 

Incurable

Janos est donc considéré comme incurable. Ce mot est légalement essentiel pour justifier une demande. Dans la loi, il est précisé ceci : la souffrance doit être physique ou psychique. Et ceci fait débat. 2% des patients euthanasiés souffraient uniquement d’une maladie mentale, mais étaient-ils vraiment incurables ? La réponse n'est pas évidente. "On n'a pas de marqueur biologique, on n'a pas de test qui nous permette de définir qu'une maladie est incurable ou pas. Ma demande, c'est surtout qu'on soit très rigoureux et qu'on évite cette dérive de la loi qui est, pour certains, une sorte du suicide assisté", explique Pierre Oswald, directeur du service de psychiatrie de l’hôpital Erasme. 

Si nous n'avons pas les moyens d'assumer cette tâche, la loi en elle-même peut être préjudiciée

Chaque cas doit être justifié précisément par au moins deux médecins dans un document qui est ensuite contrôlé par la Commission euthanasie. Problème : l’afflux est difficile à suivre. La Commission a reçu près de 4.000 documents à contrôler l’an dernier. "La commission recevait quelque 350 déclarations par an lorsqu'elle a été instituée. Aujourd'hui, c'est quasiment 350 par mois. On est toujours au bord de la rupture", confie Jacqueline Herremans, présidente de la Commission euthanasie. 

Charge de travail trop importante et manque de moyens, n’est-ce pas le terrain propice à des erreurs ? "C'est notre crainte et c'est pour ça qu'on a tiré la sonnette d'alarme. Si nous n'avons pas les moyens d'assumer cette tâche, la loi en elle-même peut être préjudiciée", réagit cette dernière. 

Les plus vulnérables, plus nombreux à demander l'euthanasie 

Le docteur De Locht reçoit des demandes d’euthanasie tous les jours. Si certaines demandes sont recevables, ce médecin reçoit aussi des demandes plus étonnantes... fondées sur le budget. "C'est rare, mais il y en a qui m'ont dit : "Je ne m'en sors plus financièrement", ou "Je suis poursuivi par la police". Là, évidemment, la conversation est très vite terminée. Je leur dis poliment qu'heureusement, nous ne faisons pas ça", explique-t-il. 

Être euthanasié pour des raisons économiques, c’est évidemment interdit. Pourtant, Pascale Favre, médecin et philosophe, vient de publier un ouvrage. Selon elle, les populations vulnérables sont surreprésentées dans les chiffres. "La pression est plus forte sur cette catégorie de personnes. Évidemment que si on n'est pas bien pris en charge, on va demander plus facilement à mourir parce qu'évidemment, personne ne veut souffrir", explique-t-elle.  

En vingt-et-un ans, plus de 37.000 cas ont été contrôlés. Un seul a été envoyé au parquet. Il n’est donc pas question de revoir une loi qui a fait ses preuves, mais d’accroître la vigilance face aux demandes toujours plus nombreuses.

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