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Charles-Ferdinand Nothomb, ancien pilier de la politique belge, est décédé à l'âge de 86 ans

Le ministre d'Etat Charles-Ferdinand Nothomb, décédé mercredi, a été, durant près de quarante ans, un acteur majeur des grandes réformes et crises institutionnelles qui ont jalonné l'histoire politique du pays à partir de la fin des années 1960. Originaire d'Habay, en province du Luxembourg, il a également oeuvré à organiser l'évolution du parti social chrétien (PSC), national d'abord, francophone ensuite.

Parlementaire durant trente ans - président de la Chambre à plusieurs reprises - il n'aura siégé que sur les seuls bancs de la majorité, cela dans toutes les assemblées où il était possible d'être représenté. Il fut vice-premier ministre et notamment ministre de l'Intérieur, un poste assumé non sans difficultés, avec le drame du Heysel et la crise fouronnaise.

Né le 3 mai 1936, Charles-Ferdinand Nothomb, cadet des treize enfants du sénateur catholique et poète Pierre Nothomb, est actif très jeune en politique. Convaincu par la nécessité pour les Wallons de pousser à la décentralisation des leviers économiques, Charles-Ferdinand Nothomb participera à la transformation des institutions belges qui, de 1970 à 1993, transformeront le pays en un Etat fédéral. Dans son propre parti, il jugera rapidement l'aile francophone trop inféodée au CVP, porteur à ses yeux de politiques économiques avantageant surtout la Flandre. Il pèsera de plus en plus sur l'appareil jusqu'à prendre une première fois la présidence du PSC francophone en 1972. Il aurait souhaité une structure étatique organisée sur un découpage provincial plutôt que communautaire. En 1992-93, il accompagne sans grand enthousiasme l'achèvement du fédéralisme belge.    

Charles-Ferdinand Nothomb siège à la Chambre, ainsi que sur les bancs du Conseil culturel français de la Communauté culturelle française de Belgique. A partir de 1980, il siégera également au sein du Conseil régional wallon. Il est l'un des rares parlementaires wallons à avoir adopté toutes les réformes de l'Etat, en 1970, 1980, 1988-89 et 1992-93.    Durant les années 1970, Charles-Ferdinand Nothomb participe à la mise en place des gouvernements Eyskens et Tindemans, avec l'objectif d'accentuer la régionalisation alors que le Rassemblement wallon (RW) a le vent en poupe.

Bien que partenaires de majorité, sociaux-chrétiens et libéraux sont en concurrence pour amener à eux les leaders du RW. Charles-Ferdinand Nothomb perdra cette bataille.    Alors qu'il a quitté la présidence du PSC, un nouveau gouvernement Tindemans est mis sur pied avec l'ambition de réaliser le grand compromis institutionnel. Ce sera le Pacte d'Egmont, enterré dès sa conclusion en 1979.    Charles-Ferdinand Nothomb retrouve la présidence du PSC.

Pour la première fois, il est chargé d'une mission royale, invité à former le nouveau gouvernement au titre de médiateur, avec Willy Claes. Ce sera le premier gouvernement Martens en 1979, avec les socialistes et le FDF. M. Nothomb quitte à nouveau la présidence de son parti pour prendre, pour la première fois, le perchoir de la Chambre.    

Les premiers gouvernements Martens se succèdent à un rythme effréné, sur fond de tensions communautaires, et en mai 1980, Charles-Ferdinand Nothomb devient ministre pour la première fois. Il occupera les affaires étrangères dans les gouvernements Martens III, réunissant les trois grandes familles traditionnelles, Martens IV et Eyskens, sociaux-chrétiens-socialistes. La régionalisation wallonne et flamande est concrétisée mais les tensions communautaires persistent sur fond de crise économique. Le gouvernement tombe une nouvelle fois. Le jeune Gérard Deprez, futur adversaire politique de Charles-Ferdinand Nothomb au sein de l'appareil de parti, devient président du PSC.    

M. Nothomb est nommé formateur par le roi fin 1981 et s'assure rapidement qu'une tripartite traditionnelle n'est pas possible. Ce sera le début des gouvernements Martens-Gol, alliant sociaux-chrétiens et libéraux. Charles-Ferdinand Nothomb y sera vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur. Ces gouvernements se concentrent sur le socio-économique, pratiquant, en pleine crise, une politique d'austérité marquée par les pouvoirs spéciaux, le blocage des salaires et la dévaluation du franc.    Durant son mandat, M. Nothomb devra gérer le drame du Heysel, la crise des Fourons, les attentats des CCC ainsi que les tueries du Brabant.  

Après le drame du Heysel qui vit 39 supporters de football, essentiellement italiens, périr sous les assauts de hooligans anglais lors de la finale de la coupe des clubs champions opposant le 29 mai 1985 à Bruxelles la Juventus de Turin à Liverpool, Charles-Ferdinand Nothomb est mis sous pression. L'opposition et une partie de la majorité exigent sa démission, estimant que sa responsabilité politique est engagée dans le drame. Refusant d'endosser cette responsabilité, M. Nothomb se maintient en repoussant la faute sur les organisateurs. En guise de protestation, le vice-premier ministre libéral Jean Gol fait un pas de côté, suivi par les autres ministres libéraux francophones. La démission du gouvernement est refusée par le Roi mais des élections anticipées sont organisées. Finalement, à l'issue du scrutin de 1985, la même coalition est reconduite.    

Les carrousels fouronnais marqués par les tentatives répétées de nommer José Happart comme bourgmestre se poursuivent. Plébiscité mais ne s'exprimant pas en néerlandais, ce dernier ne cessera d'être confronté au veto des partis flamands.    

M. Nothomb croyait avoir résolu l'annulation de la nomination de José Happart comme bourgmestre. En 1986, il fait nommer d'autorité par le roi un bourgmestre hors conseil communal, Roger Wynants, qui se rétracte. La signature royale est dévoilée. Accusé d'avoir découvert la couronne, M. Nothomb n'y survivra pas. Il démissionne et est remplacé par Joseph Michel alors que Philippe Maystadt devient vice-premier ministre PSC. Charles-Ferdinand Nothomb ne sera plus jamais ministre. Le gouvernement Martens VI finit par tomber sur les Fourons fin 1987.   En 1988, le gouvernement Martens VIII voit le retour des socialistes au sein d'une coalition associant également - jusqu'en 1991 - la Volksunie. M. Nothomb retrouve la présidence de la Chambre. Il dirige les travaux achevant la régionalisation (création de la Région bruxelloise en 1988) et transformant définitivement la Belgique en un Etat fédéral (1992-93).

En 1995, il se retrouve au Sénat, dernière assemblée au sein de laquelle il n'avait encore siégé, hormis celle du Parlement européen où il se présente en 1999. Poussant la liste, il n'est pas élu alors que le PSC connaît un mauvais score historique. Il n'est pas retenu non plus comme sénateur coopté. En 2000, il quitte le conseil communal d'Habay après 36 ans de présence. Hormis quelques années au niveau local, M. Nothomb ne connaîtra jamais l'opposition.  

Au sein du PSC, Charles-Ferdinand Nothomb continue à jouer les premiers rôles dans les années 1990. En 1995, il joue les trouble-fête alors que le président Gérard Deprez, à peine réélu, croit avoir trouvé un scénario pour relancer le parti en attirant la jeune génération. Désirant se retirer, il pousse la candidature d'une nouvelle venue, Joëlle Milquet, qui sera barrée in extremis par l'homme d'Habay. Pour la troisième fois, Charles-Ferdinand Nothomb s'oppose de manière indirecte à Gérard Deprez. Redevenu président du parti, Charles-Ferdinand Nothomb se lance dans un processus, vain, de renversement des socialistes en Région wallonne.

Gérard Deprez ira plus loin dans une tentative de rapprochement avec Louis Michel qui provoquera son exclusion du parti. Joëlle Milquet devient alors vice-présidente du PSC aux côtés d'un Charles-Ferdinand Nothomb en perte de crédit. Il laissera la place au duo Maystadt-Milquet en 1998.    Fin 2013, il appelait dans une interview au Vif à la nécessité d'un "renouveau intellectuel" au cdH, le changement de nom et d'image du parti n'ayant pas permis d'éroder son déclin. Lui-même se relançait dans des études de philosophie. M. Nothomb a continué à être consulté par le roi Albert II lors des crises institutionnelles.  

Le défunt portait un nom prestigieux dans l'histoire du royaume, celui de Jean-Baptiste Nothomb, membre du Congrès national et l'un des premiers Premiers ministres du pays, de Patrick Nothomb, diplomate aux premières loges de la crise congolaise, ou encore d'Amélie Nohtomb, célèbre romancière lauréate du prix Renaudot en 2021.

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