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Les principaux témoins sont morts et pourtant… La justice belge, en manque de magistrats, se penche sur des faits datant d'il y a 30 ans

Un étrange procès se tient en ce moment devant la Cour d'assises de Bruxelles, pour des faits qui remontent à 1990. Explications de notre experte judiciaire.

Il a fallu 35 ans pour que cette affaire aboutisse à nouveau devant la Cour d'assises de Bruxelles. Mais entre-temps, tout a changé. Alors, remontons en 1990. La Yougoslavie existe toujours, mais elle est déjà en proie à des violences politiques qui parfois s'exportent. C'est ce qui se passe le 25 février 1990.

On le voit sur nos images de l'époque, ce jour-là, un leader kosovar qui s'appelle Enver Hadri, est assassiné dans sa voiture à un feu rouge à Saint-Gilles. Une enquête commence. Les services secrets de l'ex-Yougoslavie sont suspectés et deux personnes sont désignées comme les possibles assassins. Elles sont déjà absentes, mais elles sont quand même jugées et condamnées par la Cour d'assises de Bruxelles en 2016.

Huit ans pour organiser un nouveau procès

Tout aurait dû s'arrêter là, mais ces deux personnes font opposition à leur jugement et il a fallu huit ans pour qu'on organise un nouveau procès. C'est celui-là qui se tient en ce moment. Entre-temps, la Yougoslavie a explosé. Les deux hommes ont fait leur vie en Serbie. Les principaux témoins sont morts et les juges d'instruction ne témoigneront pas, car ils sont trop âgés ou ils sont malades.

Alors, est-ce que ce procès a encore un sens? Non, selon la défense qui a demandé qu'on dise les poursuites irrecevables, mais la Cour n'a rien voulu entendre. Donc, en ce moment, douze jurés effectifs, neuf suppléants, trois juges et un procureur se penchent sur cette affaire pour trois semaines.

Pourtant, la Belgique manque de magistrats

À Mons, en janvier 2024, un procès a dû être reporté faute de magistrats. À Bruxelles, c'était en octobre qu'un autre procès a été remis parce qu'il n'y avait pas de greffier. Dans le Brabant-wallon, on ne peut plus organiser de procès d'assises parce qu'on n'a plus de palais de justice. Celui de Nivelle, l'ancien palais de justice de Nivelle, a été fermé pour insalubrité. Il manque environ 125 magistrats dans le pays.

Donc, on se demande à quoi ça rime d'organiser ce procès pour des faits de 1990. Et puis, dernier élément, en 2016, la Cour d'assises de Namur avait dit que les poursuites étaient irrecevables parce que le délai raisonnable était dépassé dans l'affaire Cooles. L'assassinat du ministre d'État André Cools remonte à juillet 1991, soit un an et demi après l'assassinat que l'on juge en ce moment. Il semble bien que la justice ait un problème avec les chiffres.

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