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"D'un coup, je n'avais plus rien." Axel Laurance, espoir du cyclisme français, et Franck Bonnamour, super combatif du Tour en 2021, ont vu le vide s'ouvrir sous leurs pieds après l'annonce brutale du crash de leur équipe B&B Hotels en décembre.
Depuis l'arrêt de la formation bretonne, la poussière est un peu retombée. Reste le souvenir de quelques jours d'angoisse. L'amertume pour ceux qui n'ont pas trouvé refuge ailleurs, obligés de pointer au chômage, de redescendre en amateur ou de prendre précipitamment leur retraite à l'image de Cyril Gauthier et de Pierre Rolland.
Et la colère froide pour Audrey Cordon-Ragot qui aurait dû être la figure de proue de l'équipe féminine censée faire partie intégrante du projet de grande ampleur imaginé par le manager Jérôme Pineau, avant que tout ne s'écroule faute de trouver un parraineur.
Pour Axel Laurance, 21 ans, et Franck Bonnamour, 27 ans, l'histoire s'est bien terminée. "Presque un mal pour un bien même", racontent-ils à l'AFP depuis leur lieu de stage respectif en Espagne, puisqu'ils ont rebondi dans une équipe au pedigree supérieur.
Le premier a atterri dans l'écurie belge d'Alpecin où il côtoie Mathieu van der Poel, une des vedettes du peloton. "Déjà je vois que ça n'a rien à voir, c'est beaucoup plus pro", rapporte le puncheur breton, assis sur la terrasse de son hôtel à Pedreguer qui propose des chambres hypoxiques simulant l'effet de l'altitude.
Le deuxième a été accueilli par la formation française AG2R-Citroën. Là aussi "c'est l'échelon supérieur, je suis très content", dit le Costarmoricain. "J'aurais juste aimé, ajoute-t-il, que ça se fasse dans des conditions différentes."
- Le stage "payé par ma mère" -
De fait, "tout le monde était sous le choc" lorsque Jérôme Pineau a annoncé à ses coureurs le 2 décembre qu'il les libérait, son projet prenant l'eau, à une période de l'année où la plupart des équipes ont déjà bouclé leur budget et leur effectif pour la saison suivante.
"Décembre, c'est super tard. Tu as l'impression d'être puni. Tu ne penses qu'à ça. Tu te demandes où tu vas finir", se souvient Laurance. "J'étais au téléphone toute l'après-midi pour tenter de trouver une équipe. Une fois j'en ai perdu deux dans la même journée" lorsque Quick-Step, avec qui il était en contacts avancés, lui a finalement dit "qu'ils n'avaient pas l'argent", alors que lui venait, "trois heures plus tôt", de dire non à AG2R, persuadé qu'il allait rejoindre Julian Alaphilippe dans l'équipe flamande.
"D'un coup, je n'avais plus rien. Dans ma tête, je me suis dit que j'allais retourner en amateur."
Niveau finances aussi, ça tangue. "On n'a pas eu nos deux derniers mois de salaire. C'est ma mère qui m'a payé une semaine de stage en Espagne en décembre. Mentalement, ça fait mal."
Finalement, Alpecin est arrivé à la rescousse. Mais Axel Laurance passera d'abord un an dans l'équipe de développement avant de rejoindre en 2024 l'effectif World Tour (première division) qui était déjà au complet cette saison.
- "Prise en otage" -
Franck Bonnamour, qui était avec Axel Laurance le coureur le plus côté de B&B Hotels, a été "rassuré assez rapidement par rapport à (s)on avenir". Mais lui aussi n'a "pas bien dormi pendant quelques jours". "Comme je n'ai pas d'agent, j'ai dû appeler moi-même les managers."
Dans une interview au Télégramme, Audrey Cordon-Ragot a dénoncé une "prise en otage" par Jérôme Pineau. "Pendant deux mois, on s'est fait balader", a-t-elle fustigé, accusant l'ex-manager d'avoir vendu du rêve jusqu'au bout -- budget exponentiel, nouvelles recrues, nouveaux vélos,... -- en cachant les difficultés.
Axel Laurence et Franck Bonnamour ne veulent pas tirer sur l'ambulance mais déplorent la manière.
"La façon de faire n'a pas été correcte, regrette Laurance. Trouver des sponsors, c'est compliqué, on s'en doute. Mais on n'avait aucune info. Du coup plein de coureurs pensaient que l'équipe allait repartir."
"On ne s'y attendait pas du tout", confirme Bonnamour qui dit ne pas ressentir de colère. "Mais ce serait peut-être différent si je n'avais pas retrouvé d'équipe. Dans le staff, parmi les coureurs, il y a quand même beaucoup de monde qui n'a plus de travail."