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Le Guangzhou R&F est certes moins huppé que l'autre grande équipe de la ville de Canton (sud), le Guangzhou Evergrande -- lauréat de sept championnats nationaux et poids lourd du football en Asie.
Mais le club, propriété d'un groupe immobilier, se targue d'être visionnaire. Et son entraîneur Dragan Stojkovic, ex-joueur de l'Olympique de Marseille, dit vouloir produire "le plus beau football de Chine".
Contrairement au Guangzhou Evergrande, qui dépense des fortunes pour acheter d'onéreux joueurs étrangers, le R&F mise principalement sur son centre de formation.
L'Ajax d'Amsterdam, qui a vu éclore des talents comme Johan Cruyff, Dennis Bergkamp, ou encore Patrick Kluivert, a été séduit par le concept. Et veut créer avec son partenaire chinois le meilleur centre de formation de Chine.
"C'est un engagement sur le long terme avec R&F, sur cinq ans. Mais nous aurons peut-être besoin de quelques années supplémentaires car nous devons commencer par les fondamentaux", déclare Ed Engelkes, le directeur technique de l'Académie de football R&F.
Cet ex-coach de l'équipe féminine de l'Ajax fait partie d'un groupe de quatre entraîneurs néerlandais qui participent à cette aventure chinoise.
Le Guangzhou R&F a installé son école à Meizhou, une ville située à 400 km de Canton et réputée être un berceau de joueurs de talent.
Salade, fruits et Cristiano Ronaldo
Elle accueille en internat environ 330 garçons âgés de 8 à 17 ans, qui suivent une scolarité normale en plus des entraînements.
Seuls les plus talentueux bénéficient d'une bourse. Et certains qui viennent de loin ne voient leurs parents qu'une fois par an.
"C'est sûr que ça demande une certaine implication", reconnaît Ed Engelkes, 54 ans, alors que les jeunes recrues investissent le terrain.
La barrière de la langue demande par ailleurs de la patience, concède-t-il. Pendant l'entraînement, il doit crier ses consignes en anglais, qui sont ensuite traduites en chinois par un interprète.
Après une session effectuée sous un soleil écrasant, les enfants se dirigent vers les douches avant de suivre, dans une ambiance studieuse, un cours "d'anglais du football". Au programme: visionnage de vidéos de conversation entre joueurs anglophones.
Puis c'est le déjeuner (fruits de mer, riz, salade et fruits) et le retour au dortoir pour une sieste. Les téléphones portables sont uniquement autorisés le samedi.
Sam, un attaquant âgé de 11 ans originaire de la région du Xinjiang (nord-ouest), à plusieurs milliers de kilomètres, ne rentre chez lui qu'une fois par trimestre.
Il explique que son joueur préféré est Cristiano Ronaldo car "il est très doué pour contrôler le ballon et marquer".
D'autres clubs européens ont établi des partenariats avec des écoles de football en Chine. Mais l'Ajax dispose d'une réputation presque inégalée en matière de formation. Un modèle qu'il veut répliquer à Meizhou.
Que gagne l'Ajax dans l'affaire?
"Les enfants doivent être créatifs. On veut qu'ils proposent un football d'attaque, attractif, qu'ils prennent des initiatives", souligne Ed Engelkes.
Un programme audacieux dans une Chine qui n'a jamais produit de joueur de classe mondiale, et sans culture du football solidement ancrée.
Autre problème selon l'entraîneur de l'Ajax: les jeunes Chinois sont souvent habitués à ce qu'on leur dise quoi faire -- une attitude en partie due à un système éducatif basé sur l'apprentissage par coeur.
"Ils ne réfléchissent pas par eux-mêmes. Pourtant, quand vous jouez, vous êtes contraints à prendre des décisions", souligne-t-il.
L'objectif final est de produire des joueurs compétitifs pour l'équipe première de Guangzhou R&F et pour la sélection nationale. Mais aussi de former les entraîneurs chinois qui prendront la relève des Néerlandais.
Que gagne l'Ajax dans l'affaire? L'équipe perçoit une redevance annuelle de plusieurs millions d'euros, et espère développer sa "marque" en Asie.
"Vous devez améliorer et partager vos connaissances, et peut-être (en retour) vous obtiendrez d'autres choses", souligne M. Engelkes.
L'Ajax pourrait ainsi avoir la priorité sur le recrutement des joueurs et des entraîneurs les plus talentueux.
Mais un Johan Cruyff chinois sortira-t-il un jour de ce centre de formation?
"Pourquoi pas? La Chine est un grand pays et il y a certainement du talent ici", assure Ed Engelkes.