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Le Pérou a entamé un deuil national de trois jours jeudi, au lendemain de la mort d'Alberto Fujimori, qui a dirigé le pays d'une main de fer entre 1990 et 2000 et passé les dernières années de sa vie en prison pour corruption et crimes contre l'humanité.
Une foule émue de ses partisans a défilé jeudi devant le cercueil de l'ancien président qui a marqué l'histoire récente du Pérou en combattant les guérillas maoïstes mais a profondemment divisé ses compatriotes.
L'ancien homme fort du Pérou est décédé mercredi à 86 ans à son domicile de Lima après avoir été soigné pour un cancer de la bouche.
Le Pérou a annoncé des funérailles nationales et a déclaré trois jours de deuil jusqu'à samedi, date de son enterrement.
La présidente Dina Boluarte a assisté à la veillée funèbre, mais est partie sans faire de déclaration tandis que le Congrès a observé une minute de silence.
Près d'un quart de siècle après avoir quitté le pouvoir en exil, le dirigeant de droite d'origine japonaise, surnommé "El Chino" (Le Chinois), comptait autant de partisans que de détracteurs.
Il a eu le courage de "faire face au terrorisme". "À l'époque où il a pris les rênes du pays, nous ne pouvions même pas sortir dans les rues, il y avait des attentats à la bombe, nous ne pouvions pas passer par un commissariat de police, nous ne pouvions pas passer par les banques", a déclaré Milagros Parra, une péruvienne de 54 ans.
Comme elle, des milliers de sympathisants ont fait la queue pour voir le corps de Fujimori au ministère de la Culture. Beaucoup sont venus avec des fleurs, des photos et le visage de l'ancien président imprimé sur des T-shirts.
Auparavant, des dizaines de partisans avaient attendu que le cerceuil soit sorti de sa résidence pour être placé dans un corbillard.
Isabel Perez, une infirmière de 56 ans, a brandi un panneau avec l'inscription: "C'est le meilleur président que le Pérou ait jamais eu".
"C'était un autoritaire", glisse Elizabeth Martinez, 61 ans, sans s'arrêter devant la maison de l'ancien président.
- Libéré pour "raisons humanitaires" -
L'ex-dirigeant avait été libéré en décembre sur ordre de la Cour constitutionnelle "pour raisons humanitaires", malgré l'opposition de la justice interaméricaine, après avoir passé 16 ans dans une prison dans l'est de Lima.
Il y purgeait une peine de 25 ans pour crimes contre l'humanité, notamment pour deux massacres de civils commis par un escadron de l'armée dans le cadre de la lutte contre la guérilla maoïste du Sentier lumineux au début des années 1990.
L'ancien président avait été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années.
Une tumeur maligne lui avait été diagnostiquée à la langue et en 2018, il avait rendu public un diagnostic de tumeur aux poumons.
Son état de santé s'était rapidement détérioré au cours des derniers jours, ont indiqué à l'AFP des sources proches de la famille.
Adepte du néolibéralisme, Alberto Fujimori a été un "précurseur en Amérique latine d'un style de politique", a indiqué à l'AFP l'analyste politique Augusto Alvarez.
Selon lui, l'ancien président, qui a fait irruption sur la scène publique avec sa victoire électorale inattendue sur l'écrivain Mario Vargas Llosa, futur prix Nobel de littérature, a promu un modèle "autoritaire et populiste" qui a été reproduit dans de nombreux autres pays, tant par des mouvements de gauche ou de droite.
Pour certains, il demeure l'homme qui a dopé l'essor économique du pays par ses politiques ultra-libérales et combattu avec succès les guérillas du Sentier lumineux (maoïste) et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste).
D'autres se souviennent surtout des scandales de corruption et de ses méthodes autoritaires qui lui ont valu sa condamnation.
Sa fille Keiko Fujimori a repris son flambeau politique mais a échoué à trois reprises au second tour de la présidentielle.
Le 14 juillet, la dirigeante du principal parti de droite du pays avait annoncé que son père se présenterait à l'élection présidentielle de 2026.
Le Pérou a approuvé début août une loi prescrivant les crimes contre l'humanité commis avant 2002 qui aurait pu bénéficier à Alberto Fujimori.
Approuvée malgré une résolution de la Cour interaméricaine des droits de l'homme mi-juin réclamant la suspension du processus législatif, elle bénéficiera à des centaines d'autres officiers accusés d'exactions pendant le conflit interne des années 1980 et 1990 qui a fait quelque 69.000 morts et 21.000 disparus.