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La culture du rendez-vous s’est profondément installée depuis le covid. Illustration dans les banques avec la mésaventure de Jean-Michel. Il s’est rendu dans son agence pour faire un virement urgent vers l’étranger. Sur place, l’employé n’a pu ni faire la transaction, ni l’aider à prendre rendez-vous. Les banques sont-elles encore réellement au service de leurs clients?
C’est de plus en plus rare de devoir se déplacer jusqu’à son agence bancaire. Mais un lundi matin, Jean-Michel, 74 ans, n’a pas le choix. Il doit effectuer un virement important vers un compte à l'étranger. Sur place, on lui dit que ce n’est pas possible car "il faut prendre rendez-vous". Il obtempère et demande donc… un rendez-vous. "On me rétorque que ce n’est pas possible, qu’il faut le faire par téléphone et voici le numéro à appeler". Soit. Jean-Michel s’exécute. Il prend son smartphone, compose le numéro payant et entend un message disant en substance qu’il y avait beaucoup trop d’appels en cours et donc un temps d’attente très long.
Jean-Michel raccroche et doit rappeler plus tard. Ce qui a le don de l’irriter, car comme il le fait remarquer : "c’est mon argent!". Amer, il résume : "Je suis à l'agence. On refuse de faire ce que je demande et on ne me donne pas de rendez-vous. Et pour prendre un rendez-vous pour cette agence à Liège je dois téléphoner à Bruxelles et je n'y arrive pas. Je trouve que c'est infiniment plus facile de contacter le SPF Finance que ma propre banque… C’est lamentable".
Il critique ce qu’il considère comme "un manque d’empathie des banques vis-à-vis de leurs clients. Maintenant, vous téléphonez, vous avez un chatbot, un robot et l’empathie a disparu. Les banques sont en théorie à notre service. Mais, ce n’est plus comme ça, c’est devenu déshumanisé". Finalement, quelques heures plus tard, Jean-Michel parvient à faire son virement… via une autre banque qui permet une prise de rendez-vous plus facile.
Ce fâcheux contretemps pour Jean-Michel illustre une réalité plus profonde : l’évolution des banques qui, du point de vue de certains clients, s’apparente parfois à un appauvrissement des services bancaires. Nous avons interrogé BNP Paribas Fortis, la banque de Jean-Michel, mais aussi Febelfin, la Fédération belge du secteur financier.
Première question : est-il encore possible de se rendre dans une agence bancaire sans rendez-vous?
Précisons d’abord d’emblée qu’il n’existe aucune obligation pour les banques d’offrir des plages horaires sans rendez-vous. Chaque banque décide en fonction de sa politique commerciale et cela peut varier beaucoup d’une enseigne à l’autre. Charline Gorez, la porte-parole de Febelfin, détaille : "De nombreuses banques permettent de se rendre librement en agence, sans rendez-vous. Il peut y avoir certains jours ou certaines plages horaires consacrés aux visites sans rendez-vous. Cela peut également varier d’une région à l’autre, mais aussi de façon plus locale".
Depuis le 22 janvier 2024, bpost Banque est intégrée à BNP Paribas Fortis qui dispose désormais du plus grand réseau de distribution en Belgique : 656 bureaux bpost et 308 agences bancaires. En fonction du type de compte, le client a accès uniquement aux bureaux bpost sans rendez-vous ou il peut également se rendre dans les agences bancaires seulement sur rendez-vous.
Deuxième question : peut-on prendre un rendez-vous directement au guichet d’une agence bancaire?
Nous rapportons la mésaventure de Jean-Michel à la porte-parole de BNP Paribas Fortis. Hilde Junius indique que "cette approche ne correspond pas à la volonté de la banque d'aider tous les clients dans les meilleures conditions". Elle précise : "si le client se présente (une première fois) sans rendez-vous : le conseiller va toujours essayer d’aider le client, lui expliquer comment prendre rendez-vous à l’avenir et fixer un rendez-vous pour une date future afin de répondre à sa demande". Cela ne s’est pas exactement passé comme ça pour notre témoin. La porte-parole valide donc le ressenti de Jean-Michel qui s’attendait à un "meilleur" accueil.
Troisième question : certains clients regrettent ce qu’ils considèrent comme un appauvrissement des services offerts par les banques. Est-ce le cas?
La Fédération du secteur financier dit être bien consciente de l’importance de l’accessibilité des services bancaires. Pour elle, les banques cherchent à fournir un bon service, à la fois aux clients numériques (banques accessibles 7 jours sur 7, 24h sur 24 avec de nouveaux moyens de communication, via les chats et les appels vidéo), et aux clients non numériques qui veulent un service physique.
Febelfin rappelle en outre qu’il existe différents types de banques pour différents profils de clients : "Il peut être intéressant pour les clients de voir quelle banque répond le mieux à leurs besoins".
En ce qui concerne plus particulièrement BNP Paribas Fortis, il y avait 888 agences bancaires fin 2013. 10 ans plus tard, à la fin de l’année 2023, il n’y en avait plus que 308.
Mais depuis janvier 2024, il y a 960 points de contact avec l’intégration de bpost Banque et de ses 656 bureaux de poste.
Quatrième question : le Covid a engendré une adaptation forcée des services bancaires, pourquoi ne pas rétablir les services "perdus" avec la crise sanitaire?
Febelfin confirme l’influence du Covid : "Les banques ont commencé à travailler davantage sur rendez-vous pour des raisons sanitaires. Le fait qu'elles aient ensuite évolué dans ce sens et qu'elles l'aient conservé ou non relève de la politique commerciale de chaque banque".
La Fédération pointe le fait que "beaucoup de gens ont également découvert pendant cette période les autres canaux de communication des banques" et que ceux-ci leur conviennent parfois. Tout en soulignant que le rendez-vous physique "apporte souvent une valeur ajoutée car la banque s’assure que l’employé disposant de l’expertise appropriée est disponible pour répondre aux besoins des clients".
De son côté, BNP Paribas Fortis constate que le nombre de contacts à distance continue à prendre de l’importance. L’institution bancaire l’illustre par quelques chiffres.
Depuis 2018, les visites et les opérations manuelles dans les agences ont baissé de 48%. Et en 2023, la banque a enregistré 4,3 millions de contacts humains "à distance" (par téléphone ou visioconférence) contre 2,4 millions de contacts "physiques en présentiel", soit presque deux fois plus de contacts à distance.