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Raphaël, ingénieur en informatique, nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour faire part de son mécontentement à propos de son opérateur de téléphonie mobile. Sa fille a vu son abonnement chez Scarlet, une filiale à bas coûts de Proximus, coupé sans préavis le 14 mars dernier. Il a alors reçu un mail de la part de l'opérateur annonçant la résiliation. Il a donc décidé de téléphoner au service client pour savoir ce qu'il se passait. "On me dit que trop de SMS ont été envoyés d'un coup", indique le père de famille. "Apparemment, c'est pour sécuriser le numéro et pour éviter des communications vers des numéros frauduleux."
On sait que les ados envoient parfois plusieurs messages très courts d'affilée
Très perplexe, Raphaël se connecte sans attendre sur l'application en ligne de Scarlet pour voir les envois de SMS de sa fille. "C'est vrai que ce jour-là, Emma a envoyé plus de SMS que d'habitude, 150 entre 7h30 et 11h", dit-il. "Mais c'était vers son petit-copain et vers une amie car ils avaient des choses à arranger. C'était donc complètement exceptionnel. Et puis on sait que les ados envoient parfois plusieurs messages très courts d'affilée."
Raphaël recontacte donc le support de Scarlet pour faire réactiver le numéro de sa fille. "J'ai appelé trois fois", soupire-t-il. "On me dit à chaque appel qu'un ticket est ouvert et qu'ils ne savent pas faire grand-chose car ça fait partie des conditions générales de vente de couper un abonnement quand il y a un abus. Sauf qu'ici, il n'y a pas eu d'abus..."
Illimité ou frauduleux ?
Sur le site de Scarlet, nous pouvons découvrir les conditions de vente d'un abonnement comprenant des appels ou SMS illimités. Concernant l'utilisation des SMS, voilà ce qu'on peut lire: "Votre usage sera présumé frauduleux dans les cas suivants: vous envoyez régulièrement plus de 350 SMS/jour et/ou plus de 10000 SMS par mois; vous envoyez beaucoup plus de SMS que vous n’en recevez. Dans chacun de ces cas, Scarlet se réserve le droit de limiter la fourniture de services ou de suspendre et/ou de résilier votre contrat."
Plus surprenant, Raphaël dit avoir reçu la lettre annonçant la résiliation le 21/03, mais elle est datée du 14/03. "Et en plus, ils disent que nous utilisons une carte SIM dans une simbox. Ce n'est pas vrai évidemment, je le promets", sourit-il. Une simbox permet notamment de faire passer des appels internationaux pour des locaux ou d'avoir un seul numéro pour une centrale téléphonique.
"C'est une machine qui a remarqué cela"
Haroun Fenaux, porte-parole de Proximus, explique que dans ce cas, un nombre de SMS envoyés supérieur à ce qui est indiqué dans les conditions générales avait été détecté. "C'est une machine qui a remarqué cela", dit-il. "Ça a été coupé car on a considéré qu'il y avait un abus. Nous avons mis 'simbox' mais ce n'était peut-être pas ça." Pourquoi le nombre de SMS envoyés par Emma est-il alors inférieur aux 350 indiqués dans les conditions générales de vente? Haroun Fenaux avance une explication même s'il ne possédait pas l'analyse des données d'Emma au moment de notre interview. "Il faut savoir qu'un SMS c'est 160 signes", dit-il. "Quand on dépasse ces signes ou qu'on insère des caractères spéciaux, un SMS peut compter pour deux, voire plus. C'est peut-être ce qui s'est passé ici."
Même problème pour Sintia, chez Orange: elle doit payer 250€ pour réactiver son numéro !
Sintia nous a également contactés via le bouton orange Alertez-nous pour un problème similaire, cette semaine. "Orange a coupé la ligne de notre portable ce matin", nous écrit-elle. "Nous avons passé une journée isolés du monde vu que nos deux téléphones sont coupés du réseau." Le lendemain de ce message, nous avons essayé de contacter Sintia au numéro qu'elle nous a laissé. Vraisemblablement, le soucis n'était pas encore réglé. "La destination que vous souhaitez joindre est momentanément inaccessible. Veuillez s'il-vous-plait réessayer plus tard", entend-on de la part d'une voix automatique.
Nous recueillons donc la suite du témoignage par échange de mails. "Au service client, on nous dit qu'ils auraient remarqué une activité frauduleuse car mon mari a envoyé une centaine de messages la veille", explique Sintia. "On aurait dépassé la limite de 250 SMS par jour autorisés dans le contrat. Nous n'avons jamais lu cela dans leur contrat." Elle conteste également le nombre de messages, elle dit que son mari n'en a envoyé que 125. "Il a pourtant toujours fait cela pour organiser le foot entre amis chaque semaine", soupire-t-elle.
"Pour protéger les clients"
Selon Younes Al Bouchouari, le porte-parole d'Orange, des clauses techniques sont mises en place pour éviter les abus. "Notamment pour une utilisation professionnelle d'abonnements prévus pour des privés", dit-il. "Tout cela est complètement automatisé." Il explique que ces méthodes sont faites pour protéger les clients des fraudes comme le phishing par exemple. "Quand le système observe une activité inhabituelle ou qui sort du cadre du contrat, il y a des processus qui se mettent en marche avec entre autres des blocages de comptes."
Concernant le cas de Sintia, elle affirme qu'Orange lui demande 250€ pour réactiver son numéro. "C'est une somme compensatoire en attendant une étude approfondie du cas", indique Younes Al Bouchouari, porte-parole d'Orange. "Il faudra qu'elle regarde avec le service client pour voir si elle doit payer ce montant."
Du coté de Scarlet et donc de Proximus, on tient plus ou moins le même discours et on recommande une gestion "en bon père de famille" de la part des clients. "On doit rester dans un nombre que l'on considère comme étant raisonnable même dans le cadre d'abonnements où tous les SMS sont compris dans le prix", dit Haroun Fenaux, le porte-parole. "Si ce genre d'abonnement à 5, 10 ou 15€ est utilisé par des sociétés pour envoyer de grandes quantités de SMS, on surcharge le réseau. Et nous ne pourrons plus proposer des tarifs attractifs pour les particuliers. Nous avons des produits spécifiques pour les professionnels." Il met également en avant la lutte contre la fraude. "On doit évidemment être très vigilant avec ce genre de choses."
Jimmy Smedts, porte-parole de l'Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT), souligne l'importance de la clarté quand on parle d'activité inhabituelle. "En ce qui concerne la communication d'une éventuelle clause d'utilisation raisonnable ("fair use policy") autorisée, nous estimons qu'elle doit être transparente", dit-il. "C'est-à-dire claire, compréhensible pour le consommateur moyen, facile à trouver et communiquée à l'avance, c'est-à-dire de manière précontractuelle."
Le service de médiation des télécommunications parle de "publicité mensongère"
En cas de litige avec son opérateur, tout client peut contacter gratuitement le service de médiation des télécommunications. Aline Dreze, la porte-parole, indique être bien au courant des problèmes que posent ces abonnements qui sont annoncés comme étant illimités. "Pas seulement pour les SMS mais aussi pour les appels et la 4G", dit-elle. "Les opérateurs se couvrent en invoquant leurs conditions générales de vente. On remarque dans celles-ci des phrases écrites en tout petit dans lesquelles on explique qu'il y a en fait une certaine limitation." Le service reçoit régulièrement des plaintes et met en garde face à ce concept d'illimité. "Nous conseillons aux clients de bien lire leur contrat", poursuit Aline Dreze. "Mais nous souhaitons que l'adjectif 'illimité' disparaisse. C'est de la publicité mensongère."
La dissimulation d’informations essentielles concernant des limitations existantes est considérée comme trompeuse
Dans le rapport annuel 2021 du service sorti le 24 mars, un chapitre entier est consacré aux abonnements illimités. Il indique que le service a reçu plusieurs dizaines de plaintes à ce propos. Après avoir exposés plusieurs exemples, le rapport se termine par des recommandations. "La dissimulation d’informations essentielles concernant des limitations existantes est considérée comme trompeuse par les plaignants et a donné lieu à des surprises", peut-on lire. "Le service de médiation conseille, dès lors, aux opérateurs actifs en Belgique de ne plus utiliser le mot "illimitées" pour désigner des offres qui ne le sont pas en réalité, qu’il s’agisse de gigabyte ou de terabyte ou du nombre de minutes d’appel ou de SMS."
La méthode remise en cause
Raphaël pointe du doigt l'erreur de l'opérateur, mais également la manière de procéder, qu'il juge trop brute. "C'est une manière de procéder inadmissible. D'un coup, Emma s'est retrouvée sans moyen de communiquer", dit-il. "Pour nous contacter, elle devait utiliser le téléphone d'une amie. Ce n'est pas pratique. Et le week-end dernier, elle avait deux fêtes. Comment on aurait fait si elle avait eu un problème? C'est ça qui m'ennuie car elle a déjà été accostée en rue par des hommes qui lui avaient fait des réflexions déplaisantes. Ça l'avait choquée."
Sintia regrette également la brutalité de la résiliation d'Orange. "Ils nous laissent dans cette situation déplorable comme si nous étions des arnaqueurs alors que nous sommes des clients fidèles de longue date", dit-elle. "Nous n'avons rien fait de mal à part envoyer des SMS à un groupe d'amis ! Nous envisageons de changer d'opérateur vu cette situation inadmissible."
Mon mari ne peut pas recevoir sa marchandise à temps
Cette coupure a en plus engendré des désagréments professionnels pour son mari. "Il est indépendant complémentaire en tant que maraicher et doit effectuer des commandes", explique-t-elle. "Ses fournisseurs doivent le contacter pour communiquer au niveau de la livraison de la marchandise. Mon mari ne peut pas recevoir sa marchandise à temps et effectuer de nouvelles commandes pour les jours à venir."
Quand nous expliquons à Younes Al Bouchouari, le porte-parole d'Orange, la brutalité de la coupure des abonnements de Sintia et de son mari, il indique que le cas précis va être étudié en interne. "On va voir s'il y a moyen d'améliorer la finesse et la précision des services pour que ça ne puisse pas se reproduire", dit-il.
"Elle va devoir calculer pour ne pas froisser l'opérateur?"
Bonne nouvelle pour Emma, elle a fini par récupérer son abonnement une semaine plus tard. "J'estime que quand il y a erreur, ça doit être pris en charge beaucoup plus rapidement", affirme le père de famille. "Emma est de bonne composition mais ça commençait à être très long pour elle." L'ingénieur a maintenant peur que ce genre de situation se représente. "Car forcément elle aura encore beaucoup de communications avec son petit copain...", soupire-t-il. Si Emma ne passe pas par les messageries comme WhatsApp ou Messenger, c'est parce qu'il n'y a pas de 4G dans son école. "Et ils ont pris cette habitude de SMS. Elle va devoir calculer pour ne pas froisser l'opérateur?", conclu Raphaël.
Le porte-parole de Proximus insiste sur le fait qu'il s'agit d'un système anti-fraude. "Dans ce cas, ça ne l'était pas mais ça a protégé les clients de nombreuses autres fois", dit Haroun Fenaux. Il reconnait par contre une trop grande lenteur dans la réactivation du compte. "Il faudrait voir dans la procédure pourquoi ça a pris autant de temps à être réactivé", dit-il. "Une semaine, c'est long je vous l'accorde. Ça devrait être plus rapide. Dans ce cas, la pauvre cliente aurait dû être réactivée plus vite."
Que faire en cas de litige?
Jimmy Smedts, le porte-parole de l'IBPT, indique que lorsqu'ils sont victimes de clauses abusives ou de tromperies, les clients peuvent déposer plainte auprès du point de contact belge (SPF Economie). "L'autorité compétente ouvrira alors une enquête", dit-il. "Il est également possible de s'adresser directement au tribunal, mais nous comprenons que cela ne soit pas évident."
La solution la plus simple, c'est donc de porter plainte auprès du médiateur des télécommunications en remplissant un formulaire disponible sur le site internet du service ou de prendre contact par téléphone via le 02/223.06.06.