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Nicolas arnaqué sur 2ememain.be: "Ils m'ont volé 1.000€ et continuent de me harceler pour plus d'argent"

Les sites de seconde main restent un espace privilégié pour les escrocs: ils peuvent y entrer en contact avec leurs victimes et disposent un argument en or, celui d'être "très intéressé" par l'achat de leurs biens. Parfois trop crédule et/ou trop désireux de faire une bonne affaire, le vendeur devient une cible idéale. C'est le cas de Nicolas, un Dinantais qui pensait vendre une antiquité à Sabrina, une (soi-disant) Française.

Les mois et les années passent, et le site de vente en ligne 2ememain.be semble rester l'endroit où les escrocs francophones font leur marché, pour trouver de nouvelles victimes belges potentielles.

Nicolas est l'une des dernières en date. Cet habitant de Dinant a été dépouillé de 1.000€ par un faux acheteur sur 2ememain.be. "Et on continue de me harceler par téléphone et email pour plus d'argent", nous a-t-il confié après avoir contacté la rédaction de RTL info via notre bouton orange Alertez-nous.

Un habitué des brocantes

Notre témoin n'est pas un débutant dans le petit monde de la vente d'objets d'occasion. "Je fais des vides-greniers régulièrement, et le week-end je fais souvent des brocantes". 2ememain.be, il connait: "J'utilise souvent cette plateforme, j'y ai vendu ma voiture, des sacs de ma femme, etc".

Et jusqu'à présent, il n'avait "jamais eu de problème". Jusqu'à ce qu'il décide de vendre, au début du mois d'août, "une boîte de tir ancienne", un "kit pour ceux qui pratiquaient le tir, avec un casque pour les oreilles, des lunettes, des cibles, etc". Prix souhaité: 70€.


L'article mis en vente par Nicolas sur 2ememain.be

Schéma classique pour amadouer la victime

Comme c'est souvent le cas dans les arnaques sur 2ememain.be, tout part d'un acheteur qui manifeste un intérêt rapide mêlée d'urgence et de générosité.

"C'était une personne vivant en France, qui voulait payer via PayPal", précise Nicolas. PayPal est une société américaine pionnière dans le paiement en ligne, dont le but est de servir d'intermédiaire pour une transaction financière entre deux parties (on lie une carte de crédit à son compte, qui peut alors créditer le compte d'une autre personne, pour faire simple).

Dès le début de la conversation que nous avons pu lire, l'acheteur, qui prétend s'appeler Corinne Sabatier, se montre magnanime. "Vu le prix raisonnable du bien, je vous rajoute 16,40 euros pour que vous me le cédiez", écrit l'arnaqueur à Nicolas, qui ne voit rien venir.

Le faux email PayPal

Pensant faire une bonne affaire, Nicolas se crée un compte PayPal alors qu'il n'en a pas. C'est le seul moyen de paiement que son arnaqueur propose.

Un moyen de paiement fiable, sauf si l'arnaqueur parvient à tromper sa victime en lui envoyant des faux emails en provenance de PayPal. Bien souvent, le nom affiché par l'email est 'service@paypal.fr', alors que la véritable adresse email est, dans le cas de Nicolas, 'servicecreditation90@gmail.com'. Mais de nombreux services d'email (dont Gmail) affichent le nom uniquement dans la liste d'emails, et le nom en gras (avec l'adresse en grisé) dans les conversations. Cela peut prêter à confusion si l'on manque de vigilance.

Et Nicolas en a manqué. "J'ai reçu un email de PayPal qui me disait que le paiement avait été effectué, que mon compte était crédité de 97€", car Nicolas a ajouté les frais de port. Il envoie donc le colis à l'adresse indiquée par l'escroc, en France.


Le contenu de l'email reçu par Nicolas, soi-disant en provenance de PayPal

Les fameuses recharges Néosurf

C'est à ce moment-là que l'arnaqueur passe à la vitesse supérieure. Le colis étant envoyé, le vendeur (Nicolas dans notre cas) veut être certain de pouvoir toucher effectivement l'argent. Souvent pressé de finaliser la transaction, il est prêt à tout.

Y compris à tomber dans un piège pourtant gros comme une maison. "L'acheteur m'a dit que comme c'était une transaction entre la Belgique et la France, il fallait un compte PayPal spécial, et 10 recharges Néosurf de 100€ qui allaient être créditées sur mon compte ensuite", nous a expliqué Nicolas.

Dans la conversation qu'il nous a transmise, l'arnaqueur évoque, comme on en a déjà parlé, la "deuxième étape de la transaction" qui consiste à "rendre nos comptes PayPal Premium".  Perfide, il prétend qu'il "va de ce pas acheter les recharges Néosurf".

Ferré comme un poisson, Nicolas ne voit rien venir. Et si dans un premier temps, il rétorque à sa fausse acheteuse qu'il n'a pas les 1.000€, il finit par craquer.

"J'ai été dans une pompe à essence à Dinant. Je suis un client fidèle, je connais le gérant. Il m'a donné les recharges Néosurf, je ne les ai pas encore payées".

Pour rappel (on en a déjà parlé ici), ces recharges Néosurf sont un moyen de paiement numérique web qui permet de rester anonyme. On achète des cartes dans un point de vente, typiquement avec de l'argent liquide, et avec les codes que l'on reçoit, on peut régler des achats en ligne, miser sur des sites de jeux de hasard ou de paris sportifs, et même recharger certaines MasterCard ou Visa. Un concept un peu flou qui n'inspire vraiment pas confiance, mais qui n'a rien d'illégal.

Il se rend compte de l'arnaque quand les escrocs lui réclament 1.500€ de plus !

Comme souvent, c'est le culot et la gourmandise des escrocs qui révèlent leur arnaque au grand jour.

18 minutes après avoir envoyé finalement 9 codes Néosurf (valeur: 900€) achetés à la pompe à essence du coin, Nicolas reçoit une nouvelle demande abracadabrante. "Ils m'ont dit qu'il y avait une nouvelle taxe à payer", une "dernière étape" pour "la commission de contrôle des virements de l'Union Européenne".

Ayant trouvé leur généreuse victime de la journée, les arnaqueurs tentent le jackpot et réclament cette fois 15 recharges, soit 1.500€.

Désemparé face à cette demande qu'il ne peut financièrement pas rencontrer, Nicolas tombe de haut et se rend compte qu'il s'est fait avoir. Il téléphone à PayPal Belgique, qui lui confirme qu'il s'agit d'une arnaque.

"Pour le moral, c'est très, très dur".

Ils me téléphonent tous les jours pour réclamer le versement de l'argent

Un mince espoir et… du harcèlement qui continue par téléphone

Nicolas s'est rendu à la Police de Dinant pour déposer plainte. "On m'a dit que la Belgique n'avait aucun pouvoir", et qu'il fallait se tourner vers la cellule de cybercriminalité. Il a tout de même obtenu un PV formalisant sa mésaventure.

Notre victime a ensuite déposé une plainte en ligne, mais il n'a pas de nouvelles. "Je ne parviens même pas à retrouver le statut de mon dossier sur leur site".

Le meilleur espoir de Nicolas est dans les mains de… Néosurf. "Ils m'ont dit que si les codes n'avaient pas encore été utilisés, ils pourraient me rembourser".  Notre Dinantais a déjà du envoyer plusieurs fois les copies des emails et des codes achetés, ainsi que le PV de la police locale. Il attend toujours de leurs nouvelles.

Ces démarches judiciaires n'effraient en rien les escrocs. Ils ont le culot de continuer à le "menacer de 25 ans de prison par email", et de "téléphoner tous les jours, pour réclamer le versement de l'argent". La dernière fois, "c'est ma femme qui a pris le GSM pour leur dire qu'ils allaient être poursuivis".

L'indicatif du numéro de téléphone qui harcèle Nicolas est sans surprise le +225, celui de la Côte d'Ivoire, qui reste la plaque tournante des arnaques visant les francophones.

Nos conseils sont toujours les mêmes, mais il est bon de les répéter:

Vérifiez toujours l'adresse email exacte, et ne vous fiez pas au nom de l'expéditeur, avant de croire un courrier soi-disant officiel. Des entreprises comme PayPal ne vous demanderont jamais d'envoyer des codes de recharge pour modifier un compte, tandis que les taxes européennes et les options premium n'existent pas.

Un achat ou une vente sur un site comme 2ememain.be doit de préférence se faire avec remise en main propre des objets vendus (méfiez-vous surtout des demandes d'envoi à l'étranger).

De manière générale, dès qu'un interlocuteur lors d'une transaction en ligne vous demande de l'argent, mettez un terme à la conversation et bloquez son adresse email.

Ne donnez jamais votre numéro de téléphone, votre adresse postale, ou des données personnelles autres qu'un email lors d'une conversation avec un inconnu, même s'il s'agit d'un acheteur potentiel (à moins que vous ne lui fassiez entièrement confiance).

S'il est trop tard et que vous avez été arnaqué de la même manière que Nicolas, il est probable qu'il s'agisse d'un escroc basé en dehors de l'Europe. La meilleure plainte à déposer est sur https://www.econsumer.gov/fr/FileAComplaint#crnt. Vous aiderez à mieux identifier et, espérons-le, un jour, mettre un terme, à ce genre d'arnaque. Mais personne ne va se battre pour récupérer votre argent.

Olivier Bogaert, commissaire à la FCCU (Federeal Computer Crime Unit) conseille également d'aller sur le site de la PLCC (plateforme de lutte contre la cybercriminalité) ivoirienne. "Ils sont très réactifs et s'il y a un dossier ouvert en Belgique, ils prennent contact avec les autorités belges". 

Comme l'a fait Nicolas, essayez enfin de contacter l'organisme émetteur des cartes rechargeables utilisées. Il se peut que les codes ne soient pas encore utilisés ou convertis en espèce sonnante et trébuchante. Et avec un peu de chance…

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