Comme de nombreux autres domaines d'activité, le secteur du mariage est mis à mal par l'épidémie de coronavirus en Belgique. Les prestataires ne peuvent honorer les événements prévus et voient ainsi leur chiffre d'affaires chuter considérablement. Illustration avec Fabienne, gérante d'une salle de réception à Tongres, dans la Région flamande.
"Nous avons besoin que les événements familiaux reprennent. On ne peut pas continuer comme ça", souffle Fabienne (prénom d'emprunt). Au bord du gouffre, elle nous contacte via le bouton orange Alertez-nous. Pour cette professionnelle du mariage, la situation n'est plus gérable. La preuve: elle ne parvient plus à payer ses factures qui s'entassent.
Début 2020, cette mère de famille réalisait son rêve en devenant gérante d'une salle de réception. "J'ai repris le bail d'une amie qui arrêtait. C'était l'occasion ou jamais", nous confie-t-elle. Mais voilà, l'épidémie de coronavirus a gagné la Belgique obligeant de nombreux secteurs à cesser temporairement leur activité. Pour Fabienne, c'est un rêve qui vole en éclats.
Passionnée de mariages, Fabienne a toujours voulu en faire son métier. En 2017, cette employée communale passe à mi-temps et devient indépendante complémentaire en tant que décoratrice et organisatrice de mariages. Elle sillonne alors la Wallonie afin d'offrir aux futurs époux le plus beau jour de leur vie. "C'est que du bonheur. J'aime cet aspect positif du métier", avoue-t-elle. Devenir gérante d'une salle s'est présentée comme une consécration pour cette mère de famille.
J'avais mis le paquet car c'était mon tout premier événement
La salle de réception se situe à Tongres, en Région flamande. La commune en est propriétaire, Fabienne la loue. Des anniversaires, des fiançailles ou encore des réveillons peuvent être organisés. Mais la plupart des événements concerne des mariages. En tant que gérante, Nadia propose différents packs à ses clients. Selon leurs moyens et besoins, les prestations diffèrent. En plus de la location de la salle, la décoration florale, le service traiteur ou encore l'animation peuvent lui être confiés. En fonction des options choisies, elle s'entoure ensuite de différents prestataires.
Le 7 mars dernier, un premier mariage devait se tenir. La veille, elle retrouve la mariée sur place pour lui remettre les clés. Excitée, elle donne un dernier coup d'œil à la salle et se dit fière du travail accompli. "J'avais mis le paquet car c'était mon tout premier événement dans cette salle. On avait tout décoré, ça faisait longtemps que l'on préparait tout ça", s'exclame-t-elle. C'est alors qu'elle reçoit un email de la commune. Suite à l'épidémie de coronavirus qui sévit dans le pays, les autorités communales interdisent le rassemblement. Pour Fabienne, ce sont des heures de travail réduites à néant. "La mariée s'est mise à pleurer, et j'ai pleuré avec elle", nous souffle-elle.
Les futurs époux décident de reporter leur union. Mais le Conseil National de Sécurité tenu le 13 mars met fin à leurs espoirs. C'est officiel: la population est invitée à se confiner et tout rassemblement est interdit. Et pour Fabienne, c'est le début d'une longue vague d'annulations. Au total, 18 mariages devaient se tenir entre mars et septembre dans la salle qu'elle gère. La plupart des futurs mariés ont préféré reporter leur union ou la célébrer en petit comité sans faire appel à ses services.
Pour rappel, les mariages peuvent actuellement se tenir avec une limite de 30 participants. Il n'est cependant pas possible d'organiser une réception après la cérémonie.
Un loyer de 1.300€ + 700€ de charges
Une situation particulièrement compliquée pour la professionnelle. D'une part, elle a dû rembourser les acomptes de tous ses clients selon elle. "Les gens annulent mais nous disent que ce n'est pas de leur faute. Et c'est compréhensible. Pour pouvoir dormir sur mes deux oreilles, j'ai préféré tout rembourser", assure-t-elle. Et d'autre part, Fabienne voit ses factures s'entasser sans même pouvoir les payer. "Je les reçois mais je ne les ouvre même plus. Je ne sais pas comment faire", souffle-t-elle.
Car le loyer de cette salle située à Tongres s'élève à 1.300€. Si l'on ajoute les charges (gaz, électricité, assurance, taxe poubelle), la somme mensuelle à débourser est de 2.000 euros. Pendant 3 mois, Fabienne a su honorer ses notes en puisant dans ses économies. "J'ai payé grâce aux bénéfices que m'avait rapporté mon travail en tant qu'organisatrice l'année dernière. Mais là, je n'ai plus rien", déplore-t-elle.
Il faut garder espoir, j'espère reprendre en septembre
Employée communale à mi-temps, Fabienne n'a pas eu le droit à l'indemnité de 5.000 euros réservée à de nombreux indépendants à certaines conditions. "J'ai deux enfants et ce n'est pas facile. Je ne sais pas où je vais. Je réfléchis pour pouvoir m'en sortir. Je pense à revendre ma voiture", explique-t-elle. Le mari de Fabienne travaille également, le couple perçoit donc deux revenus. Mais cela n'est pas suffisant selon lui. Le loyer de la salle est une charge supplémentaire non négligeable. "Le loyer est faramineux. Mais il faut garder espoir. J'espère pouvoir reprendre à la rentrée de septembre. Si ce n'est pas possible, c'est tout le secteur du mariage qui va couler. Malheureusement, on est un secteur qui ne rapporte pas beaucoup alors on est le dernier souci sur la liste des autorités", soupire la mère de famille.
Et si les autorités autorisaient à nouveau les rassemblements en petit comité, Fabienne pourrait-elle reprendre son activité? "Je pourrais prévoir du gel et une prise de température pour les participants à l'entrée. Mais après? Je ne reste pas aux événements. Je ne vois pas comment je pourrais vérifier que tout le monde respecte la distance sociale à table ou sur la piste de danse", conclut-elle.
Sans perspective, notre secteur saigne à mort
Comme Fabienne, de nombreux professionnels du secteur peinent à s'en sortir. Selon HL Belgique, une organisation professionnelle qui regroupe tous les prestataires du mariage en Belgique, la perte du chiffre d'affaires est estimée à 300 millions d'euros. La situation étant d'autant plus critique que c'est durant le printemps et l'été que les prestataires touchent la majeure partie de leur revenu, comme nous l'explique Cynthia De Clercq, porte-parole. "Entre mai et octobre, c'est la haute saison pour le secteur du mariage. En période hivernale, il n'y a pratiquement pas de mariages. La grande majorité de ceux qui se marient en hiver ne donnent pas une grande fête mais se marient plutôt devant la loi et invitent leurs amis et leur famille au restaurant. Le secteur du mariage n'a donc pas de revenus ou en a beaucoup moins pendant la période hivernale", souligne-t-elle.
La Belgique a entamé, depuis le 11 mai, son processus de déconfinement. La phase 3, qui ne devrait pas intervenir avant le 8 juin, prévoit l'autorisation progressive d'événements de petite envergure. Les mariages de plus de 30 personnes vont-ils pouvoir se tenir cet été? A l'heure actuelle, des incertitudes persistent. Aujourd'hui, le secteur exige de la clarification pour les mois à venir. "Sans perspective, notre secteur saigne à mort. Quand viendra la clarification pour les fêtes? Lors du prochain Conseil national de sécurité, tous les prestataires de mariage attendent donc à nouveau un signal", insiste Cynthia De Clercq.
Quelles solutions?
Aujourd'hui, la législation belge impose que le mariage civil soit célébré à la maison communale ou dans un lieu désigné par les autorités locales. Seule exception: si l'un des époux ne peut quitter la maison pour cause de maladie. Pour l'organisation HL Belgique, cette loi est un obstacle à la tenue de mariages en période de coronavirus. Parmi les alternatives imaginées par l'organisation, la possibilité de célébrer les unions en plein air.
"Aujourd'hui, un mariage civil doit avoir lieu entre les quatre murs de la mairie ou de l'hôtel de ville. C'est pourquoi les mariages en période de coronavirus sont limités à 30 personnes. Une cérémonie, en revanche, est généralement organisée à l'extérieur, les chaises peuvent être placées en prévoyant suffisamment d'espace pour accueillir d'autres familles. Un emplacement extérieur offre l'espace nécessaire pour cela", nous explique la porte-parole. HL Belgique plaide pour l'autorisation de 200 participants aux mariages estivaux. Sans quoi le secteur ne s'en remettrait pas. "Nous espérons relancer progressivement le secteur et sauver certains mois de la haute saison", nous précise Cynthia De Clercq.
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