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Si le coronavirus en Belgique a fait à ce jour plus de 6.000 victimes, surtout des personnes âgées, il a aussi fait des dégâts au niveau économique. Les répercussions sont encore difficiles à estimer avec précision, mais des secteurs d'activité entiers sont touchés. Parmi lesquels l'horeca, bien sûr, mais aussi tout ce qui se rapporte aux soins corporels.
Le vendredi 24 avril, beaucoup d'indépendants ou dirigeants de petites entreprises wallons ont contacté la rédaction de RTL info, via le bouton orange Alertez-nous. Durant la nuit, ils ont eu des nouvelles concernant la prime de 5.000 euros à laquelle ils ont droit, et elles ne sont pas spécialement réjouissantes.
"Après 30 jours, je reçois un mail pour signaler que le dossier est incomplet !", s'étonne Marc.
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Responsable d'un centre de soins, il vit "sur ses réserves"
Marc vit et travaille dans la région de Mons. "Je suis indépendant dans le domaine de la santé, du bien-être. J'aide les gens à préserver leur forme et leur santé sur du long terme, que ce soit au niveau alimentaire ou soins corporels. On peut dire que je suis coach bien-être", nous a-t-il expliqué. Ce métier, il l'exerce "depuis 2002" dans un centre avec quelques associés.
Depuis le début du confinement, "donc vers la mi-mars", il a cessé complètement ses activités. Depuis lors, "on vit sur les réserves… heureusement, on a pu demander le report du paiement des lois sociales. Mais j'espère qu'au mois de mai on va pouvoir reprendre, on travaille avec deux personnes en même temps au maximum, donc il y a une possibilité". En revanche, "si on doit encore attendre trois mois avant de retravailler, là, ce sera compliqué".
Cependant, comme pour tout le monde, "les factures sont là, maintenant, et il faut pouvoir les payer". Raison pour laquelle Marc a demandé, comme de nombreux autres indépendants ou PME (petites ou moyennes entreprises), de bénéficier d'une prime forfaitaire de 5.000 euros promise par la Région wallonne.
"Un mois plus tard, on me demande des détails"
"Le 27 mars, donc dès que c'était possible, j'ai introduit une demande, sur le site du SPW (Service Public Wallonie)", à savoir indemnitecovid.wallonie.be. "J'ai encodé mon numéro de TVA, etc… Et puis le système m'a sorti une réponse disant que j'étais éligible pour la prime".
La procédure "était impeccable: j'ai reçu le mail de confirmation, qui disait que j'allais avoir des nouvelles par après".
Cependant, "près d'un mois plus tard, donc le 24 avril, j'ai reçu un email (voir ci-dessous), qui dit qu'ils ont bien reçu ma demande d'indemnités compensatoires. Il y a un numéro de dossier, mon numéro d'entreprise et mes coordonnées. Mais il est ensuite indiqué : 'après examen et selon les informations en notre possession, votre dossier nécessite des renseignements complémentaires avant que nous puissions statuer sur votre éligibilité'. Il est également indiqué que j'ai un mois pour compléter mon dossier".
Marc doit fournir des "preuves officielles, des papiers à joindre sur le site", relatifs à son chiffre d'affaire et au nombre de personnes qu'il emploie. "Vous n'allez pas me dire qu'ils ne savent pas croiser les chiffres et trouver ces informations quelque part ! C'est pour nous faire perdre du temps, et pour nous décourager à demander la prime", selon lui.
"Tsunami chez les comptables"
Ces nouvelles démarches l'énervent: "Je dois demander des papiers à mon comptable, et il m'a dit qu'il avait reçu plein de demandes de ce genre ce matin".
Confirmation de Valérie, comptable fiscaliste qui a également contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous: "Tsunami chez les comptables après l'envoi de demande d'informations complémentaires à 23:59 hier (jeudi) pour bénéficier de l'aide de la Région Wallonne. Et si vous ne répondez pas ou si vous ne fournissez pas les infos correctes et complètes, pas de subsides et pas de recours ! Sachant que la majorité des infos demandées sont connues de l'Etat, on peut se poser des questions", nous a-t-elle écrit.
Ce qui a également mis Marc en colère, "c'est que le lien était mort ce matin (vendredi), le site ne s'affichait pas !". Si tout est rentré dans l'ordre à la mi-journée, malgré tout, notre témoin ne comprend pas "comment c'est possible qu'après 30 jours tout d'un coup, on demande des choses en plus, car je suis formel, tout ça, on ne l'a pas demandé quand on a introduit la demande" le 27 mars.
Pour lui, "les politiciens sont des beaux parleurs: ils promettent des indemnités et là, on est en confinement depuis la mi-mars, on est fin avril, et il n'y a toujours pas moyen d'avoir une aide".
Marc espère bien que les 5.000€ finiront par arriver, "dans quelques semaines, pour payer les lois sociales qui ont été reportées".
Que dit la Région wallonne ?
Nous avons contacté les autorités politiques responsables de l'indemnité covid-19. Et de leur côté, on est plutôt étonné des remarques formulées par Marc, mais aussi par David, un autre indépendant qui a reçu l'email du SPW et qui nous assure via le bouton orange Alertez-nous que "les informations complémentaires n'étaient pas demandées lors de la soumission initiale du dossier".
"On a eu 12 jours pour mettre sur place le système d'indemnités. C'est 60 personnes qui ont déjà travaillé sur 54.000 dossiers", nous a expliqué Nicolas Yernaux, porte-parole du Service public Wallonie. "C'est un exercice de force", dit-il.
Le SPW est très clair: "Il n'y a pas eu la moindre modification des critères d'éligibilité. D'ailleurs, 10.000 personnes ont déjà reçu la prime, donc vous imaginez bien qu'on n'a pas rajouté des preuves à fournir entretemps".
Plus de la moitié des dossiers introduits "étaient sans doute incomplets"
Selon le porte-parole, les dossiers de Marc et David "étaient sans doute incomplets", et ils étaient loin d'être les seuls: "on a envoyé un email cette nuit aux 31.000 dossiers, environ, qui n'étaient pas complets". Cela signifierait donc que plus de la moitié des indépendants ou patrons de PME ont mal rempli le formulaire initial.
C'est pourtant la seule explication avancée par le SPW, qui précise que des erreurs ou des oublis dans l'encodage, "ça arrive vite: il y a par exemple 106 numéros de comptes bancaires communiqués qui étaient fermés, les gens se sont plaints, mais ce n'est pas de notre faute". Effectivement, il était possible dans le formulaire d'utiliser le numéro de compte repris dans la Banque-Carrefour des Entreprises, et certains n'étaient plus valables.
Le SPW réaffirme que "tous les dossiers complets ont été soldés". Si on fait le décompte, "il y a eu 54.000 demandes, 10.000 ont été payées, 31.000 ont été renvoyées pour informations complémentaires, et le solde (soit environ 13.000 demandes d'indemnisation), ce sont les dossiers qui sont à l'instruction", leurs données sont donc analysées et vérifiées.
Le 22 avril, le gouvernement wallon a décidé "d'élargir le spectre de son intervention d'urgence" (voir le communiqué de presse). Dès lors, d'autres dossiers vont être introduits, les 60 personnes qui travaillent pour ce nouveau service d'indemnisation n'ont donc pas encore fini leur ouvrage…