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En l’espace de quelques heures, Angelo a tout perdu. Depuis 16 ans, ce sexagénaire était à la tête de son restaurant italien, "La Scuderia" à Chaudfontaine. Parfois en cuisine, parfois en salle, ce passionné était sur tous les fronts. "C’est vrai que c’est mon point fort", se souvient-il.
Mais le 14 juillet dernier, les tragiques inondations n’ont pas épargné son établissement. Depuis, il n’en reste plus rien. Ou presque. Il se souvient de cette journée du 14 juillet où il a vu son destin bouleversé. "L’eau commençait à monter. Je venais de finir le service. Les routes étaient inondées. J’ai pu revenir chez moi mais je ne sais pas comment. Il était temps que je parte", se rappelle Angelo.
Le restaurateur habite à quelques kilomètres de son établissement, à Romsée, dans la commune de Fléron. Dans cette partie de la ville, les pluies sont moins violentes et les rues sont praticables. Durant une grande partie de la nuit, Angelo reste éveillé, le nez sur la caméra de surveillance installée devant son restaurant. Soudainement, le signal de la caméra est perdu. L’eau a impacté le réseau électrique, l’appareil est hors tension.
Pendant trois jours, impossible pour Angelo de regagner son restaurant. Les routes restent inondées, le danger est toujours présent. "On n'a pas pensé tout de suite au commerce. On a d’abord secouru les gens. Ma femme a pris des matelas et des habits pour tous ces sinistrés anéantis. Cette population était catastrophée car elle n’avait plus d’endroit où dormir", se désole Angelo.
Après des jours passés aux côtés des sinistrés, le sexagénaire se décide à regagner son établissement. Et là, c’est la désolation. "C’était inimaginable. Je ne m’attendais pas à ça. C'était comme un état de guerre", souffle-t-il. La puissance des flots fut telle que le mobilier est découvert sans dessus dessous. "J’avais des frigos pleins qui se sont retrouvés à 30m de leur emplacement. Et à côté de ça, j’ai des verres de table et des cartes de visite qui étaient intacts", s’étonne-t-il.
S’ensuivent des jours de déblayage et de nettoyage. À ce moment-là, Angelo espère pouvoir regagner son commerce après quelques travaux. Mais selon lui, le propriétaire aurait décidé de faire démolir la bâtisse afin d’y construire un immeuble à appartements. Pour Angelo, c’est le coup de massue. Difficile de mettre à terme à 16 années passées dans le cadre majestueux de la Scuderia.
Car le restaurant est installé dans l'ancienne ferme au carré du manoir des Thermes. À l’époque, ces constructions devaient répondre à trois fonctions: l’habitat, le stockage de céréales et les étables pour le bétail. Graphiquement, tous ces bâtiments figuraient autour de la cour. Jusque dans les années 90, le lieu était occupé par La Cense Blanche, un restaurant étoilé. "Ce bâtiment exceptionnel du 16e siècle va être démoli", s’attriste-t-il.
Il y a quelques mois, un projet de construction axé autour du manoir des Thermes avait déjà été annoncé. Le but étant de démolir le manoir afin d’ériger deux immeubles à appartements. Le permis d’urbanisme avait été délivré en mai 2021.
Cette fois, selon Angelo, c’est le bâtiment qui abritait son restaurant qui est visé par cette même démolition et reconstruction. C'est en tout cas les informations que lui auraient livré son propriétaire. L'idée serait de rassembler les deux bâtiments afin d'en faire des immeubles à appartements. "C’est dommage car c’est le plus beau monument de la rue pour ne pas dire de la commune", soupire Angelo. Le restaurateur nous explique qu'une rupture de bail est en cours.
Contactée par nos soins, la commune de Chaudfontaine nous explique ne pas avoir été informée d'un projet de démolition à l'heure actuelle. "Aucune demande d'une quelconque transformation ou démolition n'a été faite", nous indique Dominique Verlaine, échevin de l'urbanisme à Chaudfontaine. De plus, selon les autorités communales, il existe une protection patrimoniale sur le restaurant qui rendra compliquée toute modification sensible. L'échevin de l'urbanisme insiste: "Nous n'avons reçu aucune demande de la part du propriétaire à ce jour".
J'attends que le temps passe
Aujourd’hui, Angelo ne sait que faire. "Je suis dans l’inconnu. J’attends que le temps passe", explique-t-il. Ce passionné de cuisine espère pouvoir reprendre rapidement son activité. Il réfléchit à installer son restaurant ailleurs dans la région, bien qu'il garde toujours cet infime espoir de pouvoir réintégrer cette bâtisse historique. À 61 ans, il ne lui reste plus que quelques années à passer derrière les fourneaux et dans la paperasse. Après cela, il espère pouvoir transmettre son affaire à sa fille qui "a grandi là dedans".
Depuis les inondations, le restaurateur a pu bénéficier du droit passerelle inondations. Il attend toujours d’être indemnisé, assure-t-il.