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Récemment, nous avons relayé l’indignation d’Eduard. Selon lui, des personnes qui "semblent savoir bien marcher" avaient utilisé des places de stationnement réservées aux personnes handicapées à Forest, en région bruxelloise.
En lisant cet article, Gilles est particulièrement interpellé. Ce Bruxellois de 42 ans veut mettre en lumière une situation tout aussi "inacceptable". "Que des gens sans scrupules utilisent les places handicapées, c'est inadmissible effectivement. Mais que des donneurs de leçons fassent la morale à des gens qui possèdent légitimement la carte mais dont le handicap est invisible, c'est tout aussi inadmissible et devient vraiment pénible", lâche-t-il avec une pointe de colère perceptible, via notre bouton orange Alertez-nous.
Des problèmes au niveau de la colonne vertébrale
Gilles déclare souffrir depuis la naissance d’un handicap invisible car il ne se voit pas. "J’ai un problème au dos. J'ai une vertèbre qui est cassée au niveau du coccyx. Cela provoque beaucoup de douleurs quand je suis debout, même parfois assis. Je ne peux donc pas rester debout très longtemps sans ressentir des douleurs parfois violentes", confie le quadragénaire.
Sa pathologie se nomme un spondylolisthésis avec spina-bifida. Le docteur Jean-Paul Engelbeen nous explique ce que cela signifie : "Le spondylolisthésis, c'est une vertèbre qui avance par rapport à l'autre, dans l'alignement de la colonne vertébrale. Le spina-bifida, c'est une malformation de naissance qui fait que l'arrière de la vertèbre ne se soude pas bien", indique ce rhumatologue bruxellois.
(c) Rachis.paris
"Une mobilité anormale peut expliquer ce genre de douleurs"
Quelles sont les conséquences ? Certains patients ont un spondylolisthésis lié à une anormalité de croissance qui est stable. Il ne cause donc pas de réels problèmes. Mais d'autres peuvent ressentir une douleur chronique au dos. Chaque cas est différent. "En médecine, on travaille à la carte, pas au menu. En tout cas, de telles douleurs sont possibles puisqu'il s'agit d'un problème mécanique. Il faut évidemment voir la personne en question, examiner ses radiographies de la colonne vertébrale pour vérifier si une vertèbre bouge par rapport à l'autre. On regarde s'il y a une mobilité anormale qui pourrait expliquer ce genre de douleurs", explique le docteur Engelbeen.
Je ne peux pas plier le dos et je dois éviter certains sports
Pour Gilles, cette pathologie lombaire a des répercussions sur sa façon de bouger et de se déplacer. Il est obligé d'être vigilant pour éviter de souffrir. "Je dois éviter les mouvements trop brusques et si je dois m’abaisser, je dois plier les genoux car je ne peux pas plier le dos parce que c’est très dangereux pour moi", indique le Bruxellois. "Je ne peux pas faire certains sports comme le vélo par exemple", ajoute-t-il.
Est-ce possible de traiter ce trouble de la colonne vertébrale ou en tout cas d’en atténuer les effets ? "Une opération est possible mais il y a des risques que je termine en chaise roulante. Et je n’ai pas envie de les prendre", confie Gilles. A l’adolescence, il a utilisé un lombostat, une ceinture pour maintenir son dos. Il a également fait des exercices de musculation pour renforcer son dos.
Il détient une carte de stationnement pour personnes handicapées
Etant donné son état de santé, le Bruxellois bénéficie d’une carte de stationnement pour les personnes handicapées."Aujourd'hui, il n'est pas si facile d'acquérir cette carte. C'est essentiellement quand on a un sérieux problème au niveau des membres inférieurs et que l'on ne peut pas se déplacer. Ici, dans le contexte, s'il crève de mal dès qu'il est debout, il ne peut pas beaucoup marcher. Cela ne me semble dès lors pas illogique qu'il possède une telle carte", souligne le docteur Engelbeen.
Gilles possède d'ailleurs aussi une carte européenne pour les personnes handicapées et une carte de priorité place assise de la SNCB pour les voyageurs qui ne peuvent rester debout pour raison médicale. "J’ai découvert l’existence de cette carte par hasard l’été dernier. J’ai pris le train un jour à Namur et il n’y avait plus de places en seconde classe. Du coup, je me suis installé en première classe et la contrôleuse m’a expliqué qu’il existe ce type de carte. Elle a donc fait bouger les autres mais moi j’ai pu rester", se souvient Gilles.
"Le souci, c’est que mon handicap ne se voit pas. Et, comble de la malchance, je suis un homme d’âge moyen à l’apparence "normale". Je n’ai donc pas le droit d’être handicapé aux yeux de la majorité des gens. Je ne vais pas quand même gémir à tout va comme certains le font, j'ai encore ma dignité", souligne le Bruxellois.
On me fusille du regard comme si j’avais commis un crime, comme si j’étais un salopard
Le quadragénaire assure subir régulièrement des remarques désobligeantes et méprisantes à son égard. "Par exemple, je me stationne sur une place handicapée puisque j’ai le droit de le faire. Personnellement, j’essaie d’éviter s’il y a d’autres places ailleurs mais quand il n’y a pas moyen, je le fais. Et il y a souvent des gens qui me regardent de travers, qui me font des remarques du genre : "Vous n’avez pas honte ! Je vais vous signaler à la police, vous avez volé une carte, ce n’est pas possible vous avez l’air tout à fait bien. J’ai pris votre numéro de plaque". On me fusille du regard comme si j’avais commis un crime, comme si j’étais un salopard", souffle le Bruxellois.
Dans les transports en commun, il assure être confronté au même problème."Combien de fois m'a-t-on déjà fait la réflexion que je devais céder ma place à d'autres? Parce que bien sûr, c'est à moi qu'on s'adresse, moi l'homme qui a l'air solide. Pas à la jeune femme au téléphone à côté. Combien de fois ai-je déjà dû devoir me justifier car par défaut, ayant un handicap invisible, je suis le sale type de base", déplore-t-il.
"C'est vraiment pénible de subir la méchanceté des ignorants"
Cette situation l’affecte énormément: "C’est très désagréable. C'est vraiment pénible aussi, vous savez? Avoir déjà un handicap et en plus devoir subir la méchanceté des ignorants qui jugent les autres sans savoir".
En témoignant, Gilles espère ainsi éveiller un peu les consciences et rappeler qu’il ne faut pas juger quelqu’un sur son apparence. "Malheureusement, c’est vrai qu’il y a des gens qui abusent mais ce qui m’interpelle c’est quand une personne accuse une autre sans preuve et sans la connaître. On émet des jugements directement et on ne prend pas le temps de discuter, de vérifier les choses", regrette le quadragénaire.
Sur les réseaux sociaux, les choses s’enflamment et on peut détruire la vie de quelqu’un
Et l’utilisation des réseaux sociaux nuit davantage à la réputation d’une personne. "On prend une vidéo ou une photo d’une situation, on la poste en criant "scandale" puis cela se propage. Sur les réseaux sociaux, les choses s’enflamment et on peut détruire la vie de quelqu’un", assure Gilles qui pense à un exemple concret.
"Imaginons que moi je me mette sur une place handicapée. Il y a quelqu’un avec son GSM qui me filme. J’ai l’air tout à fait normal. Il publie ça sur les réseaux sociaux, ça se partage et moi ma réputation… Et on n'efface pas, il reste toujours une trace sur internet et, dans l’esprit des gens, il y a toujours un doute", assure-t-il.