Jean-Marc, Dominique et leurs deux enfants ont quitté Dinant et le métro-boulot-dodo pour la région francophone du Canada. Ils y sont depuis trois mois. Quelles différences perçoivent-ils ?
Des dizaines de milliers d’emplois sont à pourvoir dans la ville de Québec et ses environs. Mais la main d’œuvre manque. Pour une majorité des entreprises de la région, la recherche de personnel qualifié est considérée comme le principal défi des prochaines années. C’est pourquoi la ville a multiplié les missions de recrutement. Elle s’est concentrée sur deux pays : la France et la Belgique, pour la langue et la reconnaissance des diplômes. Dominique, Jean-Marc et leurs deux filles, Camille et Maud, menaient une petite vie tranquille métro-boulot-dodo à Dinant. Ils voulaient changer de vie mais ne savaient pas trop quelle voie prendre. Puis, une de ces missions du Québec est arrivée, installée dans un salon de l’emploi. "J’ai entendu la publicité à la radio sur un salon organisé à Bruxelles, chaque année, par l’ambassade du Canada. On s’est dit, ‘pourquoi pas ?’. Nous voulions changer pour un meilleur endroit et il y a peu d’endroits au monde qui soient meilleurs que la Belgique", explique Jean-Marc.
"Aucun politicien en Belgique n'oserait prendre des mesures impopulaires"
La famille a fait le grand saut. Elle habite la ville de Québec depuis quelques mois maintenant. Jean-Marc y travaille dans l’informatique. A ces nouveaux collègues et voisins, il dit que "la Belgique est comme un couple dont un des deux membres veut divorcer depuis 30 ans… Et qu’il est grandement temps que l’autre membre accepte, peu importe les années de bonheur passées et les transferts d’argent qui ont (eu) lieu dans un sens comme dans l’autre". Notre migrant ne voit guère d’issue et estime qu’il est temps pour nos femmes et hommes politiques de faire preuve de responsabilité. "Le pays est gouverné par des politiciens qui ne pensent qu’à la prochaine législature, et pas à la prochaine génération. Je suis presque persuadé qu’aucun politicien en Belgique n’oserait prendre de mesure impopulaire, peu importe la couleur de son parti", pense-t-il.
En ces temps de crise économique et politique que traverse la Belgique, nous lui avons demandé une comparaison avec son nouveau pays. Avant de se plier à l’exercice, il dresse une introduction en forme d’éloges, tout en précisant que sa vision n’est pas vraiment impartiale, étant arrivé il y a peu de temps. "Québec est réputé pour sa qualité de vie. Et c’est le cas. Semaine de travail de 35 heures, services publics performants, relations humaines enrichissantes. Ici, les relations professionnelles sont plus humaines et respectueuses", écrit-il.
Quelles différences constatez-vous le plan des mentalités entre Québécois et Belges francophones ?
Il y a de profondes différences au niveau mentalité. On parle la même langue, mais on ne pense pas de la même manière. Ils sont positifs, ils ont foi en leurs combats.
Ici, ce sont principalement les actions des gens qui les définissent, pas leurs études. Quand une personne a été vendeur de vélos pendant 7ans, puis travailleur de la construction pendant 3 ans et que finalement il devient assistant chef de projet après avoir passé un diplôme en cours du soir, on dit ici qu’il a de l’expérience et qu’il sait adapter son expérience à son environnement de travail. Un chef n’est pas obligatoirement quelqu’un qui a le même parcours professionnel que ses subordonnés. Cela ne pose aucun problème à un ingénieur d’être dirigé par quelqu’un sans diplôme. Ce n’est pas du tout le cas en Belgique…
Les Québécois ont une conscience collective en ce qui concerne les taxes et impôts. Ils les paient tout en sachant comment elles sont utilisées. Ainsi, s’ils sont mal utilisés, ils se plaignent fortement et agissent pour faire changer les choses. Ici, toutes les dépenses des organismes publics sont accessibles sur Internet. Une autre différence est la vision des gens face aux risques. S’ils ont une idée, ils se lancent.
Le système scolaire ici est basé sur l’aspect positif des choses. Au lieu de sanctionner les erreurs des élèves, on soulève leurs réalisations. Cette vision est aussi présente dans les relations de travail.
Il y a moins de pollution ici. Les canettes et bouteilles en plastique sont consignées donc quasi inexistantes dans les caniveaux.
Ici, il y a un gouvernement… (juste pour rire)
Trouve-t-on facilement du boulot à Québec ?
Oui. Le taux de chômage de la ville de Québec, la capitale de la province, est de 4,1% et il s’agit principalement de chômage de courte durée. Dans les restaurants, les magasins, on peut voir des pancartes indiquant qu’ils recherchent du personnel. Rien que pour la ville de Québec, il y a eu 854 emplois publiés sur le site Emploi-Québec. Or ici, les jobs se trouvent principalement par réseautage. Il se dit que 80% des emplois ne sont pas publiés ou annoncés publiquement.
Le système de sécurité sociale canadien est-il plus proche du système américain ou du système européen ?
Le système canadien est proche du système européen. Il existe un revenu salarial minimum, (9,5$ / h). Il y a un équivalent du CPAS, l’aide sociale. Quant aux services de santé, ils sont gratuits. Ça ne coûte rien d’aller chez le médecin. Les immigrants qui arrivent ont un délai de carence de 3 mois avant de pouvoir bénéficier de ces services gratuits. Si vous allez aux urgences pendant ces 3 mois, préparez-vous à sortir les dollars. L’hôpital près de chez nous demande 500$ de caution avant même de vous demander ce que vous avez… Il existe des assurances spéciales pour les immigrants disponibles chez tous les bons assureurs québécois.
Le préavis lors d’un licenciement est de 2 semaines. Une semaine en cas de démission. Ce qui donne une grande mobilité, limite le sentiment d’appartenance de l’employé par rapport à l’employeur. Les gens n’hésitent pas à quitter leur employeur si le travail ne leur convient pas. L’employeur fournira de l’aide à l’employé qui désire un autre travail. En Belgique, quelqu’un qui a 6 mois de préavis ne quitterait jamais son emploi. (Sans parler de ceux qui ont plusieurs années de préavis).
Le système social est financé par de l’impôt prélevé à la source à chaque paie. Je ne connais pas les charges sociales et taxes pour l’employeur sur le salaire de l’employé. Il paraît que les USA prennent les Canadiens pour des communistes vu leur système social.
Le tableau est idyllique et peut donner envie de franchir l’océan atlantique. Mais répétons-le, Jean-Marc n’est là que depuis quelques mois et, comme il nous l’a écrit, sa vision n’est « pas vraiment impartiale. »