Touché par une maladie qui détruit son stock de globules rouges, Christophe vit dans un état d’épuisement permanent. Une situation appelée à empirer et qu’il ne peut plus supporter.
Christophe est si affaibli qu'il s'attend à mourir dans un an, deux ans, "peut-être même demain", dit-il. Ce père de 4 enfants souffre d’une maladie sanguine rare : l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN), une affection dégénérative. Le remboursement d'un traitement fort coûteux lui ayant été refusé, le jeune homme suit actuellement la démarche qui lui permettrait de se faire euthanasier. L'un de ses amis nous a contacté via notre bouton orange Alertez-nous pour "l'aider à obtenir son traitement", car lui, "a baissé les bras".
Aucun signe avant-coureur jusqu'à ce qu'il tombe dans le coma
La maladie s'est déclarée lorsqu'il avait 17 ans. Christophe n'a rien vu venir. "Une fois j'ai été rejoindre ma mère à son travail, au palais des expositions. J'ai commencé à m'affaiblir. Je me suis dirigé vers les toilettes et je suis tombé dans un coma profond", raconte-t-il. Pendant son coma, Christophe a subi des examens au CHU de Charleroi. Dans un premier temps, les symptômes ont mis les docteurs sur la piste d'une leucémie. Puis les analyses demandées par un hématologue ont permis de diagnostiquer l’HPN.
Il s'agit d'une maladie génétique dont la cause est inconnue. Elle est caractérisée par des poussées nocturnes de destruction des globules rouges. "Une atteinte génétique d’une cellule dans la moelle osseuse va mener à la production de protéines qui vont se fixer sur les globules rouges sanguins, ceux-ci vont alors être reconnus comme 'étrangers' par l’organisme et donc être détruits, c’est l’hémolyse", explique le Docteur Triffet, médecin chef de service en Oncologie – Hématologie du CHU de Charleroi. "L’espérance de vie est environ de 5 à 20 ans", ajoute la spécialiste.
Une vie professionnelle aussi précoce que brève
À cette époque, Christophe travaillait déjà, en tant qu'apprenti en métallurgie chez Duferco. Au début, les malaises sont revenus pendant un an, environ une fois par semaine. Puis, ils se sont espacés. "Je m’habituais à la maladie. Je vivais fatigué mais ça allait, je résistais", confie-t-il. Le Dr Triffet égrène les symptômes de cette maladie : fatigue liée au déficit de globules rouges, impuissance, poussées souvent nocturnes de douleurs abdominales et d’hématurie [Ndlr, sang dans les urines], thromboses inexpliquées.
Christophe a expliqué à son employeur qu'il était malade. Régulièrement atteint de malaises nécessitant une hospitalisation, il a commencé à s'absenter. Les certificats se multipliaient. "Parfois, sur un mois je ratais 15 jours", se souvient-il. Christophe déclare avoir finalement été licencié.
"Mes enfants n’ont pas eu un papa actif"
"La maladie m'a bloqué un peu dans tout", constate-t-il. Cela ne l’a néanmoins pas empêché d'avoir 4 enfants avec sa compagne. "Au début, on peut vivre un peu normalement", explique le jeune homme. Mais sa fatigue constante ne lui permettait pas de profiter réellement d'une "vie de famille", précise-t-il. "Mes enfants n’ont pas eu un papa actif", regrette Christophe. Ses enfants se sont habitués à lui rendre visite à l’hôpital. "Les infirmières les connaissent depuis qu’ils sont tout petits", note-t-il.
Des traitements inaccessibles
En quoi consiste sa prise en charge ? "De l'hydratation, des traitements antalgiques. C'est principalement ça depuis le début de sa maladie", explique le Docteur Triffet. Les traitements qui permettraient une amélioration durable de son état de santé restent inaccessibles. Il s'agit "soit d'une greffe, soit d'un traitement anticorps monoclonaux tels que Soliris", indique la spécialiste.
Pour la greffe de moelle osseuse, il faut un donneur compatible : "Ils ont cherché avec ma sœur, mon frère, mes parents... mais personne ne l'était", raconte Christophe. Quant au traitement Soliris, il ne répond pas aux critères requis par la mutuelle pour le remboursement de ce traitement extrêmement coûteux. Il considère que les pouvoirs publics "laissent les gens mourir en Belgique". "À chaque fois, ils demandent des critères en plus. Ils ont une liste et voilà", constate-t-il. "Ça ne me sauverait pas mais ça pourrait me faire vivre une dizaine d'années en plus avec mes enfants", estime le jeune homme. "Ce qui me fait vraiment mal au cœur c'est que je sais qu’ils vont me perdre", confie-t-il.
"Quand il s'agit de médicaments qu'on appelle 'orphelins', ça passe d'abord par la mutuelle", indique le Dr Triffet. Elle décrit un système binaire qui ne laisse pas de place à la discussion : "Le patient rentre dans les cases 'oui' ou 'non', c'est pas plus compliqué que ça. Si c'est oui, ils envoient la demande au collège de médecins où il y a 4 médecins : 2 Flamands, 2 francophones qui voient si le patient peut bénéficier du remboursement ou pas", explique-t-elle. Mais le cas de Christophe n'est pas allé jusqu'au collège, précise-t-elle.
6 mois de traitement Soliris coûtent environ 50.000 euros. "Depuis son entrée au remboursement, pour chacune des 2 grandes indications (hémoglobinurie paroxystique nocturne, syndrome hémolytique et urémique atypique), une soixante de patients ont bénéficié du remboursement", indique Sandrine Bingen, de la cellule de la communication de l'Inami. "A titre d’exemple, en 2018, 29 patients ont bénéficié du remboursement", précise-t-elle.
Des symptômes qui s’aggravent inexorablement
Sans traitement, la maladie a fatalement gagné du terrain. "Tous les matins, quand je me réveille, mon urine est noire comme du café", raconte Christophe. La couleur sombre des urines, "couleur porto", fait effectivement partie des symptômes de la maladie, note le Dr Triffet. "Car il y a de la bilirubine dans les urines", explique-t-elle.
Fatigue, chutes, malaises, thromboses… le père de famille a vu son état général se dégrader peu à peu. "Tout est mal oxygéné, donc on est essoufflé pour un rien. On ne sait vraiment rien faire. C'est de la fièvre, on a du mal à avaler, on attrape des ganglions un peu partout. Les glandes lymphatiques deviennent gonflées. Le foie est fort attaqué. Ça attaque tous les organes vitaux", raconte-t-il. "On a toujours mal pour rien du tout, même quand on ne fait rien", ajoute-t-il.
Aujourd’hui, Christophe vit seul. Il s’est séparé de la mère de ses enfants il y a deux ans, "pour lui rendre sa liberté", dit-il. "J’étais plus trop présent, je dormais tout le temps. C’était toujours les hôpitaux… C’est fatigant pour une fille comme elle", confie-t-il.
"Je vis comme dans une prison"
Christophe se sent si faible qu’il ne sort plus de chez lui. "Chaque fois que je suis sorti j’attrapais un microbe", explique-t-il. "Je suis chez moi, je fais du rangement, je regarde la télévision, je me fais à manger", poursuit-il. Ses enfants lui rendent visite le week-end, toujours en présence de ses parents. "Si je fais un coma que je tombe par terre, c’est pas ma petite fille de 4 ans, mon fils de 10 ans, les plus petits qui ont 7 et 6 ans, qui peuvent appeler une ambulance", explique-t-il.
En dehors de ces visites, Christophe ne trouve plus plaisir à rien. "Je vis comme dans une prison", déplore-t-il. Cette maladie dégénérative le privant de toute perspective, il a commencé à penser à l’euthanasie, il y a trois ans. Depuis un an, il s’est lancé dans les démarches qui lui autoriseraient cette aide médicale pour mourir. "Je dors tout le temps. C’est pour ça que j’attends l’euthanasie. J’attends la réponse… parce que si c’est pour vivre comme ça… comme un légume", soupire-t-il.
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