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Imadeddine a utilisé le bouton orange Alertez-nous pour partager le quotidien compliqué de sa famille, le quotidien d’une famille dont l’un des membres souffre d’un handicap. Son frère de 19 ans, Ali, est handicapé mental et physique. "Il va dans une école spécialisée, là tout se passe très bien, mais à la maison c’est autre chose", confie Imadeddine. Il y a quatre ans, Ali a été opéré aux genoux. "Il avait déjà des problèmes pour se déplacer mais depuis son opération, il ne marche plus. Il est en chaise roulante", explique le jeune homme.
Avec son grand frère, sa petite sœur et ses parents, Ali vit dans un duplex loué au fonds du logement à Schaerbeek mais les trois chambres ainsi que la salle de bain se situent à l’étage, ce qui complique très fortement les conditions de vie du foyer. "Ali dort dans le salon, à côté de la cuisine. Il pèse 90 kilos. Je dois le porter pour le faire monter, si ce n’est pas moi qui le fait, ce sont mes parents qui commencent à devenir vieux", détaille Imadeddine : "Moi, je ne sais pas être tout le temps à la maison mais ça me fait du mal de voir ma mère essayer de le porter".
Le jeune homme de 25 ans espère trouver une solution pour sa famille : "Cela fait bientôt 10 ans que l’on attend un logement adéquat. Mais, ça n’aboutit à rien malheureusement."
A Bruxelles, près de 46.000 foyers étaient toujours en attente d’un logement social, au 31 décembre 2018, d’après des chiffres de la SLRB, la Société du Logement de la Région bruxelloise. L’attribution d’une habitation accessible aux revenus modestes prend souvent plusieurs années et les choses sont encore plus difficiles pour les personnes à mobilité réduite.
Nous n’avons qu’un seul logement PMR de cette taille, à Saint-Gilles, et il est occupé
46.000 foyers en attente d'un logement social
La famille d’Imadeddine vit dans un appartement géré par le Fonds du logement à Schaerbeek. Elle souhaiterait vivre dans un appartement adapté au handicap d’Ali, à savoir une habitation où sa chambre et la salle de bain sont au moins accessibles, sans devoir emprunter des escaliers. Le Fonds du logement de la région de Bruxelles-Capitale n’est pas une société de logements sociaux à proprement parler mais elle met notamment en location des logements pour un public ayant des revenus faibles.
Contacté, le Fonds nous explique que la famille est candidate à une mutation, depuis le 31 juillet 2018. Celle-ci a introduit une demande pour être transférée dans un logement PMR (soit accessible aux personnes à mobilité réduite) de quatre chambres à Bruxelles.
Le problème, nous indique le Fonds du logement, "c’est que nous n’avons qu’un seul logement PMR de cette taille, à Saint-Gilles, et qu’il est occupé". La famille d’Ali est donc sur liste d’attente. En 2018, le Fonds a reçu 15 nouvelles demandes de mutation vers un logement adapté à la situation médicale des locataires. En tout, 68 foyers sont en attente d’un transfert pour cette raison.
A noter que la situation des logements dits PMR du Fonds est un petit peu paradoxale. Il y a peu d’habitations de ce type : sur les nouvelles constructions lancées entre 2015 et 2021 sur Bruxelles, 12 locations sur 478 répondent ou répondront aux critères d’accessibilité.
Le paradoxe: des logements PMR sont occupés par des personnes valides
Le rapport annuel de 2018 nous apprend en outre que "pour certains candidats, le Fonds ne dispose pas dans son patrimoine d’un logement adapté, alors même que des habitations PMR de son patrimoine ne trouvent pas de candidats". L’offre du Fonds porte surtout sur des appartements de 1 à 2 chambres. Et les demandes de mutation concernent principalement des logements PMR de 3 et 5 chambres. Autrement dit, malgré la forte demande, certains logements accessibles doivent donc être occupés par des personnes valides.
Les candidatures doivent répondre à certaines conditions, notamment de revenus en fonction de la composition du ménage et d’ancienneté. Une priorité est accordée aux dossiers introduits pour raisons de santé, comme dans le cas qui nous préoccupe. Malgré cela, les chances d’obtenir rapidement un logement répondant aux critères sont très minces, car il y a de très nombreuses demandes et celles-ci sont même en augmentation.
Fin 2018, il y avait 3.409 candidats-locataires inscrits au registre du Fonds du logement. L’année dernière, 1.980 nouvelles demandes ont été comptabilisées, contre 1.631 en 2017.
La famille est également inscrite depuis le 09 mai 2008 au Foyer schaerbeekois, société immobilière de service public qui gère des logements sociaux dans la commune bruxelloise. Comme pour le Fonds du logement, les demandes sont classées en fonction de différents critères de priorité, les revenus du ménage et l'ancienneté sont notamment pris en compte. Le dossier de la famille bénéficie en ce moment de 24 points. "A ce jour, 30 points de priorité sont nécessaires pour ce type de logement au Foyer schaerbeekois, en vue d’une attribution", précise Pascal Vertonghen, le directeur du Foyer. Et là aussi, le délai est… "excessivement long. Nous avons 15.000 candidatures en attente", souligne encore le directeur.
Le Foyer possède actuellement 10 logements adaptés PMR sur 2.500. Une dizaine supplémentaire sera aménagée dans les deux années qui suivent.
Existe-t-il d’autres solutions pour cette famille ?
Les candidats ont la possibilité d’introduire des demandes dans différentes SISP, les 16 sociétés immobilières de service public. Cela peut augmenter les chances d’obtenir un logement, mais les délais d’attente pour les logements sociaux sont très longs partout à Bruxelles : plus de 9 ans en général. Il y a aussi le système de l’inscription multiple : un candidat-locataire qui s’est inscrit auprès d’une société est en même temps valablement inscrit auprès de toutes les autres SISP de son choix.
Pour gagner un peu de temps, la famille d’Ali ne pourrait-elle pas bénéficier d’une mutation dans un logement non adapté mais où toutes les pièces se trouveraient au même étage ? Car leur principale difficulté à l’heure actuelle semble être la présence d’un escalier dans leur logement. La responsable communication du Fonds du logement, Dunia Oumazza, est formelle: "Légalement, ce n’est pas possible. Un logement PMR dispose de zones de dégagement et de tout un tas d’aménagements totalement différents". Le Fonds ne peut donc prendre la décision de proposer un logement non adapté à un ménage dont un membre souffre d’un handicap. En revanche, les candidats peuvent eux-mêmes faire une demande en ce sens.
"Ils doivent bien avoir conscience que les aménagements ‘classiques’ peuvent être pénalisants pour eux. Mais c’est une solution à envisager avec leur gestionnaire de dossier", insiste Dunia Oumazza qui confie aussi "qu’il y a des témoignages qui font mal au cœur."