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De sa position culminante sur la citadelle, la tortue de Jan Fabre surplombe Namur. L’œuvre est bien connue des habitants. Elle a été achetée il y a 7 ans, pour une somme de 450.000€. Et via un appel aux dons, des particuliers Namurois ont participé à près de la moitié de l’achat.
Mais depuis la condamnation du plasticien et chorégraphe de 63 ans pour "harcèlement ou harcèlement sexuel au travail", la question se pose : faut-il retirer la statue qui surplombe Namur ?
Et les avis sont partagés... "Ah mais non, ça va coûter cher de déplacer ça. C'est joli", nous dit un habitant. "Ça fait partie du décor. Ici à Namur tout le monde la connaît donc je ne vois pas l'intérêt de la retirer", lance un autre. "Ça ne change rien. Sinon on devrait arrêter tous les films de personnes qui ont été aussi condamnées", estime une habitante. Mais pour cette autre Namuroise, laisser l'œuvre de Jan Fabre reviendrait à banaliser ces actes: "Ça reste de l'art mais en même temps c'est aussi encourager ce genre de dérives".
Pour le collectif féministe "Badass", la réponse est claire. La tortue ne doit plus occuper cette position dominante. "Pour nous, c'est la position symbolique qu'à cette statue, elle est visible de partout dans Namur. Et pour nous, c'est vraiment problématique parce que c'est un crachat à la figure de toutes les victimes de violence, harcèlement sexuel, etc, de Namur mais aussi d'ailleurs. Pour nous, c'est vraiment important qu'elle quitte cet espace-là", explique Hélène Jane-Aluja, membre du collectif Badass.
La statue pourrait par exemple être exposée dans un musée. Mais c’est inenvisageable pour le bourgmestre. "Mon souhait n'est pas de la déplacer. C'est l'homme qui a été condamné, c'est l'homme qui a foiré, c'est l'homme qui doit assumer. Ce n'est pas son œuvre artistique qui a été jugée par le tribunal. Et donc, je pense que l'on doit distinguer les deux", estime Maxime Prévot, bourgmestre de Namur.
Mais pour Hélène Jane-Aluja, il serait en réalité plus compliqué de distinguer l'homme de l'œuvre : "La statue représente l'artiste donc c'est juste impossible de séparer l'homme de l'oeuvre. Et puis surtout, parce que les accusations qui ont eu lieu contre Jan Fabre se basent justement sur son processus de création artistique", avance-t-elle.
Le 25 mars, au premier jour du procès de Jan Fabre, le Flamand avait été dépeint, dans les témoignages de plusieurs danseuses, comme un homme tyrannique lors des répétitions, humiliant régulièrement ses collaboratrices et ayant même pratiqué sur certaines d'entre elles un chantage à caractère sexuel. Plusieurs victimes présumées ont raconté des séances photo à caractère érotique dirigées par le chorégraphe, sous le "faux prétexte" d'une publication dans une revue artistique. Certaines séances se terminaient par des rapports sexuels.
Le collectif Badass a déjà réalisé plusieurs actions pour exiger de retirer cette tortue de bronze, et envisage d’en effectuer d’autres afin de maintenir la pression sur les autorités politiques.