Poursuivie par la police depuis Namur sur l'E19/E42, une camionnette a été interceptée, jeudi matin, à Mons. Le véhicule transportait une trentaine de migrants. Dans cette camionnette, les services de secours ont trouvé une fillette âgée de deux ans. L'enfant est décédé lors de son transfert en milieu hospitalier. Elle a été atteinte par une balle. L'enquête devra déterminer si c'est un policier qui en est à l'origine. Le chauffeur de la camionnette, lui, reste introuvable. Il pourrait s'être glissé parmi les migrants à l'arrière du véhicule.
Née le 14 avril 2016, âgée de deux ans, la victime était vivante lorsque les forces de l'ordre ont intercepté, vers 03h00 du matin, cette camionnette le long de l'autoroute à Maisières. C’est bien une balle perdue qui a tué la fillette kurde lors de la course-poursuite sur l’autoroute E42. Hier, jeudi, le parquet affirmait que l’enfant ne présentait pas de blessure par balle. L’autopsie a révélé que la fillette était décédée à cause d’une balle entrée au niveau de la joue.
On ignore pour l'instant si le coup de feu a été tiré par un policier ou par un tiers. "Une enquête devra le déterminer", a indiqué Frédéric Bariseau, substitut du procureur du roi de Tournai, lors d'une conférence de presse ce vendredi après-midi. Une enquête du Comité P, la police des polices, est en cours. L'examen des douilles est en cours afin d'identifier l'arme et donc le tireur. La camionnette comportait 26 adultes et 4 enfants.
Le chauffeur a disparu
Jeudi matin sur un parking d’autoroute près de Namur, les policiers sont interpellés par une camionnette. Leur attention est attirée par les plaques d’immatriculation qui ne correspondent pas aux normes. Le véhicule est pris en chasse. Une première tentative d’interpellation a lieu à Sambreville. Le véhicule s’arrête avant de reprendre la fuite. Le chauffeur du véhicule va tenter à plusieurs reprises de provoquer des accidents sur la route afin de procéder à une diversion. Après environ une heure de course-poursuite et l’appel de renforts des services de polices, la camionnette va finir sa course sur un parking d’autoroute près de Mons. A l'arrivée des policiers, le chauffeur n'était plus derrière le volant. Il pourrait s’être glissé parmi les migrants à l’arrière du véhicule pour éviter toutes les poursuites judiciaires dues à son rôle de passeur. Autre hypothèse, il se serait enfui à pieds. L’enquête devra le déterminer.
Mauvaise communication du parquet jeudi
Ces premières conclusions d'autopsie infirment les premiers éléments transmis jeudi après-midi par le parquet de Tournai concernant l'éventuelle implication des policiers dans le décès de l'enfant. Le parquet avait déclaré que le Comité P était descendu sur les lieux et n'avait rien relevé d'anormal dans le chef de l'intervention des policiers. Le comité P a cependant nié, vendredi matin, avoir à ce moment-là déjà enquêté sur une éventuelle responsabilité des policiers dans le cadre de l'interception. Son Service d'enquêtes "n'a été saisi des faits qu'en début de soirée par un juge d'instruction, n'ayant auparavant reçu aucun devoir d'enquête de la part des autorités judiciaires". Reste maintenant à savoir si la balle qui a tué la fillette a été tirée par la police.
A bord d'une quinzaine de véhicules, une trentaine de policiers ont participé à cette course-poursuite qui a démarré dans la région de Namur. Le comportement suspect de cette camionnette est à l'origine de cette course-poursuite. La police de la route avait tenté de contrôler la camionnette, mais le conducteur avait forcé le passage et filé en direction de Mons.
Le conducteur a foncé à plusieurs reprises dans les voitures des forces de l'ordre
Alertés par leurs collègues, une trentaine de policiers ont pris en chasse le véhicule suspect. Sur 70 kilomètres, le conducteur a foncé à plusieurs reprises dans les voitures des forces de l'ordre et a jeté des objets sur la route. C'est à ce moment-là que la fillette aurait été utilisée comme bouclier. Certaines sources indiquent qu'elle a été exhibée pour ralentir les policiers, elle a également pu servir de bouclier humain pour que les policiers ne tirent plus sur le véhicule.
Manifestation en France, d'où venait la fillette
La famille de la fillette décédée, d’origine kurde, vit au camp de Grande-Synthe, dans la périphérie de Dunkerque. Une soixantaine de migrants de ce camp, dont des femmes et des enfants, ont manifesté sur l’autoroute A16 suite au décès de la petite fille. "Nous sommes arrivés pour la distribution [de nourriture, ndlr] comme tous les midis, mais il n’y avait presque personne, toutes les familles étaient sur l’autoroute. On nous a alors expliqué qu’une camionnette de passeurs avait emmené hier soir 25 personnes au moins. La police belge a voulu les interpeller, le passeur ne s’est pas arrêté, comme souvent, et les policiers ont tiré sur la camionnette, et auraient tué le bébé de 18 mois", a expliqué Claire Millot, bénévole à Salam Dunkerque, à nos confrères de Libération.
Selon cette bénévole, exhiber un enfant lors d’une course-poursuite avec la police est une pratique fréquente pour dissuader les forces de l’ordre de pourchasser le véhicule.
"Ils ont fait leur travail et doivent combattre chaque jour le trafic d'êtres humains"
Depuis ce matin, des hommes politiques ont commencé à s'exprimer quant à cette course-poursuite mortelle. Jan Jambon, ministre de l'Intérieur, a témoigné de sa sympathie aux victimes de l'incident ainsi qu'aux policiers. "Ils ont fait leur travail et doivent combattre chaque jour le trafic d'êtres humains", a-t-il ajouté à propos des seconds. Dans l'attente des constats définitifs du parquet, le ministre n'a pas fait de commentaire sur les circonstances qui ont mené à la mort de la fillette de deux ans.
"C'est le résultat de la fuite en avant d'une politique de plus en plus répressive", a réagi vendredi la co-présidente d'Ecolo Zakia Khattabi. "Pour nous, la responsabilité politique est clairement engagée", a-t-elle insisté. "Je veux dire toute notre sympathie à la famille de la victime. C'est d'abord à eux que je pense. Mais après l'émotion, vient la colère", a déclaré à Belga Mme Khattabi. "Nous exigeons que toute la lumière soit faite et que les responsabilités politiques soient prises", réclame la co-présidente d'Ecolo. "Le slogan d'une politique (d'immigration) ferme et humaine ne tient plus. On ne se contentera pas d'un recadrage. Certains ont démissionné pour moins que ça, même si on n'en est pas encore là", a conclu l'écologiste.
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