Partager:
La principale organisation marocaine de défense des droits humains a réclamé une enquête samedi. La demande survient au lendemain de la tentative d'entrée de près de 2.000 migrants subsahariens dans l'enclave espagnole de Melilla durant laquelle 23 personnes ont péri, une "tragédie" sans précédent au Maroc. "Nous appelons à l'ouverture d'une enquête rapide et transparente", a déclaré à l'AFP Mohamed Amine Abidar, le président de la section de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) à Nador, dans le nord du Maroc.
Le bilan devrait s'alourdir
Selon un dernier bilan des autorités locales marocaines, 23 migrants en situation irrégulière ont trouvé la mort vendredi lors de la tentative d'entrée de près de 2.000 migrants dans Melilla, un énième drame migratoire aux portes de l'Union européenne (UE). Treize d'entre eux grièvement blessés ont succombé à leurs blessures, a indiqué vendredi soir à l'AFP une source des autorités de la province de Nador.
Les victimes ont trouvé la mort "dans des bousculades et en chutant de la clôture de fer" qui sépare l'enclave espagnole du territoire marocain, lors d'"un assaut marqué par l'usage de méthodes très violentes de la part des migrants", a souligné la même source.
Ce bilan de 23 morts, qui n'est que provisoire, est (de très loin) le plus meurtrier jamais enregistré lors des nombreuses tentatives de migrants subsahariens de pénétrer à Melilla et dans l'autre espagnole de Ceuta, qui constituent les seules frontières de l'UE avec le continent africain.
Par ailleurs, 140 membres des forces de l'ordre ont été blessés, dont cinq grièvement.
En outre, 130 migrants sont parvenus à entrer vendredi à Melilla depuis le Maroc. Un seul d'entre eux reste hospitalisé, selon des sources de la préfecture espagnole.
L'Espagne accuse le Maroc et les "mafias"
Le Premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sánchez, a décrit ce drame comme un "assaut (...) violent et organisé de la part de mafias qui se livrent au trafic d'êtres humains, contre une ville qui est un territoire espagnol". "Par conséquent, il s'est agi d'une attaque contre l'intégrité territoriale de notre pays", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse à Madrid.
Côté espagnol, Eduardo de Castro, le président de l'enclave de Melilla, la plus haute autorité politique de cette ville autonome, a dénoncé une "réponse disproportionnée" du Maroc à la tentative de passage en force des clandestins.
De nombreux témoignages mettaient en avant la violence de part et d'autre lors des évènements de vendredi. "C'est la tentative" d'entrer à Melilla "la plus violente que j'ai jamais vu", a confié à l'AFP Rachid Nerjjari, serveur dans un café situé en face de la clôture qui marque la frontière dans le quartier marocain de Barrio Chino. Il a assuré avoir vu "des migrants armés de bâtons et de barres de fer, une première dans la région".
L'action des forces de sécurité marocaines pour empêcher ces quelque 2.000 migrants de pénétrer à Melilla suscitait également de nombreuses interrogations.
Le calme est revenu samedi à Nador, cité limitrophe de l'enclave espagnole, ainsi qu'aux alentours de la haute clôture de fer qui sépare le territoire marocain de Melilla, selon des journalistes de l'AFP. Il n'y a aucune trace de migrants en ville. Selon M. Abidar, "ils se seraient éloignés de peur d'être déplacés par les autorités marocaines", généralement vers le sud du pays. Un témoin a vu plusieurs bus transportant des migrants hors de Nador.
La situation était aussi calme du côté espagnol de la clôture de Melilla, selon des images de la chaîne publique TVE, qui montraient des ouvriers en train de réparer les dégâts de la barrière. "Nous regrettons ce drame humanitaire, avec ces images, qui viennent du Maroc. Ce qui se passe est vraiment barbare", a déploré M. de Castro. "Ces (migrants) subsahariens envahissent un territoire de manière violente, ce n'est pas la première fois, mais le Maroc doit avoir une certaine proportionnalité", a plaidé le président de Melilla.
Demande d'une enquête internationale
L'ONG Caminando Fronteras, spécialiste des migrations entre l'Afrique et l'Espagne, a exigé samedi dans un communiqué "l'ouverture immédiate d'une enquête judiciaire indépendante du côté marocain comme espagnol, ainsi qu'au niveau international pour faire toute la lumière sur ce drame humain".
Situées sur la côte nord du Maroc, Melilla et l'autre enclave espagnole de Ceuta sont les seules frontières terrestres de l'UE sur le continent africain et font régulièrement l'objet de tentatives d'entrée de la part de migrants cherchant à rejoindre l'Europe.
Des médias espagnols avaient déjà fait état d'affrontements ces derniers jours entre clandestins et policiers dans la zone frontalière de Melilla.
Selon M. Abidar, de l'Association marocaine des droits de l'Homme, "la cause principale de cette catastrophe est la politique migratoire menée par l'Union europpéenne en coopération avec le Maroc".
Cette tentative d'entrée massive dans l'une des deux enclaves espagnoles est la première depuis la normalisation mi-mars des relations entre Madrid et Rabat, après une brouille diplomatique de près d'un an.
Juste avant la réconciliation entre les deux pays, Melilla avait été le théâtre début mars de plusieurs tentatives d'entrée massives, dont la plus importante jamais enregistrée dans cette enclave avec quelque 2.500 migrants. Près de 500 y étaient parvenus.