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Le pianiste Alexandre Tharaud a trouvé la liberté en disant non

Le pianiste Alexandre Tharaud a trouvé la liberté en disant non
Le pianiste français Alexandre Tharaud pose le 3 juin 2016 à New York, lors d'un entretien avec l'AFPShaun TANDON
 
 

Qu'est-ce qui fait un grand musicien? La passion et la pratique, vous diraient la plupart d'entre eux. Mais le pianiste français Alexandre Tharaud ajouterait un autre élément: savoir prendre une pause.

Tharaud a lui-même pris la décision, rare pour un pianiste classique de son niveau, de ne plus donner de concerts pendant presque un an afin de se consacrer aux très ardues Variations Goldberg, de Bach.

"C'est vraiment important de savoir dire non. Parce que c'est un métier où on peut facilement jouer tout le temps sans s'arrêter, et ça sert à quoi?", a expliqué M. Tharaud dans un entretien à l'AFP lors d'un déplacement à New York.

Libéré de tout engagement public, le pianiste raconte qu'il a pu ainsi passer parfois une journée entière à travailler sur une seule mesure des Variations Goldberg.

Il a pris cette année sabbatique il y a sept ans. Mais loin de la scène, les concerts lui manquaient et le pianiste prévoit donc de prendre des pauses plus courtes à l'avenir.

"Un musicien doit s'arrêter mais en même temps quand il s'arrête, c'est la panique", confie-t-il.

- Pas de piano chez lui -

Autre particularité pour une musicien: Alexandre Tharaud n'a pas de piano à son domicile parisien.

"Un piano, c'est là, c'est lourd, c'est présent et puis ça vous appelle. Quand on est pianiste, on ne peut pas s'empêcher d'aller au clavier. Et voilà, j'ai trouvé vraiment mon équilibre comme ça", dit-il.

A la place, il se déplace dans Paris et demande à ses amis de le laisser jouer sur leurs pianos. Il en a tiré la capacité à s'adapter à de nombreux pianos différents. Une qualité utile car les pianistes ne voyagent jamais avec leur instrument, contrairement aux autres artistes.

"Il faut savoir s'arrêter, et avoir une vie normale. S'arrêter, pour moi, c'est aussi aller acheter du pain, aller dans un bar, voir ses proches", raconte aussi le pianiste.

Ce désir de normalité l'a paradoxalement conduit à maintenir ses concerts après les attaques de Paris en 2015.

- 'Atténuer une douleur' -

Après les attentats du 13 novembre, il a ainsi joué devant une salle comble au Philharmonie de Paris, avec des bougies allumées sur la scène en hommage aux victimes.

Il a aussi joué lors d'une cérémonie officielle avec la soprano Natalie Dessay, interprétant en direct sur les télévisions du monde entier "Perlimpinpin" de la chanteuse française Barbara.

M. Tharaud a expliqué que cette journée lui avait permis d'atteindre un objectif en tant que musicien: se sentir utile. Il a ensuite été invité à rencontrer des familles de victimes mais n'est pas resté, car il ne se sentait pas dans son rôle.

"C'est une petite pommade qu'on pose sur une plaie qui fait mal. (...) Une pommade va juste atténuer la douleur. Mais si je peux juste atténuer une douleur pendant quelque minutes, eh bien je me sens utile", explique-t-il.

Tharaud est sans doute plus connu dans le rôle qu'il a incarné d'un jeune pianiste élève d'une femme dont la santé se détériore, dans le film de Michael Haneke "Amour", lauréat en 2013 de l'Oscar du meilleur film étranger.

Il a repris, depuis sa pause, une vie riche en voyages avec des étapes prévues en juin en Asie. Il était venu en début d'année aux Etats-Unis, où il a joué avec l'orchestre symphonique Atlanta et l'orchestre de Philadelphie ainsi que dans une église à Harlem.

Qualifiant les Variations Goldberg de "dialogue ininterrompu entre l'interprète et l'oeuvre", Tharaud décide souvent de ce qu'il va jouer peu de temps avant le concert. "C'est vraiment une oeuvre qui se vit avec le public et, grâce au public, à chaque concert, elle prend un tout petit peu plus de grandeur. Elle s'élève", note-t-il.

Il confie préférer maintenant explorer d'autres oeuvres que de revisiter les morceaux de Satie ou Rameau pour l'interprétation desquelles il s'est fait connaître.

"Nous pianistes, on a un répertoire gigantesque, on a le répertoire le plus grand des instrumentistes. Et la vie est courte".


 

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