Partager:
Mickaël H. a-t-il perpétré une attaque jihadiste au cœur d'un prestigieux service de renseignement ? La piste de la radicalisation est désormais privilégiée dans l'enquête sur la tuerie à la préfecture de police de Paris, désormais entre les mains du parquet national antiterroriste (Pnat).
L'enquête, diligentée jusqu'alors par le parquet de Paris, a été reprise sous les qualifications d'"assassinat et tentative d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique en relation avec une entreprise terroriste", ainsi que pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle", a indiqué le Pnat vendredi.
Plusieurs éléments recueillis par les enquêteurs ont conduit à accréditer l'hypothèse d'une radicalisation de Mickaël H., l'employé de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) qui a poignardé à mort quatre de ses collègues jeudi, ébranlant le monde policier.
La proximité de cet informaticien de 45 ans, converti à l'islam il y a au moins un an et demi, avec des personnes appartenant à la mouvance salafiste intriguent ainsi les enquêteurs de la Brigade criminelle, selon des sources concordantes.
Selon des sources proches, l'étude de la téléphonie a mis les enquêteurs sur la piste de la préparation d'un acte violent par cet homme employé dans un service, qui avait notamment pour mission le recueil d'information sur la radicalisation jihadiste. Il s'agirait notamment d'échanges de SMS avec son épouse, dont la garde à vue a été prolongée vendredi.
Selon des sources concordantes, il a par ailleurs acheté le couteau de cuisine le jour même de l'attaque, accréditant l'hypothèse d'un acte prémédité.
Peu après l'attaque jeudi, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait pourtant indiqué que cet employé atteint de surdité, en poste à la PP depuis 2003, "n'avait jamais présenté de difficultés comportementales", ni "le moindre signe d'alerte".
Lors d'un point-presse vendredi, le préfet de police Didier Lallement, avait nuancé en assurant "n'exclure strictement aucune hypothèse" pour expliquer ce périple meurtrier dans l'épicentre du pouvoir policier parisien.
Jeudi, entre 12H30 et 13H00, armé d'un couteau de cuisine, Mickaël H. avait blessé mortellement deux policiers et un agent administratif des services de renseignement de la PP, dans des bureaux du bâtiment situé au cœur historique de la capitale.
Il a ensuite tué une policière et blessé une employée des ressources humaines ainsi qu'un autre fonctionnaire, avant d'être abattu par un policier dans la cour de la préfecture.
- "L'un d'entre nous" -
Devant les enquêteurs, l'épouse de l'assaillant a évoqué un "comportement inhabituel et agité" de son mari, la veille de son passage à l'acte, selon une source proche du dossier.
"Cette tragédie est d'autant plus terrible (...) qu'elle a été portée par l'un d'entre nous", a souligné le préfet Lallement, qui a tenté de prévenir toute polémique sur les procédures de contrôle à la PP.
Selon lui, les conditions de sécurité à l'intérieur de la préfecture "sont absolues" et "ne sont pas en cause".
"Comment se fait-il que dans le cœur de la lutte antiterroriste quelqu'un qui est radicalisé, n'a pas été détecté?" interroge toutefois Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat de police Unité-SGP-FO. "Il y a des failles dans notre système", estime-t-il.
Pour la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, sur Twitter, "si la dimension terroriste se confirme, cela signifie que l'un des hauts lieux du renseignement français accueillait, en son sein, un islamiste", dénonçant déjà ce qui serait "un scandale majeur".
Les investigations ont été confiées à la brigade criminelle, la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en co-saisine.
En juin, un rapport parlementaire sur la radicalisation dans les services publics montrait que les cas sont "marginaux" mais qu'il reste des "zones d'ombre". Une trentaine de cas soupçonnés mais pas avérés avaient été recensés (sur 130.000 gendarmes et 150.000 policiers).
Un proche de Mickaël H. a exprimé vendredi à l'AFP son "incompréhension" après le geste de cet ami avec qui il fréquentait la mosquée de Gonesse, dans le Val-d'Oise.
"Il m'a parlé de son manque d'évolution professionnelle, lié à son handicap, il avait un certain complexe", a affirmé cet homme prénommé Adelaziz, secrétaire adjoint de l'association musulmane de Gonesse.
La France est sous la menace jihadiste depuis une vague d'attentats sans précédent qui a débuté en 2015.