Partager:
Nous sommes le 26 août 2017. Un mariage se tient dans la commune de Pont-de-Beauvoisin, un bourg de 2000 âmes. Plus de 180 personnes sont réunies pour célébrer cette union. La soirée bat son plein. Les adultes mangent, dansent et échangent dans une atmosphère conviviale. Sur place, une nourrice est chargée de surveiller les enfants. Des jeux sont organisés.
"J'ai pris mon rôle. Je me suis présentée aux enfants, leur dire que je m'occuperai d'eux pendant toute la soirée, qu'il ne fallait pas avoir peur, que tout allait bien se passer et qu'on allait faire plein de jeux super marrants", se souvenait la jeune femme dans une émission diffusée par Sept à Huit le 16 janvier dernier.
Vers 1h du matin, cette dernière prend congé. La responsabilité des enfants revient désormais aux parents. La fête continue, Maëlys gravite entre la piste de danse et la salle où est organisée le repas. Quand arrive l'heure du dessert, Maëlys se rapproche de sa mère. "Je lui ai fait goûter un chou à la crème. Elle l'a mangé puis elle est vite repartie jouer", expliquait Jennifer chez nos confrères de BFMTV.
Aux alentours de 3h du matin, la cousine du marié s'inquiète de ne plus voir la petite Maëlys. Le DJ passe plusieurs annonces dans lesquelles il explique que l'enfant est recherchée par ses proches. Mais aucune nouvelle. Personne n'a vu la petite. Les recherches commencent. Le périmètre est vaste, la nuit est tombée. Près d'une heure plus tard, la gendarmerie arrive sur place.
D'importants moyens humains sont rapidement déployés. Les abords de la salle sont fouillés avec minutie. Les forces de l'ordre font appel à deux chiens de la brigade cynophile. Mais ces derniers perdent la trace de l'enfant sur le parking de la salle des fêtes. Est-elle partie en voiture ? Qui a-t-elle suivi en pleine nuit ?
Les invités se souviennent que Maëlys a échangé avec un invité. Tous deux ont évoqué leur passion commune autour des chiens. Cet homme s'appelle Nordahl Lelandais et Maëlys l'aurait surnommé "Tonton" au cours de cette soirée. Invité de dernière minute, il a quitté les lieux avant l'arrivée des gendarmes.
Le 28 août 2017, ce dernier est entendu pour la deuxième fois. La veille, la gendarmerie lui a posé quelques questions tout comme au reste des invités. Cette fois, les enquêteurs tentent d'éclaircir le mystère autour de la disparition de la petite Maëlys. Après avoir nié connaître l'enfant, il finit par admettre qu'il a échangé avec une fillette au sujet de ses chiens au cours de la soirée. Il dit ne pas se souvenir s'il s'agit de Maëlys de Araujo. Une perquisition est organisée au domicile familial. Son Audi A3 est saisie.
Le lendemain du mariage, Lelandais a nettoyé minutieusement sa voiture. Des images de vidéosurveillance le montre en train d'astiquer l'intérieur de son véhicule, asperger son coffre de détergent et s'attarder sur le côté passager. Mais il explique qu'il préparait son véhicule à la vente. L'acheteur est contacté par les enquêteurs et confirme les dires de l'ex-militaire.
Le 28 août, Lelandais termine son audition par ces mots : "Je vous prie de croire que je n’ai rien à voir avec la disparition de la petite". Quelques jours plus tard, il est remis en liberté et répond même aux questions des journalistes. "C'est très traumatisant comme expérience donc il n'y a rien à dire. Il n'y a rien à dire... Enfin, qu'il y ait des accusations, des choses comme ça, c'est tellement grave... Je connais les mariés, bien sûr, c'est des amis, c'est d'autant plus désagréable tout ça. C'est pour ça", affirmait-il par téléphone.
Le lendemain, soit le 2 septembre 2017, une trace de sang est découverte sur la commande des phares de la voiture de Lelandais. L'ADN est bien celui de Maëlys.
Placé en détention provisoire, Lelandais continue de clamer son innocence. Il explique que Maëlys est montée dans sa voiture sur le parking, avec un petit garçon, pour voir si un chien s'y trouvait, et que tous ont regagné la salle ensuite. Son avocat ajoute que s'il s'est absenté durant la soirée, c'est pour aller chez lui changer son short, taché par du vin.
Quelques semaines plus tard, un nouvel élément l'accuse: il s’agit d’une vidéosurveillance de la commune que les enquêteurs comparent à la téléphonie de Nordahl Lelandais.
"Disparition 2h45. À 2h46 et 12 secondes, M. Lelandais mettait son téléphone en mode avion. À 2h47, son véhicule est filmé par une caméra de vidéosurveillance du centre-ville de Pont-de-Beauvoisin. À l'avant du véhicule, une silhouette frêle, de petite taille, et vêtue d'une robe blanche se trouve sur le siège passager avant", indiquait Jean-Yves Coquillat, procureur de la République de Grenoble. À 3h57, la voiture est de nouveau filmée. Cette fois, on n'aperçoit plus qu'une seule silhouette à son bord. Impassible, l'ex-caporal réfute toute implication dans la disparition de la fillette.
Mais le 14 février, il est confondu par une trace de sang de Maëlys découverte sous un tapis de sa voiture. Acculé, il déclare: "Cette pauvre petite, je l’ai tuée involontairement". Il raconte qu'il voulait emmener l'enfant voir ses chiens mais que sur le trajet, elle a commencé à paniquer. Il explique l'avoir frappée, un "geste incompréhensible", commente-t-il.
Il conduit les enquêteurs jusqu'aux restes de la fillette qui sont retrouvés en montagne, près du village de Saint-Franc (Savoie). Deux jours plus tard, il est hospitalisé en soins psychiatriques. Sept mois plus tard, la première reconstitution retraçait ses aller-retours le soir du mariage, de la salle des fêtes au village voisin où vivaient ses parents et où il dit avoir dissimulé provisoirement le corps avant de revenir à la noce, puis vers le massif de la Chartreuse où les restes de la fillette ont finalement été retrouvés.
L'ancien maître-chien militaire de 38 ans doit être jugé à partir du 31 janvier devant la cour d'assises de l'Isère pour le meurtre précédé de l'enlèvement et de la séquestration de cette enfant de 8 ans. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. La famille de Maëlys De Araujo voit ce procès comme une "terrible épreuve" et attend que la justice prenne "toute la mesure de la dangerosité de Nordahl Lelandais", selon Me Fabien Rajon qui défend notamment la mère et la soeur de la fillette.
L'accusé, détenu à l'isolement au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), lui, attend le procès "sûrement comme quelqu'un qui encourt la perpétuité", selon une source proche du dossier.