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Le sociologue Michel Wieviorka a remis un rapport à la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal sur le supposé "islamo-gauchisme" à l'université, après s'être saisi lui-même de la question, a-t-il indiqué à l'AFP. Ce rapport de quelque 80 pages, qu'il a intitulé "Racisme, antisémitisme, antiracisme: apologie pour la recherche", paraît jeudi aux éditions La Boîte à Pandore.
"La ministre ne pourra pas dire qu'elle ne l'a pas. Je l'ai déposé au ministère, en le remettant à la loge en mains propres" en fin de semaine dernière, a expliqué à l'AFP l'auteur, qui est directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Mme Vidal avait demandé en février au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) "un bilan de l'ensemble des recherches qui se déroulent dans notre pays", estimant que certains universitaires se servaient de leurs fonctions "pour porter des idées radicales".
"Je pense que l'islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble, et que l'université n'est pas imperméable", affirmait-elle.
Le CNRS ne s'est pas encore attaqué à ce "bilan", et, fait rare, a dénoncé un "slogan politique" qui d'après lui "ne correspond à aucune réalité scientifique".
"J'ai fait ce livre pour qu'on regarde sérieusement ce qu'il en est", a expliqué M. Wieviorka, spécialiste reconnu du racisme et de l'antisémitisme. Selon lui, "l'expression d'islamo-gauchisme est très douteuse, et ce que j'ai pu observer à l'université, c'est que le problème est non pas inexistant, mais très, très secondaire".
Puisqu'aucun chercheur sérieux ne souhaite se mettre à ce "bilan", a-t-il poursuivi, "soit le rapport, s'il y en a un, sera à côté de la plaque, soit cela prendra une autre forme, soit ce sera refusé par la communauté", car vouloir faire un tri entre recherche et militantisme déguisé en recherche, "c'est ouvrir la voie à des atteintes très importantes aux libertés académiques".
Avec ce terme, "on ne sait pas si ce qui est visé c'est le climat général, des groupes agissants, des militants, ou si c'est la recherche et l'enseignement eux-mêmes. Moi je prends le parti de défendre la recherche et les enseignants. On ne se débarrasse pas comme ça de questions fondamentales de décolonisation, ou post-coloniales, et de discriminations".
Le sociologue reconnaît cependant des tensions dans le monde universitaire entre "deux univers de recherche, l'un, classique, d'étude des questions de racisme ou d'antisémitisme, et un univers plus neuf des études post-coloniales, décoloniales, de l'intersectionnalité".
"Ce sont deux univers à qui il manque de discuter entre eux", déplore M. Wieviorka.