Et si l'Orient-Express roulait à nouveau? La SNCF entend en tout cas réveiller le mythe en rénovant ses plus belles voitures art déco et en s'associant avec AccorHotels pour décliner la marque, avant, peut-être, de remettre le célèbre train sur les rails.
3.000 personnes sont attendues samedi et dimanche en gare de Lyon, à Paris, pour admirer six wagons des années 1920, exposés après trois années d'une méticuleuse restauration.
Signe que l'Orient-Express fait toujours rêver, l'événement, s'inscrivant dans le cadre des journées du patrimoine, affichait complet depuis bien longtemps.
Trois wagons-restaurants rappellent le train peut-être le plus célèbre de l'histoire, qui a circulé de 1883 à 1977 entre Paris et Constantinople/Istanbul, par Vienne d'abord, puis par Venise. On y imagine volontiers des élégantes en robe charleston attablées avec des gentlemen en frac.
Si elles associent aussi laques, dorures et marqueteries dans un douillet décor de bronze, de cuivre et de bois, les voitures de l'Orient-Express sont plus sobres que les trois autres wagons exposés.
Ceux-là proviennent d'autres trains fameux de l'âge d'or de la Compagnie des wagons-lits: le Train bleu (Paris-Côte d'Azur), la Flèche d'or (Paris-Londres) et l'Etoile du Nord (Paris-Amsterdam).
On peut y admirer les panneaux lambrissées en loupe de bouleau de Finlande avec une marqueteries d'étain, dessinés par l'artiste-décorateur René Prou pour le salon de l'Etoile du Nord, et surtout, dans celui de La Flèche d'Or, les triptyques de naïades lascives en verre dansant sur des panneaux d'acajou de Cuba, oeuvres du célèbre joaillier et verrier René Lalique.
"Pour les restaurer, on s'est plongé dans nos archives, pour retrouver les plans d'origine ou les échantillons de tissus, etc.", explique à l'AFP Guillaume de Saint Lager, directeur exécutif d'Orient Express, la société qui en gère le patrimoine.
"On a fait appel à des artisans d'exception", insiste-t-il, en restant toutefois discret sur la facture.
Un septième wagon est encore en cours de restauration à Clermont-Ferrand.
Ces voitures historiques doivent sortir de leur dépôt de la région parisienne pour des expositions ou des conventions.
- Hôtels et senteurs -
Elles constituent "une sorte de vitrine du savoir-faire de la SNCF dans la préservation du patrimoine", commente Mathias Vicherat, le directeur général adjoint du groupe.
"On a vraiment beaucoup de choses à promouvoir. Et à un moment où l'entreprise se transforme, il est important aussi qu'elle puisse regarder ses racines", souligne-t-il, rappelant que la SNCF gère aussi 48 gares classées aux monuments historiques, de très nombreux ouvrages d'art, un fond de documentaire comprenant plus d'un million de pièces, plus de 100.000 photos, etc.
Le groupe a racheté la marque Orient-Express à la Compagnie des wagons-lits après l'arrêt des liaisons directes pour Istanbul en 1977. Mais elle n'en a pas fait grand-chose jusqu'à ce qu'elle commence à racheter des wagons de l'illustre train, en 2011.
Une exposition à l'Institut du monde arabe a attiré plus de 250.000 personnes en 2014, avant que ne commence la restauration des voitures.
Si la SNCF finance entièrement ce travail d'artisans, elle entend bien en tirer profit aussi. Elle a pour ce faire cédé l'an dernier 50% d'Orient-Express à AccorHotels.
"C'est désormais une marque qui va nous rapporter de l'argent", remarque Matthias Vicherat. "On va avoir des royalties très importantes!"
AccorHotels entend notamment ouvrir des hôtels de luxe sous la marque Orient-Express. Le premier devrait être inauguré fin 2019 "dans un endroit qui est assez dingue" en Asie, avance Guillaume de Saint Lager.
Orient-Express veut aussi "développer tout un pan art de vivre" sur son nom avec du mobilier, de la bagagerie ou "des senteurs", relève-t-il.
"On chérit notre histoire et on la sublime", lance le jeune patron d'Orient-Express, évoquant "une grosse ambition pour la marque".
Bien sûr, le grand dessein reste de remettre sur les rails un train de luxe qui rejoindrait les rives du Bosphore.
Il faudra "prendre le meilleur du passé pour créer quelque chose qui soit contemporain" en adaptant au confort moderne des voitures-lits préservées, indique M. de Saint Lager.
Mais il est encore trop tôt pour en parler, ajoute-t-il aussitôt.
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