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Le monde des smartphones, on le répète assez, est un univers impitoyable. C’est le marché le plus dynamique de l’électronique car c’est l’appareil qu’on utilise le plus, qu'on casse le plus et qu’on remplace donc le plus souvent. Ce qui a poussé d’innombrables acteurs, anciens et nouveaux, traditionnels et exotiques, à entrer dans la danse. Et forcément, il n’y a pas de place pour tout le monde...
La marque Wiko se situe entre les deux mondes. A Marseille, son “siège”, elle rassemble des équipes de commerciaux et de service après-vente. La fabrication des smartphones est confiée à sa maison-mère, Tinno (basée à Shenzhen, comme Huawei et OnePlus). Tinno écoule ses smartphones sous plusieurs noms, plusieurs marques, à travers le monde, ciblant les besoins des marchés locaux en termes de design, de fiche technique, de prix. Une formule aux antipodes de ce que propose Apple ou Samsung, par exemple, mais qui a fonctionné un temps: Wiko était la 3e marque la plus populaire en France en 2013. A l’époque, il n'y avait pas autant de marques de smartphones à bas prix.
Mais les temps ont changé et les parts de marché ont reculé, au profit d’autres acteurs plus sexys et avec des stratégies de marketing/communication plus affûtées, comme Honor (marque de Huawei) ou Xiaomi (on en parlait dans cet article) ; deux marques qui visent également une clientèle jeune et moins fortunée. Les ventes liées des opérateurs, pas toujours intéressantes (il y a souvent des suppléments et au final, ce ne sont que des offres à crédit), ont également fait du tort à Wiko, qui ne peut pas toujours se permettre de nouer des relations profitables avec tous les acteurs.
Pour relever le défi, les dirigeants de Tinno/Wiko ont simplifié la gamme de 2019, misant désormais tout sur une batterie gonflée, avec un prix qui reste très contenu. Le groupe se prépare également à l’avenir avec “un écosystème complet de produits 5G en 2020”, a dit le fondateur James Lin dans un communiqué. La marque a aussi revu légèrement son logo et son slogan marketing.
Que vaut le View 3 Pro ?
Tous ces changements seront vains si la qualité des produits ne suit pas. Raison pour laquelle on a essayé durant deux semaines le View 3 Pro, nouveau fleuron de la gamme. Dans notre pays, il devrait être décliné en version 128 GB de stockage interne et 6 GB de RAM, avec un prix plafonné à 299€. “Au-dessus de 300€, ce n’est pas pour nous”, nous a expliqué un responsable local de la marque.
Le View 3 Pro est un appareil élégant, au look dans l’ère du temps: ça brille de partout, de la tranche au dos en verre. Il y a des jeux de dégradés de couleurs: sur notre modèle de test, on passe du cuivre au bleu. Sur le dos, il y a également des motifs de lignages diagonaux dans le bas. Au final, l’impression est mitigée, ça fait un peu smartphone tuné, sur lequel on a voulu mettre plein d’effets sans réelle homogénéité esthétique :
La finition est maîtrisée, cependant. Le triple appareil photo ressort dans le dos, comme sur la plupart des smartphones, ce qui incite à utiliser directement la coque en silicone fournie. Les boutons de volume et de verrouillage sont placés un peu trop haut sur la tranche, obligeant à décaler le smartphone pour mettre plus fort. Ça dépend évidemment de la taille de votre main, mais chez certains, le capteur d’empreinte digitale, placé dans le dos, pourrait aussi est un peu trop haut. A 299€, il est logique de ne pas avoir l’étanchéité. Heureusement, l’USB Type-C réversible est de la partie. Et si vous aimez la prise mini-jack pour brancher un casque, réjouissez-vous, elle est bien là.
Et sous le capot ?
La puce MediaTek Helio P60 est sortie l’an dernier, et n’est clairement pas ce qui se fait de mieux. Mais épaulée par 6 GB de RAM, elle limite les dégâts et l’expérience de navigation est honorable. En termes de fluidité et de rapidité, on est cependant assez loin du milieu de gamme que peut représenter un OnePlus 7 à 559€ ou un Xiaomi Mi 9 à 499€. Logique mais toujours bon à savoir.
Plus inquiétant, en le mettant à côté du Motorola One Vision (299€ également), que je teste aussi actuellement, j’ai noté également un manque de fluidité. Rien de rédhibitoire, mais si vous êtes sensible à cette caractéristique, faites attention.
Gros point positif: la batterie de 4.000 mAh, qui équipe d’habitude les smartphones haut-de-gamme. Wiko a raison de se focaliser sur l’essentiel: l’autonomie est effectivement déterminante dans l’expérience que l'on peut tirer d’un smartphone. Tenir deux jours est une évidence, comptez sur un jour et demi en cas d’usage plus intensif. La charge rapide est de la partie, même si on n’est pas au niveau de OnePlus ou Huawei, par exemple.
L’appareil photo ne s’en sort pas trop mal en plein jour, mais à l’intérieur ou en soirée, on voit assez vite du bruit sur l’image et ça manque de netteté. Le fait qu’il y ait trois capteurs (le principal est de 12 MP) vous offre la possibilité de passer au très grand-angle (13 MP) et de mesurer la profondeur de champs pour des portraits au contour plus réussi. Des options appréciables dans cette gamme de prix. L’application de l’appareil photo qui exploite le tout manque cependant un peu de clarté, avec des icônes peu explicites. Une question d’habitude, probablement.
Enfin, un mot sur l’interface. Wiko a eu l’intelligence de supprimer la flopée d’applications maisons aussi encombrantes qu’inutiles. On retrouve tout de même les ‘Fonctionnalités Wiko’ dans les paramètres, mais il s’agit de personnalisations assez pratiques. Pour le reste, on est sur de l’Android 9 quasiment d’origine, et c’est une bonne nouvelle. Cependant, ne comptez pas trop sur des mises à jour à l’avenir, il est peu probable que le View 3 Pro passe à Android 10 à la fin de l’année.
Conclusion
Le défi est grand pour Wiko, qui a vu l’arrivée de fabricant chinois aux approches originales et efficaces bouleverser le marché. Comme bien d’autres marques (HTC, LG, Sony), Wiko a vu fondre ses parts de marché, sans alliance solide avec des opérateurs pour des ventes liées.
Le View 3 Pro fabriqué par la maison mère Tinno ne manque pas de qualité, la première d’entre elle étant une autonomie inattendue sur ce genre d’appareil. Ajoutez à cela 128GB de stockage interne, une expérience Android de qualité raisonnable, une sortie mini-jack pour brancher un casque à l’ancienne et un prix de 299€, et vous avez là une alternative parmi d'autres pour les 15-25, cœur de cible de Wiko.
Mais à 299€, depuis peu, ça se boucule. Au hasard, aperçu dans une boutique en ligne belge: Honor 10, Samsung Galaxy A50, Sony Xperia 10 Plus (en soldes), Huawei P30 Lite (en soldes). Des marques plus prestigieuses ou plus populaires qu’il sera difficile de contrer.
La gamme de Wiko s’étend cependant vers le bas: le View 3 (179€), le View 3 Lite (129€) et le Y80 (99€) sont des alternatives moins bien équipées (sauf au niveau de l’autonomie). Veillez cependant à à ne pas passer sous la barre des 64 GB de stockage, car dès 32 GB, le manque de place se fera très vite ressentir pour les applications qui sont de plus en plus gourmandes (au hasard: 1 GB pour Chrome et 1 GB pour Facebook après quelques semaines d’utilisation seulement).