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Elle n'a que 19 ans mais a déjà remporté les Victoires de la musique classique : la jeune prodige Lucienne Renaudin Vary, "droguée de trompette", déconcerte et enchante en jouant pieds nus.
Elle s'avance doucement dans la lumière et approche ses lèvres de la trompette. Un son doux et chaud en sort, envoûtant près de 7.000 spectateurs, pour l'ouverture de Jazz in Marciac.
La jeune artiste joue pieds nus "pour mieux sentir les vibrations de la musique sur le sol". Accompagnée d'un piano, d'une contrebasse et d'une basse, la petite et fluette musicienne enchaîne les chansons et dévoile son talent protéiforme.
Il y a la trompette, bien sûr, qu'elle pratique depuis l'âge de 9 ans. Mais aussi le chant - avec une très jolie reprise de la chanson brésilienne "Aguas di março" - et l'art de siffler.
Une multitude de talents qu'elle cultive depuis son enfance, passée au Mans. "La musique a toujours été présente chez moi, mes parents écoutent de la chanson, un peu de classique, beaucoup de jazz", explique-t-elle à l'AFP.
C'est donc "assez naturellement" que la jeune femme s'est mise à la musique, en débutant par le piano à l'âge de 7 ans. "Je n'étais pas très douée, voire vraiment très nulle", plaisante-elle.
Elle découvre "par hasard" la trompette classique au détour d'un cours de solfège. "J'ai adoré, je suis devenue une droguée, je me suis mise à jouer tout le temps".
Sa mère, Anne, qui l'accompagne sur toutes ses tournées, confirme : "Obstinée, c'est son grand trait de caractère. Dès petite, c'est elle qui a décidé de faire de la trompette et c'était débordant".
"Bien guidée" par ses professeurs, Lucienne passe concours sur concours. En 2014, elle intègre le prestigieux Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse (CNSMD), à Paris.
A seulement 16 ans, elle remporte les Victoires de la musique classique dans la catégorie "Révélation".
Depuis, elle a sorti un album chez Warner et court les concerts, en France comme à l'étranger. Elle prépare une tournée au Japon et un second album, pour l'automne 2019.
- Amstrong, Sinatra, Big Flo et Oli -
"C'est une virtuose en classique, une musicienne extraordinaire", a déclaré à l'AFP le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf, qui se souvient de l'avoir rencontrée à l'occasion d'un hommage à Maurice André.
"Il y a encore des choses qui doivent mûrir, c'est normal, mais elle est vraiment très douée, surtout pour son âge", a-t-il ajouté. "A l'époque déjà, elle m'avait dit +j'ai envie de faire du jazz+".
Pari tenu : la jeune fille blonde intègre en 2016 le département de jazz du CNSMD, parcours qu'elle mène de front avec son Master en musique classique.
"Ca m'a toujours plu de faire du classique et du jazz, j'y trouve un bon équilibre", explique-t-elle, "en jazz il y a une certaine liberté qu'il n'y a pas forcément en classique".
Celle qui revendique une mixité d'influences, prend "tout ce qui est bon" et ne se satisfait pas des "étiquettes de genre".
"J'ai beaucoup écouté Amstrong, j'adore Chet Baker, Sinatra, les chanteuses de jazz. Sinon, en ce moment avec mon petit frère, on écoute Big Flo et Oli dans un tout autre registre", raconte-elle, rieuse.
Et trois ans plus tard, surprise, voilà Lucienne Renaudin et Ibrahim Maalouf réunis le temps d'une soirée, sur la scène de Jazz in Marciac.
Le public, lui, semble convaincu : "C'était émouvant de voir qu'elle était si fragile, si frêle. Avec ses musiciens, on aurait dit qu'elle jouait entourée de son tonton, de sa famille, pas devant 7.000 personnes", a estimé Dominique, une chanteuse venue au festival.
"Incroyable" expérience pour la jeune soliste, qui ne s'est "pas posé trop de questions" avant de se lancer. "J'aime la scène, la connexion avec le public. Pourquoi stresser ?".
Celle qui "adore la lumière", selon sa mère, ne se voit pas intégrer un orchestre de musique classique. "C'est une manière de jouer trop différente". Mais un groupe de jazz, "pourquoi pas?" .