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Plusieurs personnes se prostituent à Liège, notamment dans le quartier Cathédrale Nord. Auparavant, on y trouvait des vitrines. Aujourd'hui, elles ont disparu mais une prostitution de rue a persisté. Le phénomène est toutefois moins présent grâce à "un encadrement policier constant, avec des accords avec le secteur associatif", dit M. Drion, le chef de la section "Traite des êtres humains - Moeurs" de la brigade judiciaire de Liège. Cette prostitution est souvent liée à une grande précarité. On rencontre deux types principaux de femmes en situation de prostitution. Les "habituelles du quartier" comme les appelle M. Drion. Ces femmes se trouvent généralement en gros décrochage social provoqué par des problèmes de toxicomanie, ou des problèmes familiaux. Ces personnes bien identifiées vont et viennent quand elles ont besoin d'"aller chercher une dernière planche de salut financier sur le terrain", décrit le policier. À côté, tapinent des étrangères, généralement bulgares ou roumaines, souvent forcées à se prostituer via des réseaux. "Nous avons régulièrement des tentatives d'implantation de réseaux de l'est et il faut systématiquement remettre le couvert", raconte M. Drion.
Sur le terrain, l'association Icar Wallonie aide et soutient les personnes qui se prostituent. Qui sont-elles ? "C'est dur de donner un profil précis", dit Martin, éducateur spécialisé au sein de l'asbl. "Une grande partie est constituée de gens en errance et dans une grande précarité", ajoute-t-il néanmoins. Il y a des toxicomanes mais aussi des mères qui vont dans la rue pour joindre les deux bouts. Certaines le feront même, d'ici quelques semaines, pour pouvoir acheter des cadeaux de fin d'année, poursuit l'éducateur. Notre journaliste Antoine Schuurwegen a rencontré deux personnes aidées par l'association et qui ont accepté de raconter leur histoire.
Anne déclare se prostituer depuis 30 ans. Elle a été placée par un "maquereau" dans une vitrine de Liège. Puis, lorsque celle-ci a été supprimée, elle a poursuivi dans la rue. "Moi, je racole", dit-elle, "c'est plus dur, on doit courir parce que la police est fort derrière nous." Cette dame, qui déclare se limiter désormais à un client par jour, commence tard le soir, toujours au même endroit. "J'ai mon territoire", dit-elle. Et elle ne partage pas: "Si une autre fille vient, je lui dis de partir car vu mon âge, elle doit me laisser travailler." Le client l'aborde, "il demande le prix, les conditions, ceci cela, toujours la même chose", décrit-elle. Puis elle l'amène chez elle ou à l'hôtel. Autrefois, c'était nécessairement à l'hôtel car elle était SDF, dit-elle.
Le client, elle ne le méprise pas, que du contraire. "J'ai eu beaucoup d'affection de clients. Il y a des clients irrespectueux, d'autres très respectueux. Ils me remonteront le moral plus vite qu'une personne normale parce que je vois que je suis encore utile", confie-t-elle, même si, parfois le client vire au criminel. Au bout d'un moment de silence, elle sort soudain à notre journaliste Antoine Schuurwegen: "J'ai été violée il y a 9 semaines. Ça m'arrive, ça marque très fort, le mec c'est comme si je le voyais devant moi, tout le temps", raconte-t-elle. C'est la cinquième fois que ça lui arrive, ajoute-t-elle. Malgré tout, elle affirme ne pas avoir peur: "J'ai pas peur, vivement l'argent que je gagne et que je puisse rentrer chez moi."
Il est presque impossible de quantifier le nombre de personnes qui se prostituent sur les trottoirs des villes. La prostitution se concentre principalement dans les villes de Bruxelles (avenue Louise), Anvers, Liège (Grand-Poste) et Charleroi (Ville Basse). À titre d'exemple, à Liège, elles seraient entre 100 et 150. Depuis le début de l'année, on estime qu'une vingtaine de femmes supplémentaires ont été contraintes de vendre leur corps, parfois pour un vingtaine d'euros.
Nicolas, lui, a 41 ans. Il exerce la prostitution en tant que travesti. "Je m'apprécie plus en femme qu'en homme. Au début c'était juste en kiff en jupe et talons", dit-il. Au début, c'était une activité complémentaire à 50 euros la passe. Mais elle rapportait tant qu'il en a fait sa seule et unique profession, demandant aujourd'hui 75 euros. "Le client négocie toujours le tarif. Pas la première fois, la deuxième un petit peu, et surtout à partir de la troisième", s'en amuse-t-il. S'il bénéficie du soutien de l'asbl Icare Wallonie comme Anne, il ne travaille pas dans la rue qu'il estime trop dangereuse. "Uniquement par internet", dit-il. Personne dans son entourage ne sait, ni dans sa famille, ni parmi ses amis. Combien de temps se prostituera-t-il encore ? "Tu le fais jusqu'à ce que ton corps te dise "Tu vaux plus rien", quand il n'est plus esthétiquement assez beau", conclut-il.