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La Belgique dépénalise la prostitution, une première en Europe: "Tout va changer", selon Marie, ex-travailleuse du sexe

La Chambre a approuvé définitivement dans la nuit de jeudi à vendredi en séance plénière la réforme du droit pénal sexuel. La Belgique est devenue le premier pays européen à dépénaliser la prostitution. Le proxénétisme reste un crime, mais les prostitué.e.s disposent désormais d'un statut.

Marie, ancienne travailleuse du sexe, milite depuis des dizaines d'années pour obtenir un statut et des droits. "La décriminalisation est une excellente nouvelle, on ne pouvait pas rêver mieux", dit Marie, cofondatrice de l'ASBL UTSOPI,  le premier collectif de travailleuses et travailleurs du sexe en Belgique. "C'est le premier pays en Europe et deuxième pays dans le monde entier", ajoute-t-elle.

Les travailleurs du sexe se sont retrouvés sans revenu pendant des mois durant la pandémie. Avec ce changement de loi, une telle situation ne se reproduira plus.

"Tout va changer, la vie des travailleurs du sexe va complètement changer, comme avoir une mutuelle... En fait, tout ce que les gens ont et qui est tellement courant que les gens pensent que tout le monde a ça, mais ce n'est pas vrai", précise Marie.

Avoir des droits sociaux comme une pension, une assurance-maladie, des congés payés, vont devenir possibles. "Un bailleur, directeur de banque, assureur, comptable, développeur de sites web, etc. Toutes ces tierces parties sont décriminalisées maintenant", explique Daan Bauwens, directeur de l'ASBL UTSOPI.

Marie a dû vivre dans l'ombre durant des années. "Les gens pensaient toujours que la prostitution était légale en Belgique, mais non, elle était tolérée. Être toléré, c'est être dans une zone grise. Vous n'avez pas de droit. Avoir un compte en banque ou prêt pour une voiture... il faut toujours mentir et demander à quelqu'un qu'il nous serve d'alibi. Il faut toujours vivre caché. C'était hyper compliqué".

"Il s'agit d'une réforme historique"

Le projet de loi, porté par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, vise à tenir compte de l'évolution de la société et à inscrire la notion de consentement au cœur de la nouvelle législation.

La réforme décriminalise également la prostitution, mais pas le proxénétisme, qui sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 500 à 25.000 euros. La prostitution reste interdite aux mineurs. La nouvelle loi encadre également sa publicité, interdite à quelques exceptions près. 

"Sur le plan du travail sexuel, il s'agit d'une réforme historique", commente le ministre Van Quickenborne. "Elle veille à ce que les travailleurs du sexe ne soient plus stigmatisés, exploités et rendus dépendants des autres. La Belgique est le premier pays en Europe à dépénaliser le travail sexuel."

Les peines sont adaptées

Jusqu'à présent, les délits sexuels étaient considérés comme crimes et délits contre l'ordre des familles et la moralité publique, comme le prévoyait législation datant de 1867. Les infractions sexuelles appartiendront désormais aux infractions contre les personnes.

Ainsi, la notion d'attentat à la pudeur disparait tandis que les notions de viol et voyeurisme sont élargies. L'inceste est également enfin mentionné dans la loi.

Les peines sont adaptées, le viol étant ainsi puni d'une peine de 15 à 20 ans de prison, au lieu de 5 à 10 ans. A l'inverse, dans un souci de proportionnalité, les peines pour voyeurisme sont allégées.

Dans certaines circonstances, le juge aura la possibilité de prononcer des peines alternatives à la prison pour les auteurs d'infractions sexuelles.

Le projet de loi prévoit aussi l'harmonisation de l'âge de la majorité sexuelle à 16 ans, avec une tolérance à partir de 14 ans en cas de consentement et de différence d'âge de trois ans maximum.

La réforme approuvée par la majorité

Le texte approuvé jeudi est le fruit de plusieurs mois de travaux: la commission Justice avait procédé à trois journées d'auditions d'acteurs et d'experts, dont le collège des procureurs généraux, le collège des cours et tribunaux, le Conseil supérieur de la Justice, Avocats.be, des professeurs d'université ou encore les associations Utsopi, Espace P, SOS Inceste, Femmes de droit ou encore Child Focus.

Plusieurs manifestations visant à amender le projet, notamment du réseau Faces qui réunit plusieurs associations féministes, avaient aussi été organisées. À la suite des auditions, de nombreux amendements avaient été déposés.

L'entrée en vigueur, initialement annoncée pour le 1er mars 2022, interviendra finalement le premier jour du troisième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur, soit probablement le 1er juin. La réforme a été approuvée par la majorité, rejointe par DéFI. La N-VA, le Vlaams Belang et le PTB se sont abstenus. Les Engagés ont voté contre.

L'opposition a pointé la persistance de certaines difficultés notamment en termes d'efficacité des poursuites. L'absence de huis clos, le secret professionnel, le manque de moyens octroyés à la justice, l'absence de notion d'inceste pour les majeurs ou encore les modalités établissant le statut social des travailleuses du sexe ont aussi été critiqués.

Le ministre Van Quickenborne a par ailleurs annoncé qu'il déposerait d'ici l'été au Conseil des ministres une réforme complète du code pénal, à valider d'ici la fin de la législature en 2024.        

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