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Coronavirus: de nombreuses communes prennent des mesures CONTRE l'autorisation de visite dans les maisons de repos

Mercredi, le Conseil national de Sécurité (CNS) a décidé d'autoriser, sous conditions, les visites d'un proche aux résidents des maisons de repos et des centres pour personnes handicapées afin de lutter contre la détresse psychologique générée par l'isolement. Ces visites devront toutefois toujours être effectuées par la même personne, vierge de tout symptôme de coronavirus durant les 15 jours précédents.

Plusieurs responsables politiques et sociaux wallons expriment jeudi leur incompréhension face à la décision et annoncent qu'ils n'appliqueront pas cette mesure dans leurs établissements. Si certains dénoncent l'absence de concertation avec leurs équipes pour autoriser de nouveau les visites, tous annoncent avoir consulté les acteurs de terrain de leur région pour maintenir leur interdiction.

Cette mesure d'assouplissement n'est pas comprise par les responsables des homes, notamment dépendant des CPAS, qui entrevoient une brèche dans les mesures visant à préserver la santé des résidents et du personnel. Le ministre flamand de la Santé, Wouter Beke (CD&V), a ainsi déjà averti qu'il comptait reporter toute décision afin de préparer la mise en oeuvre de cette décision. Son homologue bruxellois Alain Maron (Ecolo) a quant à lui prévenu que la reprise des visites ne pourrait pas intervenir dès lundi, une concertation étant nécessaire. Du côté wallon, voici la réaction de la ministre régionale de la Santé, Christie Morreale: "Pour le moment, la priorité reste au testing dans les maisons de repos. Ensuite, nous nous concerterons avec le secteur pour déterminer les modalités concrètes permettant d'y organiser les visites".

Sophie Wilmès répond aux critiques

Avant de présenter les mesures prises par les communes, la Première ministre Sophie Wilmès a réagi ce jeudi aux critiques contre cette décision. Elle s'est exprimée à la Chambre. "Je rappelle qu'il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation à mettre en oeuvre par les maisons de repos. Bien sûr, ces dernières peuvent prendre tout le temps qu'elles estimeront nécessaire pour mettre en place ces visites. Et je rappelle, pour celles et ceux qui l'aurait oublié, que cette décision a été prise au Conseil national de sécurité. Ça veut dire d'un commun accord avec les ministres-présidents de toutes les régions et communautés. Ça veut donc bien dire la Flandre, la Wallonie, Bruxelles, la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Communauté germanophone. Ils ont tous marqué leur accord sur cette proposition", a rétorqué Sophie Wilmès.

Voyons maintenant, province par province, les communes ayant déjà pris des mesures pour empêcher les visites dans les établissements.

Province du Hainaut

À Mons, le bourgmestre Nicolas Martin a annoncé son intention de prendre un arrêté visant à interdire toute visite dans les maisons de repos ainsi que les centres pour personnes avec un handicap du territoire montois, indépendamment du caractère public ou privé de ces établissements. D'après l'administration communale, les foyers d'infection sont encore trop nombreux et les risques de contagion trop importants. En cause également, le manque criant d'effectifs humains et de moyens pour protéger le personnel ainsi que la trop grande "probabilité de réduire à néant des semaines d'efforts". "On dénombre plus de 1.000 résidents, soit plus de 1.000 visiteurs potentiels qu'il conviendra d'équiper pour respecter les mesures d'hygiène. C'est autant de masques, de surblouses, de paires de gants et de surchaussures qu'il faudra trouver (quotidiennement). Autant dire que c'est presque impossible", a-t-elle ajouté. Par ailleurs, le CPAS montois a déclaré qu'il allait réfléchir avec la ministre de la Santé wallonne, Christie Morreale, à un échéancier qui prenne en compte le besoin des familles, les conditions de travail du personnel et la santé des résidents.

A Tournai, la présidente du CPAS, Laeticia Liénard, a adressé un courriel au gouvernement wallon. "Je comprends l'aspect humain de cette décision. Elle ne me semble néanmoins pas compatible avec la réalité que vivent au quotidien les acteurs de terrain", estime-t-elle. "Cette décision a été prise sans aucune concertation avec les fédérations représentatives des maisons de repos. Ici, la ligne du temps est inversée. On commence par la conclusion. Il y a lieu de s'inquiéter de savoir si nous avons suffisamment, et sur la durée, de matériel de protection, de tests de dépistage, de l'oxygène, des médicaments et du personnel!", souligne-t-elle. "A ce stade, en concertation avec les équipes du CPAS, nous avons décidé de ne pas appliquer cette mesure. Ce choix restera d'application tant que nous ne disposerons pas d'un consensus entre le gouvernement et les fédérations représentatives du secteur", précise Mme Liénard. Cette décision de la présidente concerne à Tournai trois maisons de repos et le home Valère Delcroix qui accueille des personnes souffrant d'un handicap.

Pour sa part, le bourgmestre de La Louvière, Jacques Gobert, a pris un arrêté afin d'interdire, sauf dérogation, l'accès des personnes proches des résidents aux maisons de repos, aux maisons de soins et aux établissements pour personne avec un handicap jusqu'au 3 mai inclus. "Il serait prématuré de rouvrir les portes des établissements concernés à des personnes extérieures, au risque de contaminer encore plus de résidents alors que l'impact positif des mesures de confinement est constaté", dit-il.

Du côté de Charleroi, le CPAS et l'intercommunale de Santé publique du pays de Charleroi (ISPPC) indiquent jeudi qu'ils n'appliqueront pas l'autorisation de visite aux pensionnaires des maisons de repos de la région carolorégienne. Les deux services publics souhaitent plutôt poursuivre les procédures mises en place au début du confinement "dans l'intérêt des familles, des résidents" et de leur personnel. "En l'absence d'instructions précises de la Région wallonne sur la décision fédérale rendant possible la visite d'un proche par résident de nos maisons de repos, (nous avons) décidé de ne pas appliquer cette mesure", avancent-elles.

L'ISPPC et le CPAS, bien que conscients des difficultés endurées après quatre semaines de séparation, craignent des "conséquences dramatiques" pour leurs résidents et rappellent que des contaminations ont eu lieu malgré les mesures drastiques mises en place depuis plusieurs semaines. "Sans l'établissement de procédures strictes qui garantiront la sécurité des résidents et du personnel, l'ISPPC et le CPAS maintiendront donc l'interdiction des visites". Les deux entités précisent néanmoins que des moyens ont été fournis aux familles pour qu'elles puissent rester en contact, tels que des tablettes et des outils de vidéoconférence. Ceux-ci "seront bien entendu maintenus", concluent-elles.

Conjointement avec l'autorité politique athoise, son médecin coordinateur et la directrice des maisons de repos et de soins de la ville, le CPAS d'Ath a, lui aussi, décidé de ne pas rouvrir les maisons de repos, fait-il savoir par communiqué.

En Wallonie picarde, le bourgmestre de Péruwelz, Vincent Palermo, a même pris un arrêté de police afin d'interdire les visites dans les homes pour personnes âgées et/ou personnes porteuses de handicap. "Humainement, c'est une épreuve pour les familles et les résidents. Cependant, n'ayant pas la possibilité de tester tout le monde, j'ai le devoir de veiller à maintenir la santé et à protéger la vie", explique le maïeur de Peruwelz. "En conscience, je ne peux autoriser ces visites. Je refuse de réduire à néant tous les efforts consentis depuis le début de cette crise", souligne-t-il. "Après discussion avec le président du CPAS et les directeurs d'institutions situées sur le territoire de Péruwelz, j'ai pris une ordonnance de police interdisant les visites dans les homes et les institutions de l'entité", indique-t-il.

Même son de cloche à Antoing où le président du CPAS, Claudy Billouez, maintient les mesures de confinement à la "Résidence du Moulin". "La décision a été prise de concert avec le bourgmestre et les diverses directions. C'est une brèche dans l'effort que tout le monde fait depuis un mois. Même les familles ne comprennent pas la décision de la Première ministre. Nous n'avons déjà pas les tests pour les membres de notre personnel!", s'exclame M. Billouez.

L'autorité communale de Frameries emboîte le pas de ses homologues précités. "Nous sommes bien conscients des désagréments que cela engendre pour les résidents et leurs familles mais nous pensons prendre ici la seule décision raisonnable", dit-elle.

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Province de Liège

Même son de cloche à Liège, où le bourgmestre Willy Demeyer prépare un arrêté de police pour empêcher les visites, arguant que le risque encouru par les pensionnaires et le personnel restera trop important tant que le nombre de tests pour déterminer les personnes porteuses du virus ne sera pas suffisant.

Une opinion partagée par la Ville de Seraing, qui n'autorisera, elle non plus, aucune visite. Cependant, l'administration sérésienne n'exclut pas de revoir sa position en accordant un droit de visite aux résidents en fin de vie, après réévaluation de la situation et en accord avec la direction des établissements concernés. "Mais pour l'heure, et pour des raisons de sécurité, cette mesure doit être correctement étudiée et n'est donc pas encore entrée en vigueur", indique-t-elle.

Province de Namur

Pour Namur, le gouverneur de la province préfère d'abord envisager comment organiser les visites "concrètement, sereinement et de manière coordonnée". Il demande à chaque maison de repos de ne pas encore les permettre, "sauf dans les situations déjà prévues depuis plus d'un mois (fin de vie ou urgence vitale)" et attend un éventuel positionnement plus précis de la Région wallonne.

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