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La soirée est déjà bien entamée et c’est l’effervescence dans les couloirs de l’unité antiterroriste DR3 de la Police Judiciaire Fédérale. Si l’on tend l’oreille, on entend même des bouchons de champagne qui sautent. Ce qu'ils fêtent, c’est la fin d’une traque, celle de de Mohamed Abrini que le public appelle familièrement "l’homme au chapeau".
Alors que les hommes de l’anti-terrorisme se congratulent, le suspect est également présent. Il se trouve dans une petite pièce, sous haute surveillance. Il fait face aux agents qui l’assènent de questions. A côté de lui se trouve son avocat, Stanislas Eskénazi. Sans prévenir, il se lève d’un bond et demande une pause urgente. Méfiants, les enquêteurs acceptent de suspendre l’audition. Il descend les marches quatre à quatre et quitte le bâtiment. Il ne va pas bien loin. Il s’arrête au kebab du coin et commande deux durums "boeuf piquant".
Ça ne va pas plaire à Me.Eskénazi car c’est en réalité totalement interdit
De retour dans la salle d’interrogatoire, il demande aux policiers s'il peut manger avec son client. Amusés et soulagés de ne pas devoir gérer un problème de procédure déniché par l’homme de loi, les policiers acceptent.
Mohamed Abrini et son avocat mangent en silence. Ils savent que la nuit d’audition sera longue. Par ce geste anodin, Stanislas Eskénazi a offert un peu d’humanité à un homme qui, par la gravité des faits qu’il est suspecté d’avoir commis, s’en était privé.
Cette anecdote nous a été confiée par une source policière qui précise: "Ça ne va pas plaire à Me.Eskénazi car c’est en réalité totalement interdit. Mais c’était de bonne volonté qu’il a été chercher ces sandwichs et puis... il y a prescription."
Direct du Droit
Stanislas Eskénazi est né en 1981. Caractère franc et rire sonore. Il est de ceux qui ne reviennent pas sur une parole donnée et qui ne "chipotent pas" avec leurs valeurs. Ses victoires judiciaires, il les fête et les arrose avec ses proches. Ses défaites, il les digère seul, amer et meurtri, au fond d’un bar plongé dans une bière. Il sait que son travail, c’est plus que des mots. C’est défendre des hommes, des femmes, des familles…
Marié depuis 20 ans, il est père de quatre enfants qu’il protège contre vents et marées. Sportif, il boxe et il tape dur.
Lors d’un gala organisé par le Barreau d’Anvers, son adversaire était en sang et sur le point de craquer après 9 secondes. Ils savent que, sur un ring, il ne fait pas de cadeau. Son tempérament d'acier, il l’a forgé au long d’une carrière multiple.
Il a d’abord vécu un an et demi au Maroc où il a exercé la profession de programmateur d'Actionscript.
Fin 2001, il rentre en Belgique et se mue en serveur puis en agent de sécurité. Mais l’idée de devenir avocat est devenue une priorité, la graine de la justice a poussé dans le terreau des histoires humaines croisées dans ces "petits boulots".
Avec un sourire en coin, il explique : "J'ai repris mes études en cours du soir à Saint-Louis, tout en travaillant dans la restauration. Puis j’ai fait mon Master en droit à Louvain-La-Neuve. Ma spécialisation de départ, c’est le droit fiscal et le droit des affaires. Mon amour de départ, c’est le droit pénal dans lequel je suis rentré en assurant des auditions en Salduz." (NDLR: une loi qui permet au suspect d’être entendu dés la première audition par des avocats de garde).
(c) RTL INFO
Défendre l’homme au chapeau
Stanislas Eskénazi a été mandaté par Mohamed Abrini depuis le début de la procédure judiciaire. L’avocat considère que c’est un honneur d’avoir été désigné pour défendre les intérêts de cet homme qui a fait partie de la cellule terroriste qui a attaqué Paris et Bruxelles et il précise: "On accepte facilement car au moment où la question se pose, on est face à quelqu’un qui est acculé et qui a tout le monde contre lui. C’est donc un honneur que l’on vous demande de défendre quelqu’un comme ça. Mais directement après, il faut dire qu'il ne faut pas croire que cela signifie que je considère que les faits qu'il a commis sont honorables. Les faits sont terriblement graves et c'est avec beaucoup de responsabilité et d'humilité que j'ai accepté ce dossier."
(c) RTL INFO
Eskénazi, le discret
Avec un père journaliste et une mère ancienne présentatrice du journal radio de la chaîne publique, il serait faux de dire que Maître Eskénazi n’aime pas la presse. Il serait plus juste de dire qu’il ne la pratique pas. Depuis plus de quatre ans, ses interventions publiques dans le cadre du dossier des attentats de Bruxelles se comptent sur les doigts d'une main. Il s’explique: "J’estime que le débat doit avoir lieu dans les salles d’audience et non pas dans les salles de presse. C’est un point de vue qui vaut pour tous mes dossiers, pas seulement celui de monsieur Abrini."
Nous avons demandé à un magistrat fédéral de premier ordre son opinion sur Stanislas Eskénazi, son avis est sans équivoque: "C’est un avocat qui, au-delà des causes qu’il défend avec détermination, a un respect pour l’institution judiciaire et les magistrats, ce qui lui assure une certaine crédibilité."
Si vous croisez Me. Eskénazi et qu’il a le regard dans le vide, c’est probablement parce qu’il pense à son projet de ferme au Portugal. Ses deux énormes Saint-Bernard gardent déjà les lieux. S'il a l’air absent, c’est que c’est assurément là-bas qu’il aimerait être...
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