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La Cour européenne des droits de l'Homme a sanctionné mardi la Russie pour avoir reconnu coupable en 2014 l'opposant politique Aleksey Navalny de détournement de près de 400.000 euros au détriment d'une filiale russe d'Yves Rocher, sans lui accorder un procès équitable.
"Les décisions rendues par les juridictions internes ont été arbitraires et manifestement déraisonnables", ont estimé les juges de la CEDH. Ils ont toutefois déclaré irrecevable la plainte pour "poursuite politique" déposée par Navalny et son frère dans les mêmes griefs.
Aleksey Navalny, figure de l'opposition à Vladimir Poutine, a été condamné à trois ans et demi de prison avec sursis et son frère Oleg à la même peine, mais ferme, pour blanchiment d'argent et escroquerie en 2014.
La justice russe reprochait notamment aux deux frères de ne "pas avoir honoré les obligations contractuelles" liant en 2008 leur société à une filiale d'Yves Rocher, auparavant cliente de la Poste russe, pour le transport de colis, les accusant notamment de surfacturation.
Mais "les services qu'elle a fournis correspondaient à ceux qui étaient dans les contrats", a rappelé la CEDH. De plus, selon la Cour, "les juridiction nationales n'ont pas indiqué de méthode qui aurait permis d'identifier un +motif d'enrichissement personnel+ répréhensible".
La CEDH a soutenu que les frères Navalny avait été condamnés pour des actions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas une infraction d'après le droit national russe.
"L'équité de la procédure pénale en a été compromise", a statué l'institution paneuropéenne. La CEDH a jugé que la condamnation avait violé le droit à un procès équitable des requérants et a condamné l'état russe à leur verser chacun 10.000 euros pour dommages moraux.
"Selon cette décision, Navalny a été traduit en justice illégalement, puisque les actions pour lesquelles il a été condamné ne sont pas des délits", a déclaré à l'agence de presse Interfax l'avocate de l'opposant, Olga Mikhaïlova. En conséquence, "la défense va demander à la Cour suprême de la Fédération russe non pas de revenir sur l'affaire, mais de l'annuler", a-t-elle annoncé.
Aleksey Navalny et ses soutiens ont toujours nié les faits reprochés et dénoncé un procès motivé politiquement. Lui et son frère avaient saisi la cour en ce sens, mais la cour a déclaré que la plainte était irrecevable puisqu'il y avait déjà eu "violation du droit à un procès équitable".
"L'irrecevabilité de la plainte était évidente", a commenté le ministère de la Justice. "En même temps, on ne peut être d'accord avec la position du tribunal sur l'existence de violations de procédure", a ajouté le ministère qui fera savoir d'ici trois mois sa position sur un éventuel recours devant la haute chambre de la CEDH.
Principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny a été la cible de plusieurs agressions, dont le jet d'un liquide vert qui a requis un traitement ophtalmologique en Espagne, et de nombreuses poursuites judiciaires ayant visé, selon ses partisans, à entraver ses ambitions politiques.