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"On n'a jamais accueilli autant de réfugiés en Belgique": VRAI ou FAUX?

La rédaction de Bel RTL passe au crible quatre idées reçues à propos des demandeurs d'asile. A l'aide d'académiciens, le journaliste Antonio Solimando a voulu démêler le vrai du faux...

Des milliers de migrants ont continué de franchir la frontière avec la Hongrie hier. Face à cette crise, de nombreuses idées reçues circulent. Notre journaliste Antonio Solimando est allé vérifier le fondement de ces idées reçues. A l’aide de spécialistes académiques et des statistiques belges et européennes, voici de quoi distinguer le vrai du faux, dans ce dossier qui attise les peurs et les fantasmes.


Idée-reçue n°1 : "On n’a jamais accueilli autant de réfugiés en Belgique!"

C'est faux. Le phénomène n'est pas récent. Ni en Europe en général, ni en Belgique. Remontons à la guerre 40-45 avec Marco Martiniello, professeur à l'université de Liège et spécialiste des flux migratoires. "Pendant la deuxième guerre mondiale, on a évidemment une grande question de réfugiés, notamment beaucoup de Belges. Ils vont quitter le pays pour échapper à l'emprise du régime nazi. C'est récurrent: dès qu'il y a conflit, guerre, dictature, il y a production de réfugiés".

Sur les 7 premiers mois de 2015, la Belgique a reçu 12.133 demandes d’asile. Si la demande progresse dans les mêmes proportions jusqu’à la fin de l’année, on pourrait atteindre un total 20.799 demandes en 2015. C'est moins qu’en 2011 et 2012, par exemple. L'impression d'invasion de ces derniers jours n'est qu'une impression: "On a l'impression qu'ils arrivent tous maintenant. Or, lorsque l'on regarde les chiffres notamment des personnes qui ont péri en Méditerranée (au moins 25.000 morts au cours des dix dernières années), on n'est pas dans un phénomène ponctuel, mais qui s'inscrit dans la durée. Et rien ne dit que cela va s'estomper", poursuit le professeur.

Idée-reçue n°2 : "Les réfugiés syriens n’arrivent qu’aujourd’hui alors que leur conflit dure depuis près de 5 ans"

C'est faux. La Belgique accueille déjà depuis plusieurs années de nombreux réfugiés syriens : 20% des demandes d’asile en 2014 étaient syriennes. En Europe, il y avait près de 50.000 demandes de protection déposées par des syriens en 2013, et 122.115 en 2014. L’accélération des derniers mois est due à l’évolution du conflit sur place : la progression et barbarie des terroristes de l’Etat islamique, notamment, comme l'explique Didier Leroy, professeur à l'école royale militaire et à l'ULB. "C'est le conflit, je pense, le plus létal depuis la seconde guerre mondiale en termes d'ampleur de crise humanitaire notamment. De nombreux jeunes hommes qui étaient prêts à se battre le sont probablement de moins en moins, tellement il y a eu de morts, au sein de leur famille".

Idée-reçue n°3 : "Les jeunes hommes syriens fuient la guerre au lieu de combattre, contrairement à nos aïeux qui ont fait front, à leur époque, lors de la Guerre 40-45..."

C'est faux. Il y a bien des Syriens en âge de combattre sur les fronts de résistance. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs morts au combat. Le conflit syrien est aussi l’une des guerres intérieures les plus meurtrières depuis des décennies.
Ensuite, la comparaison du conflit syrien et la seconde guerre mondiale n’a pas lieu d’être : il ne s’agit pas ici de combats classiques entre armées régulières.

De nombreux Syriens désapprouvent la répression sanglante du régime de leur président Bachar El Assad, mais n’approuvent pas non plus les objectifs de l’association terroriste Etat islamique. Entre ces deux positions, il ne reste souvent plus que la fuite, comme l'explique Tanguy De Wilde, professeur de géopolitique à l'UCL. "Ils peuvent se sentir opprimés par le régime, mais ils ne veulent pas entrer dans la mouvance djihadiste. Il y a encore une troisième option, c'est l'armée syrienne libre, les mouvements de résistances non extrémiste et non djihadistes, mais ceux-là ont été progressivement minorisés".

Idée-reçue n°4 : "L’Europe fait face à une crise sans précédents à cause du nombre de candidats-réfugiés..."

C’est partiellement vrai. En effet, le record de demandes d’asile en Europe sur un mois (107.000) a été battu en juillet, et l’Allemagne s’attend à un autre record, avec 800.000 demandes d’asile au total en 2015.

Mais l’Europe a toujours accueilli des vagues de réfugiés, depuis la seconde guerre mondiale. Elle est donc en principe rôdée à l'exercice. La différence, ici, est le changement de stratégie des passeurs : la route Sicile-France/Belgique/Grande-Bretagne n’est plus la seule empruntée, il y désormais aussi la voie de la Grèce, remontée des Balkans, pour aller déposer sa demande d’asile en Allemagne ou en Suède.

Un changement de route, qui bouleverse les habitudes d’accueil, et qui donne lieu à des réactions hostiles : des violences de la part des autorités grecques et macédoniennes peu habitués à gérer des flux de réfugiés, la Bulgarie qui renforce sa présence militaire aux postes-frontières, la Hongrie qui érige des barrières de barbelés, etc. "Les gens ne comprennent pas, éclaire Marco Martiniello, spécialiste des flux migratoires à l'université de Liège. Quelques personnes avec qui je discutais à Lesbos (une île grecque, ndlr) ne comprenaient pas pourquoi il y avait des gens qui venaient de Syrie chez eux, puisqu'eux-mêmes, s'ils avaient le choix, partiraient de Lesbos puisqu'il n'y a pas de travail. Les choses sont compliquées, je crois qu'il faut beaucoup de pédagogie en plus du travail de géopolitique et en plus du travail d'accueil".

@ASolim

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