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Pour Nathalie, ouvrir quatre magasins de prêt-à-porter dans trois villes belges différentes est l'aventure de toute une vie. Malheureusement, cette année marque la fin tragique de trois de ses boutiques : elles sont en faillite. "La crise nous a tout pris", écrit cette jeune entrepreneuse via le bouton orange Alertez-nous. Ça ne s'arrête pas là : Nathalie, ainsi que son époux et associé, doivent rembourser un prêt auprès de leur banque. Il s'agirait d'un montant de près de 57.000€, sans compter les intérêts.
Selon Nathalie, cette banque n'a pas souhaité l'aider dans ses moments les plus difficiles. "Je suis tellement en colère, car les banques devraient être là pour nous aider, et là on a perdu trois magasins en un an ! On est déjà tellement dans la merde qu’au final cette banque va nous mettre le coup de grâce."
Une année de galères : "Le Covid nous a achevés"
Deux sociétés, trois faillites, trois magasins fermés. Cette situation n'arrive évidemment pas du jour au lendemain. Durant toute cette première année de pandémie, l'angoisse a suivi de près Nathalie et son mari. Tout commence en mars 2020, lorsque le premier confinement s'empare du pays. "Le prêt-à-porter, ce n'était déjà pas évident", se souvient Nathalie, qui travaille avec des marques haut de gamme. "On avait mis une stratégie en place, avec un autre fournisseur, pour vraiment se relancer à fond. Au moment où on a fait ça, on n'était pas au point de faire faillite. Le Covid nous a achevés."
Nathalie disposait de deux sociétés avec son mari. Le premier magasin s'ouvre à Waterloo il y a trois ans. Deux autres suivent petit à petit : un à Knokke, et un à Anvers. Enfin, en 2020, elle ouvre un quatrième magasin, encore une fois à Waterloo. Cette ouverture était prévue bien avant la crise, et les contrats étaient déjà signés : impossible de faire marche arrière.
À ce moment là, on a compris qu’on nous avait tués et que c’était mort
L'un des magasins de Waterloo est le premier à fermer, faute de clients, juste après le premier confinement, en juin 2020. "Notre boutique de Knokke ne fonctionne pas l’hiver", poursuit Nathalie. "C’est comme ça à la Côte, donc on compte vraiment sur les mois d'avril à septembre pour faire des réserves de liquidités. Mais à ce moment-là, la ville était bloquée, donc toute notre saison a été catastrophique. L’été, il y avait du monde, mais pas d’acheteurs. On n’avait pas les ressources pour tenir l’hiver, et à ce moment-là, on a compris qu’on nous avait tués et que c’était mort."
Tout le monde se casse la gueule
Le couple est contraint de fermer son magasin de Knokke en octobre 2020, faute de touristes étrangers. "Pourtant, les propriétaires nous avaient fait des réductions de loyer", précise la gérante. Enfin, le magasin d'Anvers, situé dans une rue commerçante regroupant des enseignes de luxe, fermera prochainement. "Anvers se meurt, on est pourtant situé sur une des plus belles rues. Là-bas, 6 autres boutiques de marques sont parties : tout le monde se casse la gueule."
Les aides reçues par l'État ne suffisent pas à sauver ses magasins. Au total, Nathalie et son époux doivent licencier trois personnes, sans compter les étudiants qui perdent leur job dans leurs boutiques.
Le système de rendez-vous dans les magasins: encore un mauvais coup à encaisser
Nathalie parvient à conserver une de ses boutiques à Waterloo, au prix de nombreux efforts. "Je travaille seule, sans personnel", précise la gérante. "Waterloo est une ville fantôme. Les autres magasins aussi ont des chiffres catastrophiques. Et là, avec la règle des prises de rendez-vous, c’est l’apothéose."
On attend les rendez-vous qui ne viennent pas
En effet, depuis le 26 mars 2021, à minuit, les magasins dits "non-essentiels" sont accessibles uniquement sur rendez-vous. Cela comprend les magasins de vêtements. Durant notre conversation qui dure un peu plus de 45 minutes, aucun client ne rentre dans le magasin de Nathalie. D'ailleurs, cette semaine, un seul rendez-vous a été pris. "On attend les rendez-vous qui ne viennent pas", commente la jeune indépendante. "On essaye de donner des rendez-vous immédiats, mais il n'y a personne dans les rues."
Nathalie l'avoue : "J’aurais préféré fermer, et qu’on reçoivent des aides. Que ce soit bénéfique pour tout le monde, et qu’on soit égaux. Qu’on prenne tous sur nous, mais qu’on rouvre tout le monde en mai, par exemple. C’est toujours des demi-mesures, c’est n’importe quoi, ça ne nous aide pas." Plus encore : "On se pose même la question de savoir s’ils ont fait ça pour pas qu’on ait des aides."
C'est triste à dire, mais il n'y aura personne
Dans son magasin, le système de rendez-vous ne tient pas la route. "C'est catastrophique", insiste Nathalie. "Les gens ne vont pas me téléphoner pour réserver pour venir acheter une robe. Et puis, quand les gens réservent, ils se sentent obligés d’acheter, donc ils ne viennent pas. C'est triste à dire, mais il n'y aura personne."
À terre, elle reçoit un dernier coup de pied: une somme exorbitante à rembourser
"Je suis à bout", confie honnêtement Nathalie. "Moi, j’ai eu ma dose ; j’en fais des malaises. Hier, j’avais des vertiges. Je sens mon corps qui me dit merde, qui me lâche." Après six ans de travail dans une radio locale en tant qu'animatrice et directrice commerciale, elle décidait il y a trois ans de se lancer à son compte. Elle n'imaginait pas cette aventure prendre une telle tournure. "C'est mon projet de vie qui se casse la gueule."
À 34 ans, cette jeune entrepreneuse qui se qualifie d'"ambitieuse et forte de caractère" doit rembourser une dette de plusieurs dizaines de milliers d'euros. Elle affirme avoir emprunté en tout près de 57.000€ pour des travaux dans certaines de ses boutiques. Aujourd'hui, sa banque lui réclamerait un supplément d'intérêt qui rend la somme d'autant plus difficile à rembourser.
Les banques nous font toutes un énorme 'fuck'
Nathalie regrette un manque de discussion avec sa banque, qui "m'a directement assignée en justice", selon les mots de l'indépendante. "Je trouve que les banques, qui ont quand même reçu énormément d’argent de l’État, sont censées nous aider. Là, elles nous font toutes un énorme 'fuck' [un "doigt d'honneur", NDLR]. Ça me révolte, la manière dont elles nous traitent. Quand je vois ce que je dois rembourser, je me dis : 'mais vous voulez me tuer, en fait ?' Je trouve ça dégueulasse."
L'entrepreneuse doit en plus ajouter des frais de justice liés aux procédures en cours pour négocier avec la banque. Elle ne voit pas le bout du tunnel. "On a tout essayé, et ça n’a pas été suffisant", conclut-elle, une boule dans la gorge. "Quand on est jeunes entrepreneurs, c'est vraiment difficile. Les banques, quand elles ont vu le Covid arriver, elles nous ont dit 'Démerdez-vous', juste quand on avait besoin d’elles. C’est immonde, vraiment à gerber."