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"En tant que victime, je me suis senti laissé à l’abandon", confie Florian (prénom d’emprunt). Après s’être fait agresser chez lui dans le courant du mois d’août, l’homme a voulu déposer plainte auprès du commissariat de sa commune. Il nous raconte les difficultés qu’il a rencontrées avant de pouvoir finalement être entendu.
Florian, 26 ans, vit avec sa compagne et ses trois enfants à Soumagne, petite commune située dans le Pays de Herve, dans la province de Liège.
Dans la nuit du 9 au 10 août, le jeune homme se fait agresser à son domicile. Il connaît le coupable…
"Ma femme a une amie qui a des problèmes de couple. Elle s’est confiée à elle et quelques jours plus tard, son mec est venu chez nous pour tabasser ma compagne sans raison. Il pensait qu’elle s’était mêlée de ses histoires, alors qu’elle n’a fait qu’écouter sa copine", explique le père de famille.
Agressé à domicile
L’agresseur, âgé d’une trentaine d’années "a mis un coup de pied dans la porte", raconte Florian. Avant d’ajouter:"Il m’a étranglé jusqu’à la perte de connaissance, puis m’a tabassé avec un coup-de poing-américain".
Il m'a étranglé jusqu'à la perte de connaissance
À ce moment-là, les deux plus jeunes enfants du couple dorment à l’étage. L’aînée, elle, regarde un film. "Quand elle a entendu les cris, elle est descendue et m’a vu en sang. Le fait de me voir partir en ambulance l’a traumatisé. Elle est paniquée depuis", témoigne la victime.
Sa conjointe l’accompagne à l’hôpital, où elle est ensuite interrogée par la police. Lorsque le jeune homme essaye de raconter sa version des faits, les policiers lui répondent qu’ils recueilleront son témoignage plus tard.
"Ils l’ont écouté elle, mais pas moi. Apparemment, je n’étais pas apte à être interrogé. Pourtant, j’étais pleinement conscient à ce moment-là", insiste-t-il.
Les agents sont formels: Florian doit rentrer chez lui et attendre d’être convoqué pour déposer sa plainte au commissariat. Après un week-end sans nouvelles, il se rend au bureau de police de Fléron.
Arrivé sur place, on lui demande une nouvelle fois d’attendre la convocation. Quelques jours passent, il téléphone au bureau pour obtenir davantage d’informations, mais le même discours lui est encore répété.
Un manque de personnel
Révolté, il se rend au commissariat. Quand il clame son mécontentement, affirmant qu’il a le droit de porter plainte, un policier lui explique qu’il ne peut pas prendre sa déposition en raison d’un manque d’effectif.
"Mais que fait cette justice? Je trouve ça inadmissible de ne pas être entendu rapidement, et encore plus que mon agresseur ne soit pas inquiété!", déclare-t-il, en colère.
C’est finalement près de deux semaines après son agression que la victime reçoit sa convocation. Mais encore une fois, tout ne se passe pas comme prévu. Le jeune homme raconte:"C’était une belle blague, j’ai reçu la convocation le 22 août alors que j’étais soi-disant convoqué le 21. J’ai appelé le commissariat et ils ont déplacé mon rendez-vous au lendemain. Mais quand je suis arrivé, la dame m’a très mal accueilli, me disant qu’elle n’avait pas été informée de ma venue, et que je devais revenir dans 1h30".
Personne ne s'est vraiment occupé de moi
Lorsque Florian peut finalement raconter ce qui lui est arrivé, il ne se sent pas écouté.
"Ils ont fait ça très rapidement, personne ne s’est vraiment occupé de moi. On ne m’a rien expliqué, je suis dans le flou total. Je ne sais pas ce que je dois faire ni comment ça va se passer dans le futur. En tant que victime, je me suis senti complètement laissé à l’abandon", déplore-t-il.
La version de la police
Contactés par nos soins, Fabien Paesmans, Chef de Corps de la zone de Police concernée, affirme que "l’audition d’une victime se fait une fois que les soins nécessaires ont été fournis".
Il assure également ne pas être informé d’un manque d’effectif, mais explique cependant que la période de vacances peut engendrer une réduction du nombre de personnel disponible.
"Par contre, toute victime qui se présente mérite d’être entendue, le manque d’effectif n’est pas une excuse pour ne pas accueillir les personnes", insiste-t-il. L'homme confirme donc que la plainte de Florian aurait dû être actée. Avant d’ajouter:"Je peux comprendre le sentiment de la victime".
Le Comité P, organe de contrôle des services de police belges, explique que "si Florian estime que son dossier a été mal géré par la police, il est recommandé de déposer une plainte" auprès de leurs services.
Celle-ci doit être écrite, et peut être réalisée par l’envoi d’un courrier à l’adresse postale, ou via un formulaire présent sur le site de l’organisme.
En 2022, le Comité P a reçu 2690 plaintes. Leur contenu concerne majoritairement des manquements dans l’exécution de la tâche policière ou dans l’utilisation des compétences (97,6%). Parmi ceux-ci, le premier fait dénoncé est le refus d'acter.
J'ai hésité à faire justice moi-même
En attendant, la seule information dont dispose le jeune homme à l’heure actuelle est que son agresseur se trouve toujours en liberté. Une situation peu rassurante pour lui, et pour le reste de sa famille.
"À chaque portière qui se ferme dans la rue, ma compagne sursaute. Ma fille a peur avant d’aller dormir, et moi je suis suivi par un psychologue. J’ai hésité à faire justice moi-même, mais je ne voulais pas que ça me retombe dessus ", explique-t-il.
Que dit la loi?
Selon la loi, une victime n’a pas besoin de se déplacer, et peut porter plainte en ligne, lorsqu’il s’agit d’un vol ou d’une dégradation de bien.
S’il s’agit d’un délit ou d’un crime, il est conseillé de faire une déposition auprès de la police, et ce, le plus rapidement possible, pour qu’elle dispose des informations précises concernant les faits et les dommages subis.
Un fonctionnaire de police consigne alors un procès-verbal, dans lequel il aura, au préalable, rapporter tous les renseignements utiles au dossier. Ce document sera ensuite transmis au parquet, et fera l’objet d’une enquête.
Au besoin, des services d’aide policière aux victimes sont supposés être proposés dans chaque zone de police fédérale et locale.
Les membres du personnel peuvent apporter un soutien moral, une écoute, une aide dans les démarches pratiques et/ou administratives, ou encore informer sur les droits ou sur la procédure de dépôt de plainte et d’enquête. Toute personne ou proche d’une personne ayant subi une infraction pénale peut en faire la demande.
Des assistants de justice peuvent, eux aussi, informer et accompagner les victimes tout au long de la procédure judiciaire, du dépôt de plainte à l’exécution de la peine. Ceux-ci ont l’autorisation de divulguer des éléments concernant l’évolution de la procédure, mais également de fournir des explications sur celle-ci, de soutenir, ou d’orienter la personne en cas de besoin.
Ces services, qui relèvent de la compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles, sont publics et entièrement gratuits. Chaque maison de justice comporte un service d’accueil aux victimes. Ils sont tous répertoriés ici.