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Une habitante du Hainaut se dit victime des pratiques abusives d'une thérapeute. Pendant six mois, elle l’a consultée pour des séances d’hypnose, couplées à des conseils en nutrithérapie. Au total, elle aurait dépensé environ 5.000 euros. Ce témoignage illustre une situation problématique en Belgique : l’hypnose et la nutrithérapie ne sont pas des professions de santé reconnues.
"J’ai vécu une expérience préoccupante récemment à Mons", confie une mère de famille via le bouton orange Alertez-nous. Amélie (prénom d’emprunt) estime avoir été victime de "pratiques abusives" de la part d’une thérapeute. "Elle est vraiment douée pour vous manipuler. Elle cerne votre mal-être et vous transforme en proie facile", assure-t-elle.
Tout commence il y a environ six mois. Amélie vit une période particulièrement difficile au niveau émotionnel. Un proche lui conseille de faire des séances d’hypnose. Elle prend alors rendez-vous à Mons avec une infirmière hypnothérapeute et nutrithérapeute. "Cette dame prétendait pouvoir aider ma famille et moi à travers des séances d'hypnose pour traiter notre mal-être", explique la Wallonne.
"Lors de la première séance, nous avons exposé les raisons de notre venue. Ensuite, il y a eu les séances d’hypnose. J’ai payé en espèces", indique Amélie. Selon elle, la thérapeute lui envoie également des messages via les réseaux sociaux, d’abord une fois par semaine, puis de manière plus fréquente. "Au début, c’était réconfortant, comme une épaule sur laquelle on peut se reposer. Mais je suis tombée dans un engrenage", regrette-t-elle.
J'ai acheté des compléments alimentaires à des prix exorbitants
En tant que nutrithérapeute, elle lui propose également de prendre soin de sa santé par l’alimentation. "Elle a profité de notre vulnérabilité pour nous vendre des compléments alimentaires à des prix exorbitants", s’insurge Amélie.
"De plus, elle s'est présentée comme voyante et a affirmé que ma famille était sous l'emprise de forces négatives, nous incitant à payer des sommes considérables pour des "rituels" censés nous libérer de ces influences", poursuit Amélie. Un jour, cette thérapeute serait venue à son domicile pour "combattre les mauvaises ondes". "Pour cette intervention, j’ai dû payer 1.100 euros. Et je n’ai jamais vu de différence personnellement".
La mère de famille nous transmet quelques factures qu’elle a reçues. "Il n’était pas mentionné "hypnose" ou "magie noire" mais plutôt séance de "coaching" ou "complément alimentaire". Au total, j’ai dépensé environ 5.000 euros en 6 mois. Et rien n’est remboursé", regrette Amélie.
La Wallonne estime avoir été manipulée. "J’avoue que j’étais mal psychologiquement et émotionnellement faible. On a envie d’y croire. A un moment donné, j’ai dit "stop". Mais elle nous a vraiment harcelés pour qu’on fasse de nouvelles séances", prétend Amélie.
Je travaille dans les règles de l’art
Contactée, cette thérapeute dément toute manipulation ou pratiques abusives. "Je suis infirmière de base et j’ai suivi des formations. J’ai un diplôme universitaire en tant que nutrithérapeute. Donc, des pratiques abusives, cela m’étonnerait. Je travaille dans les règles de l’art", soutient-elle avec fermeté. "Par ailleurs, je nie toute magie noire. Je suis bio énergéticienne, une pratique basée sur les énergies. Ce qui n’a rien à voir avec ce que raconte cette personne. Et concernant les compléments alimentaires, ce ne sont que des suggestions, ce n’est pas une obligation", se défend la thérapeute.
Des professions de santé pas reconnues
Le problème réside dans le flou qui entoure ce genre de pratiques. En Belgique, il faut savoir que l’hypnose et la nutrithérapie ne sont pas des professions de santé reconnues. Il existe toutefois de multiples formations proposées par des instituts privés et des universités. La durée et les modalités des formations sont variables. Mais aucun diplôme n’est officiellement reconnu dans notre pays.
"L’hypnose n’est ni une discipline réservée, ni une profession réglementée au sens de la loi sur l’exercice des professions de santé", indique Vinciane Charlier, porte-parole du SPF santé publique. "Cette forme de communication peut être utilisée dans les domaines des soins de santé par certaines professions qui ont légalement les compétences. En tant qu’infirmier, vous ne pouvez pas utiliser l’hypnose dans l’objectif de mener une psychothérapie avec le patient", précise la porte-parole.
En ce qui concerne la nutrithérapie, "le professionnel de santé reconnu qui traite ce type de problématique est le diététicien", révèle le SPF santé publique.
Une information confirmée par Serge Pieters, président pendant de nombreuses années de l’union professionnelle des diététiciens. "Dans notre pays, trois professions peuvent donner des conseils alimentaires : les diététiciens détenteurs d’un diplôme, les médecins et les pharmaciens qui ont obtenu le droit du conseil alimentaire depuis 3-4 ans", énumère ce spécialiste.
D’après Serge Pieters, les coachs ou conseillers alimentaires, les nutrithérapeutes, les nutritionnistes ne sont donc pas des termes reconnus.
"Nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur des diplômes ou formations dans ces deux matières -hypnose et nutrithérapie- qui ne font pas partie des professions de santé", indique le SPF santé publique.
Il y a donc bien un risque d'exercice de médecine illégale
Cela ne signifie pas pour autant que les formations données ne sont pas qualitatives. "Mais il y a donc bien un risque d'exercice de médecine illégale", souligne Vinciane Charlier.
Certains thérapeutes pourraient abuser de la vulnérabilité de leurs patients. "Une personne a d’ailleurs été condamnée à une peine de prison pour ce genre d’irrégularités suite à des plaintes. Des patients ont été abusés par cette personne sans diplôme reconnu qui pratiquait des tarifs ahurissants", révèle le diététicien.
D’après lui, au-delà d’un éventuel abus au niveau financier, il y a aussi un risque au niveau de la santé des patients. "J’ai reçu en consultation des personnes qui avaient reçu une liste d’interdictions alimentaires, ce qui a en fait créer des carences", dénonce Serge Pieters, tout en rappelant que beaucoup de mutualités proposent des remboursements partiels quand un patient consulte un diététicien.
Porter plainte auprès du SPF santé publique
En cas de problème éventuel, il conseille aux patients de porter plainte. "Si une personne se sent abusée ou arnaquée par rapport à une pratique qui n’est pas en adéquation par rapport aux règles établies, qu’elle n’hésite pas à porter plainte auprès du SPF santé qui possède une cellule contre le charlatanisme. Le mieux est de constituer un dossier avec des preuves comme des factures et des prescriptions", recommande Serge Pieters.
Une démarche que pourrait donc entreprendre Amélie. Ce sera alors aux autorités compétentes de trancher sur les pratiques de sa thérapeute. "Je crois qu’il est crucial de sensibiliser le public à cette problématique", estime en tout cas la mère de famille.