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Atteinte d’un handicap, d’une agénésie, l’ayant privé d’un avant-bras à la naissance, Marie souhaite cependant vivre comme tout le monde. Pour ce faire, circuler en vélo est une priorité pour elle. Seulement, un premier vélo adapté ayant été volé, elle aurait souhaité que l’Agence pour une vie de qualité la soutienne financièrement pour en racheter un. Problème : l’AVIQ refuse. Une situation que Marie a souhaité déplorer en appuyant sur le bouton orange Alertez-nous.
Marie est une fan de vélo. Malgré un handicap de naissance qui fait qu’elle ne possède qu’un bras, cette jeune quadragénaire aime à pouvoir se balader à vélo, grâce à une adaptation spéciale, que ce soit pour ses déplacements professionnels ou pour ses loisirs. "J’ai toujours aimé ça, pouvoir sentir l’air, se déplacer plus facilement à certains endroits, ce sentiment de liberté…", explique-t-elle.
En 2005, elle demande donc une première fois un vélo adapté à son handicap, qu’elle reçoit avec l’aide financière de l’AVIQ, l’Agence pour une vie de qualité. Seulement, quelques années plus tard, elle découvre que son vélo a été subtilisé dans les rues de Bruxelles, "là où le vol de vélo est un sport national", déplore Marie.
A ce moment-là, Marie trouve un autre vélo, suffisant pour la conduite dans Bruxelles, sans solliciter l’aide de l’AVIQ. "J’en ai trouvé un par mes propres moyens qui correspondait bien aux trajets courts que j’effectuais à l’époque". Seulement, Marie a rapidement déménagé à la campagne, hors de Bruxelles. La nécessité d’un vélo plus performant, permettant d’effectuer de plus longs trajets, se faisait alors ressentir.
Problème : s’il y a 19 ans, le prix de l’adaptation du vélo était abordable, aujourd’hui, cela coûte bien plus cher : plus ou moins 4.000 euros, "soit le prix de 2 ou 3 vélos pour une personne valide", se désole-t-elle.
"La pièce que l’on installe coûte cher, en effet", nous confirme Daniel Kilimnik, manager de la ‘Maison du vélo’ à Schaerbeek. "Car il y aura sans doute pas mal d’aller-retours entre la cliente et le constructeur, qui est une petite boite basée en Allemagne, des essais-erreurs dans l’atelier… Un vélo qui arrive à l’atelier, on le vend directement. Ici, on va devoir remplacer pas mal de pièces et remonter d’autres pièces et vérifier que tout fonctionne, d’où le prix plus élevé".
Un combat qui dure depuis longtemps
Déterminée à retrouver un vélo adapté à ses pratiques, Marie ne lâche pas. "Cela va faire bientôt 4 ans que j’ai demandé une aide pour adapter un vélo afin de pouvoir faire de plus longs trajets et rouler à la campagne où je vis désormais. L’AVIQ, qui a pourtant comme mission l’intégration des personnes handicapées à la vie en société via entre autres l’aide à l’adaptation, a refusé ma demande", confie-t-elle.
Depuis lors, un procès a été gagné par Marie mais l’AVIQ a décidé de faire appel. "Ça dure, ça dure… j’ai l’impression que l’AVIQ préfère payer un avocat pendant 4 ans qu'intervenir dans l'adaptation de mon vélo. Alors qu'il me semble qu'elle devrait se réjouir de pouvoir permettre à quelqu'un de rouler à vélo et d'avoir envie d'évoluer dans cette discipline qui a des conséquences positives sur l'environnement".
Le règlement ne le prévoit pas
Contactée, l’AVIQ a tenu à revenir sur ce cas par l’intermédiaire de Lara Kotlar, sa porte-parole. "Lorsqu’un objet est volé, la règlementation ne prévoit pas le renouvellement. Les décisions sont prises au cas par cas, mais ça n’est pas prévu", affirme-t-elle.
Pour expliquer cette règle, la porte-parole apporte un exemple. "Sauf si vous avez une assurance, dans la vie de tous les jours, si on vous vole quelque chose, on ne va pas vous le repayer. A l’AVIQ, c’est la même chose". La situation n’est cependant la même si l’objet est cassé ou inutilisable. "Il y aura des entretiens. Si c’est prouvé que l’objet n’est plus utilisable, alors l’AVIQ peut intervenir financièrement".
Car, en effet, l’AVIQ prévoit un gros budget pour ces adaptations visant à rendre la vie plus facile aux personnes handicapées : par an, l’agence dégage environ 25 millions pour aider 11.000 personnes différentes.
"C’est un gros budget car c’est l’une de nos missions principales : apporter une aide matérielle pour permettre l’autonomie de ces personnes. Cependant, comme dit, c’est au cas par cas. Si un voisin obtient quelque chose, vous ne l’obtiendrez peut-être pas ; un dossier complet est à analyser dans ce genre de demande", note-t-elle.
"Pas juste", mais…
Le constat posé par Marie, Geert Wasteels, ergothérapeute, le partage également. Selon lui, faire bénéficier d’adaptations dans le quotidien des personnes handicapées est primordial pour leur autonomie. "L’important, c’est de privilégier la qualité de vie et l’indépendance de ces personnes. Sans voitures adaptées, sans maison adaptée ou, comme ici, sans vélo adapté, leur qualité de vie baisse", constate-t-il. "C’est important pour être inclus dans la société et avoir une vie sociale normale".
Seulement, comme Marie a pu le constater, ces adaptations coutent cher et ne sont pas toujours acceptées. "Il y a de temps en temps des demandes qui sont refusées", déplore l’ergothérapeute, qui avoue ne pas toujours comprendre ces décisions. "Ce sont souvent quand l’objet de la demande n’est pas assez motivé ou détaillé. La plupart des demandes sont acceptées, mais certains sont laissées de côté".
La règle décidée par l’AVIQ qui explique qu’un bien volé, ne peut être à nouveau remboursé est d’ailleurs "injuste" selon Geert Wasteels. "Ce n’est pas de la faute de la personne si son vélo a été volé, comme ce n’est pas de la faute de la personne si l’objet est cassé ou inutilisable. La seule différence entre les deux, c’est que la première raison n’est pas valable pour l’AVIQ. C’est comme ça, ce sont leurs règles".