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Les chaises ont valsé vendredi soir à la direction du groupe nordiste Tereos, qui a remplacé ses principaux dirigeants au terme d'un coup de force organisé par des coopérateurs opposés à la stratégie du deuxième groupe sucrier mondial.
Alexis Duval, petit-fils du fondateur et fils de Philippe Duval, son prédécesseur à la présidence du directoire jusqu'en 2012, a été débarqué par le conseil de surveillance réuni vendredi soir, au terme d'une épique bataille judiciaire livrée au coeur des instances de direction du groupe.
En fin d'après-midi vendredi, le tribunal judiciaire de Senlis (Oise) avait ouvert la voie à ce coup de théâtre en déboutant le président sortant du conseil de surveillance qui réclamait la suspension de trois de ses membres "frondeurs" et contestait la validité du conseil convoqué vendredi soir.
En jeu se trouvait la stratégie de diversification internationale de ce géant au chiffre d'affaires annuel de 4,5 milliards d'euros, menée depuis son accession à la direction par M. Duval, qui a hissé Tereos de la 4e place mondiale à la 2e en un peu moins d'une décennie à coup d'acquisitions.
Une partie des 12.000 agriculteurs, planteurs de betteraves actionnaires et propriétaires du groupe, contestaient cette stratégie qui a lourdement accentué l'endettement de Tereos, sur fond de baisse des cours mondiaux du sucre.
A peine la décision du tribunal était-elle connue que le conseil de surveillance se réunissait: l'un des trois principaux meneurs de la fronde, Gérard Clay, agriculteur dans le Pas-de-Calais, a été élu à sa présidence; côté directoire, Alexis Duval a été remplacé par Philippe de Raynal, ancien dirigeant d'une autre grande coopérative agricole Axereal.
- "Recoller les morceaux" -
Interrogé par l'AFP vendredi soir, Xavier Laude, agriculteur près de Cambrai qui faisait partie des "frondeurs" siégeant au conseil de surveillance, s'est dit "satisfait": reconstruire "va faire partie de ce qu'on va devoir faire. Il y a toute la partie économique qui nous préoccupait, mais aussi la partie relationnelle, gouvernance, il va falloir recoller les morceaux".
Une tâche qui s'annonce rude tant les flèches ont été empoisonnées depuis trois ans. Pour tenter de débarquer la direction, les frondeurs ont été jusqu'à accuser leur groupe d'avoir maintenu des livraisons de sorbitol (utilisé pour réaliser des explosifs, NDR) en Syrie en 2017 dans des zones où elles risquaient de se retrouver dans les mains de groupes terroristes. Le parquet antiterroriste avait finalement classé cette plainte sans suite.
Du côté des salariés, qui ces derniers jours avaient pris fait et cause pour l'ancienne direction, craignant des fermetures d'usines si la stratégie du groupe devait changer brusquement, Lionnel Cavennes, délégué du personnel CGT, a exprimé son inquiétude face à "l'inconnu".
"A la tête du groupe, on peut mettre Pierre, Paul, Jacques, ce n'est pas notre souci premier. Nous, on est inquiets pour les salariés, pour les usines et pour le groupe", a-t-il dit à l'AFP.
"La politique du groupe, on la connaissait, la voie était tracée. Là on a un nouveau conseil de surveillance, un nouveau président du directoire. Tout est nouveau et on avance vers l'inconnu", a-t-il déploré, dans un contexte de crises multiples avec "la sécheresse, la jaunisse de la betterave".
Outre la chute des prix, le secteur français du sucre a en effet subi de plein fouet une crise climatique cette année, avec une épidémie de "jaunisse" due à un puceron, qui a fait plonger la récolte de betteraves de 30% en 2020 par rapport à la moyenne des cinq dernières années, au plus bas depuis plus de 30 ans.
Le secteur, qui concerne 46.000 emplois directs en France, a été tiré de l'ornière par le gouvernement qui vient de réautoriser, au grand dam des écologistes, l'utilisation de semences enrobées d'insecticides néonicotinoïdes pour protéger les betteraves de la jaunisse pendant trois ans.
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