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Signes religieux dans les services publics: "On doit pouvoir être traité de manière impartiale par tous ceux qui représentent l'Etat"

Paul Magnette, président du PS, était l'invité de Fabrice Grosfilley ce matin sur Bel RTL. Il est revenu sur le débat de la neutralité dans les services publics suscité après la condamnation de la Stib.

La proposition d'ordonnance du MR visant à assurer la neutralité et l'impartialité des agents des services publics de la Région de Bruxelles-Capitale et à interdire le port de signes convictionnels ostentatoires, a été déposée vendredi au greffe de l'assemblée bruxelloise, a indiqué la cheffe du groupe libéral, Alexia Bertrand. Ce matin, Paul Magnette, président du PS, était l'invité de Fabrice Grosfilley sur Bel RTL, l'occasion pour lui de revenir sur le débat de la neutralité dans les services publics suscité après la décision de justice condamnant la Stib.

Le rappel des faits

Le tribunal du travail de Bruxelles a condamné, au début du mois, la STIB pour discrimination fondée sur les convictions religieuses et sur le genre. Selon la Ligue des Droits humains (LDH), une plaignante, de confession musulmane, portant le foulard et à la recherche d'un emploi, avait fait appel à des agences d'intérim et postulé à la STIB en décembre 2015 et janvier 2016. Par deux fois, les agences de recrutement lui ont fait savoir que la STIB appliquait une politique de neutralité qui n'autorise aucun signe convictionnel et qu'elle devrait s'y conformer en retirant son foulard. Disposée à transformer son foulard en un léger turban, elle s'est présentée à un entretien lors duquel la question du retrait du foulard a été abordée: celui-ci est interdit, peu importe la façon dont il est porté.

Selon la LDH, la STIB se défend d'avoir écarté cette candidature en raison du choix de porter le voile. Elle ne conteste dans le même temps aucunement pratiquer une politique de "neutralité exclusive" interdisant à tous les membres de son personnel le port de signes convictionnels, politiques, philosophiques ou religieux. La STIB n'a pas pu justifier la discrimination indirecte basée sur le genre devenue apparente, a jugé le tribunal.

Paul Magnette s'exprime sur la neutralité: "Le principe fondamental, c'est la laïcité"

Invité ce matin sur Bel RTL, Paul Magnette s'est exprimé sur la polémique. "Je pense qu'il faut légiférer parce qu'on voit bien qu'on a de plus en plus des recours. Il y a quelques années, il y en avait eu un chez Actiris à Bruxelles. L'entreprise s'est adaptée, il n'y a pas eu de modification fondamentale de la réalité sur le terrain. Mais ici, on a eu cette décision contre la STIB qui a suscité beaucoup plus de débat politique et qui fait beaucoup de vagues. Si on ne décide pas ce qu'est la règle, on va avoir des recours dans tous les sens et ça ne finira jamais", a-t-il débuté au micro de Fabrice Grosfilley. 

La proposition de loi est d'autoriser les signes distinctifs sauf si on est en contact avec le public et qu'on exerce une fonction de contrôle ou de sanction. Mais dans quels cas précis le port du voile ne sera-t-il pas possible ? "Le principe fondamental, c'est la laïcité! On veut d'ailleurs la réinscrire dans la Constitution, c'est la neutralité de l'État. Vous et moi, citoyens, on doit pouvoir être traités de manière impartiale par tous ceux qui représentent l'État. Il y a beaucoup d'endroits où c'est déjà très clair : dans l'enseignement, c'est interdit. Dans la police, c'est interdit. La Défense, la magistrature, tout ça évidemment doit le rester", a détaillé le président du PS.

Si les règles de neutralité sont claires pour ces métiers, elles ne le sont pas voire sont existantes pour toute une série d'autres endroits comme "l'administration communale, régionale, la STIB, les TEC en Wallonie, etc". "Et s'il n'y a pas de règle, le risque c'est qu'à un moment donné on ait un démantèlement complet. Il faut rappeler que tout personne qui incarne l'autorité et qui est face au public ne peut pas porter de signe religieux. Ça doit être le principe fondamental", précise Paul Magnette. 

 Si vous êtes un agent sanctionnateur, quelle que soit la fonction que vous exercez, vous ne pouvez pas porter de signe convictionnel

Pour Paul Magnette, toute personne qui représente l'Etat ne doit pas porter de signes convictionnels distincts. Mais d'un autre côté, la condamnation de la Stib pour discrimination fait écho au sentiment de stigmatisation ressenti par beaucoup de femmes voilées. Que faire dans ces cas-là? Comment satisfaire tout le monde et éviter des discriminations?

"La Constitution reconnait la liberté religieuse comme tous les actes de droit international. Mais toute liberté peut être limitée. On l'a vu avec le coronavirus : notre liberté a été fortement limitée au nom de la santé publique. Ici le raisonnement est le même : au nom de la neutralité de l'État, au nom de l'impartialité, on doit pouvoir limiter la liberté religieuse", explique-t-il. 

"Si vous entrez à la police comme simple inspecteur, vous ne pouvez pas porter de signe distinctif. Pour nous, c'est fondamental. Contrairement à d'autres partis qui considèrent qu'on peut porter le voile dans toutes les fonctions, pour nous (le PS) si vous êtes un agent sanctionnateur, quelle que soit la fonction que vous exercez, vous ne pouvez pas porter de signe convictionnel. Par contre, vous pouvez quand même gravir les échelons, tant que vous êtes dans l'administration, sans contact avec le public parce que là ça ne pose aucun problème", continue Paul Magnette.  

Mais dans la pratique, qu'est-ce que ça veut dire? Qui et qui ne peut pas porter de signes religieux? 

> Si je suis chauffeur de bus, j'exerce une certaine autorité puisque je contrôle les tickets des passagers. Puis-je porter un signe convictionnel religieux comme le voile par exemple? 

"C'est une fonction de contrôle. Le chauffeur de bus fait régner l'ordre dans son bus. Il peut décider qu'un passager ne peut pas rentrer parce qu'il est ivre ou parce qu'il pose des problèmes aux autres passagers donc il a une fonction d'autorité". Les signes religieux ne devraient donc pas être tolérés, selon le président du PS. 

> Si je suis une employée au guichet d'une administration communale qui délivre des cartes d'identité ?

"Ça dépend des fonctions qu'elle remplit. Mais par exemple, une employée qui vérifie les conditions de regroupement familial a une fonction d'identité, elle ne peut pas porter de signes convictionnels."

"Une personne qui travaille dans un service propreté et qui a le pouvoir de dresser un PV quand quelqu'un a jeté un mégot de cigarette par exemple, c'est aussi une fonction d'autorité donc on ne peut pas porter le signe convictionnel."

"C'est très important de le refixer parce qu'on voit certains partis, et je vais le dire clairement : on voit le PTB dire aujourd'hui qu'on doit pouvoir autoriser le voile partout. Si on suit le PTB, tout le monde doit pouvoir porter le voile. Moi je pense que ça n'est pas du tout acceptable. Il est fondamental de rappeler le principe de la laïcité et le principe de la neutralité des services publics", a-t-il martelé. 

> Si je suis un employé d'espace vert, donc à priori pas une fonction de contrôle ni de sanction, je pourrais porter un signe religieux ?

"Ca dépend : si vous êtes un employé des espaces verts dans une grande ville, et que vous avez un pouvoir sanctionnateur car vous pouvez dresser des CV, ce qui arrive souvent, vous avez une autorité", et donc une neutralité religieuse à respecter. 

> Est-ce que porter le badge ou le tee-shirt d'un parti politique sera possible quand on n'est pas dans une fonction d'autorité ?

"Non. Alors, on est en dehors de la question des signes religieux, c'est des règlements qui doivent se tenir dans chacune des organisations. La seule exception parce que c'est historique, ce sont les signes syndicaux. Historiquement, les syndicats, sur le lieu du travail, ont obtenu le droit de porter leur signe de conviction. Mais c'est la seule exception. Pour le reste, tous les autres doivent respecter la neutralité."

> Comment faire la différence entre ce qui est religieux et ce qui n'est pas religieux et ce qui est politique ?

"Ça c'est très simple. Il y a toute une jurisprudence internationale qui le dit. Il y a la liberté de conviction au sens large et à l'intérieur de la liberté de conviction, il y a la liberté de religion, qui implique notamment les signes convictionnels."

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