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Pour le vidéocast "La tête dans les étoiles", Luc Gilson reçoit chaque semaine Pierre-Emmanuel Paulis, formateur à l'Eurospace Center et président de la Mars Society Belgium. Cette semaine, il alerte sur les dangers croissants des débris spatiaux, qui représentent un réel défi.
Depuis le lancement du premier satellite Spoutnik en 1957, l'espace s'est progressivement encombré de débris. Pierre-Emmanuel Paulis, formateur à l'Eurospace Center et président de la Mars Society Belgium, explique que ce problème, négligé à ses débuts, prend aujourd'hui des proportions inquiétantes.
Des débris spatiaux en constante augmentation
À chaque lancement, une fusée génère des débris. Ces morceaux abandonnés, qu'ils soient issus des étages des fusées ou des satellites en fin de vie, restent en orbite autour de la Terre ou même de la Lune.
Par exemple, le troisième étage de la fusée Saturne V de la mission Apollo 12 tourne actuellement autour du Soleil et pourrait un jour revenir vers la Terre, explique Pierre-Emmanuel Paulis. "Donc, elle pourrait un jour pénétrer dans notre couche d'atmosphère. Il y a tout ça, des éléments de fusée, mais il y a aussi des satellites abandonnés qui sont arrivés en fin de vie. Et on ne sait pas quoi en faire", met-il en garde.
Selon l'Agence Spatiale Européenne (ESA), il y a aujourd'hui plus de 900.000 débris de plus d'un centimètre en orbite. Chacun de ces fragments, même minuscule, représente un danger potentiel pour les satellites actifs et les missions habitées. "Ça va à 28.000 km heure, donc aucun blindage ne résisterait à un tel impact. L'ISS peut très bien se faire perforer de fond en comble par une vis, ou n'importe quoi. Et donc, il arrive fréquemment qu'il y ait des alertes", précise Pierre-Emmanuel Paulis.
Les dangers concrets des débris spatiaux
Il n'est donc pas rare que la Station Spatiale Internationale (ISS) soit mise en alerte en raison de la menace de débris. Le NORAD, une organisation américaine, répertorie et surveille tous les objets en orbite, y compris les plus petits comme des outils perdus par les astronautes. Lorsque les débris approchent dangereusement de l'ISS, des mesures peuvent être prises, comme modifier l'orbite de la station ou demander aux astronautes de se réfugier dans un vaisseau "Soyouz ", qui sont des vaisseaux de secours, explique l'expert spatial.
Récemment, un vaisseau Soyouz amarré à l'ISS a été endommagé par un impact, probablement causé par un débris ou une météorite. Cet incident a contraint les cosmonautes à prolonger leur séjour en orbite en attendant l'envoi d'un vaisseau de remplacement.
Vers une régulation et une gestion des débris
La prise de conscience de ce problème grandit, et des efforts sont faits pour surveiller et gérer les débris spatiaux. Des initiatives comme celle de l'ESA préconisent de légiférer pour obliger les opérateurs à gérer les débris générés par leurs missions. Les nouvelles technologies, comme celles développées par SpaceX, permettent de récupérer et de réutiliser les étages de fusée, réduisant ainsi les déchets spatiaux.
Cependant, la solution ne sera pas simple. Un "camion poubelle" spatial capable de récupérer tous les débris est une idée séduisante mais irréaliste en raison des coûts et des défis techniques. La réduction des nouveaux débris et la gestion proactive des orbites encombrées restent des priorités.
Le "New space" et ses défis
L'essor des entreprises privées comme SpaceX et Blue Origin, ainsi que les constellations de satellites pour les communications internet, multiplient les objets en orbite. Bien que ces initiatives aient des avantages économiques et technologiques, elles augmentent également les risques de collisions. "C'est devenu un business, vous pouvez acheter un Starlink, et ça permettra, c'est le but ultime d'Elon Musk, de pouvoir aller sur Mars", explique Pierre-Emmanuel Paulis.
Pierre-Emmanuel Paulis souligne l'importance d'une réglementation stricte et d'une coopération internationale pour gérer cet enjeu crucial. Il appelle à une responsabilisation des acteurs du "New space" pour éviter que l'espace ne devienne impraticable pour les futures missions d'exploration, notamment celles vers Mars, l'objectif ultime de nombreux projets actuels.
Le problème des débris spatiaux est complexe et multidimensionnel. Il nécessite des actions concertées et des innovations technologiques pour minimiser les risques. En attendant, la vigilance et la responsabilité collective restent essentielles pour protéger notre accès à l'espace. "Le débris est un vrai problème. La première chose à faire, c'est légiférer. L'ONU en est bien conscient, mais il y a des forces politiques et géopolitiques derrière aussi. C'est un fameux débat", précise l'expert spatial.