Partager:
"Ne venez pas à Margate!" Dans cette station balnéaire du sud de l'Angleterre, c'est le message qu'un groupe de commerçants terrifiés à l'idée d'une seconde vague de coronavirus s'efforce de faire passer, tandis que d'autres sont pressés de rouvrir pour survivre.
"En temps normal nous serions absolument ravis de voir que les gens profitent d'un long week-end ensoleillé pour venir sur notre deck. On organiserait plein d'événements. Mais pas maintenant. C'est trop tôt", affirme Jodie Ellena, l'une des propriétaires du Bus Café, un restaurant qui surplombe la baie de Margate.
Son café installé dans un bus rouge à deux étages aurait pu continuer à vendre des plats à emporter pendant le confinement en vigueur depuis le 23 mars au Royaume-Uni. Mais Jodie Ellena a préféré fermer.
"On a un petit espace. Alors pour maintenir avec intégrité des distances sociales et la sécurité de nos employés, nos clients et le public, on a beaucoup de réticences", explique-t-elle.
"Si on peut en juillet ce serait fantastique. Ca nous permettrait tout juste de tenir financièrement jusqu'à l'hiver. Mais si on a un nouvel afflux de visiteurs et qu'il faut recommencer (à tout confiner), on perdrait toute la saison d'été" cruciale pour cette station balnéaire.
Las. Après plus de deux mois cloitrés chez eux, les habitants de Grande-Bretagne se sont précipités sur les plages le week-end dernier, familles et petits groupes de jeunes lézardant au soleil sur le sable. Ils pourraient recommencer ces jours-ci, encouragés par un relâchement des directives gouvernementales: les bains de soleil et exercices sont dorénavant autorisés en durée illimitée de même que les escapades en voiture sur la journée.
- "Du bien au mental" -
"Ça fait du bien au mental de sortir. Les trois premières semaines du confinement ça allait après ça rend fou", justifie Ian Walters, commercial dans la construction venu avec sa compagne et son enfant, devant les façades pastel des quelques restaurants ayant installé des queues distanciées.
Elena Monzchi, jeune Italienne venue de Londres, est déçue. "Je ne pensais pas que tout serait fermé", dit-elle en buvant une bière avec un ami.
Elle se montre perplexe face aux craintes de certains commerces face à l'arrivée des touristes. "Une fois que vous laissez les gens sortir...", dit-elle en montrant la foule autour de la plage.
"Il n'y a jamais eu un vrai confinement à Londres", ajoute-t-elle, faisant allusion aux contrôles beaucoup plus légers qu'en Italie, en Espagne ou en France. C'est "surtout ça qui m'a fait peur".
Ed Warren, propriétaire du café et magasin de vinyles Cliffs, et l'un des signataires de la campagne "Ne venez pas à Margate", est "convaincu qu'il y aura une deuxième vague de virus, vu la manière dont les choses ont été gérées" par le gouvernement.
Il reste fermé notamment parce que ce ne serait pas rentable de ne vendre que quelques cafés à emporter. Ses cinq salariés sont au chômage technique.
"Je comprends que certains commerces veuillent rouvrir" mais "je me sentirais coupable d'inciter les gens à venir vu l'état des choses", conclut-il.
Le Royaume-Uni, deuxième pays au monde le plus endeuillé (au moins 37.460 morts), comptait encore quelque 400 nouveaux décès jeudi à cause du Covid-19. Mais Downing Street estime les progrès suffisants pour permettre à tous les commerces de détail de rouvrir à partir du 15 juin, à condition de permettre la distanciation sociale requise en plus de mesures d'hygiène.
Rachel et Ben Williams ont relancé leur magasin de glaces artisanales le week-end dernier et ont hâte d'en faire autant pour leur boutique attenante d'antiquités.
"C'est notre seule source de revenus. Et on est loin de gagner autant qu'avant le coronavirus", dit Ben.
"Pendant le confinement les gens ne venaient pas du tout, maintenant ils ne peuvent pas dépenser d'argent", déplore Rick Everett, président du conseil de l'agglomération de Thanet, qui inclut Margate, avec derrière lui le musée Turner, qui normalement attire quantités de visiteurs.
Son seul espoir pour la saison: que les restrictions aux voyages internationaux et le budget plus serré des Britanniques les incitent à passer leurs vacances en Grande-Bretagne.